La culpabilité

La culpabilité

Nous avons tous expérimenté le poids de la culpabilité à un moment ou à un autre de notre vie, sans jamais réaliser la sagesse et le pouvoir protecteur de ce sentiment. De quoi la culpabilité peut-elle bien nous protéger et comment? Par exemple, si vous subissez la tentation de voler un objet et que vous savez très bien qu’il est mal de voler, la culpabilité monte, vous amenant soit à résister à la tentation, soit à prendre les mesures nécessaires pour ne pas être découvert si vous y succombez.

Plusieurs personnes se sentent coupables vis-à-vis de leurs parents. La plupart du temps, les parents en question sont forts et en santé, mais leurs enfants adultes ressentent néanmoins l’obligation pressante de leur téléphoner, de les envoyer des textos et de les visiter régulièrement, comme si leur vie en dépendait. Ces personnes s’exposent, de même que leur conjoint et leurs enfants, à subir des inconvénients majeurs et un grand inconfort afin de remplier ce qu’ils perçoivent comme leurs obligations envers leurs parents. Plusieurs hommes et femmes vont visiter leurs parents toutes les fins de semaine, sans exception, année après année. Comment un tel sentiment de culpabilité, qui compromet le développement et l’autonomie de la personne qui le ressent, peut-il être protecteur? La réponse se trouve dans la peur intense du rejet que ces personnes vivent face à leurs parents. Pour eux, il vaut mieux perturber leur vie et même celle de leurs proches plutôt que de s’exposer à subir à nouveau le rejet dont ils ont souffert par le passé.

La culpabilité les amène à penser et à agir en fonction de leurs obligations filiales afin de s’exposer aussi peu que possible à la souffrance et au rejet. Voilà le côté astucieux de ce sentiment de culpabilité.

La culpabilité remplit une autre fonction de façon très astucieuse. L’intensité et l’inconfort associés à ce sentiment sont là pour éveiller les gens, leur faisant prendre conscience de leur dépendance affective à l’égard de leurs parents et de leur négligence quant à eux-mêmes. Dans le cas qui nous occupe, la culpabilité révèle davantage la négligence envers soi-même qu’envers les parents, car ces derniers ne sont, après tout, pas malades. (Cependant, si les parents deviennent invalides, il est de la responsabilité de chaque membre de la famille de s’en occuper et de partager les tâches).

La charité et l’amour commencent à la maison; en leur absence la culpabilité se manifeste afin de faire ressortir cette négligence. Les personnes qui se sentent coupables envers leurs parents out toute autre personne importante, ont besoin de ce sentiment afin d’éviter le rejet tellement craint.

La culpabilité persistera tant et aussi longtemps qu’elles n’auront pas réglé leur problème de dépendance. À leur tour, les problèmes de dépendance ne seront véritablement résolus que lorsque le message qui se cache derrière ce type de culpabilité sera entendu et que les personnes découvriront leur propre valeur, indépendamment leur parents ou de toute autre personnes.

Plusieurs jeunes se sentent coupables s’ils vont à l’encontre des valeurs morales de leurs parents. La culpabilité surgit afin d’éviter que les comportements susceptibles de provoquer réprobation et rejet de la part des parents ne soient découverts. La culpabilité vise également un autre but : amener les jeunes à se demander si les valeurs qu’ils ont reçues sont respectueuses de leur personne. Si la réponse à cette question est « non », comme c’est souvent le cas, il devient urgent qu’ils s’affranchissent de leurs parents, dans l’espoir que ceux-ci et les autres les soutiennent dans ce processus d’individuation. Plus les jeunes sont dépendants de leurs parents, plus ils éprouvent des difficultés à mener à bien ce processus libérateur.

(Extrait de l’ouvrage Le pouvoir de la pensée par Tony Humphereys « Négative ». Traduit de l’anglais par Ginette Patenaude. 1999, les Éditions de l’Homme, une division du groupe Sogides).

À compléter la lecture :

Forêt québécois en octobre. Paysage triste. Photo de Megan Jorgensen.
Forêt québécois en octobre. Paysage triste. Photo de Megan Jorgensen.

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