Jalousie

Jalousie en psychologie

Sentiment d’aversion éprouvé par un sujet envers le possesseur de bleus ou de prérogatives qu’il convoite.  La jalousie ne peut être considérée en soit comme un fait anormal : chacun l’a ressentie en diverses circonstances. Bien plus, elle jouerait pour certains et notamment pour les psychanalystes, un rôle important et nécessaire dans la genèse de la sociabilité. J. Lacan fait remarquer à cet égard que la rivalité vitale, qu’une vue trop superficielle fait considérer comme l’essentiel du phénomène, est en réalité secondaire, voire artificielle : la jalousie serait dans son fond une « identification mentale » du sujet à son rival ; à partir de la situation « triangulaire » fondamentale (les personnages étant l’enfant, le père et la mère), de multiples développements sont possibles et l’analyse permettrait souvent de déceler, dans l’hostilité manifeste vis-à-vis du rival, un intérêt homosexuel refoulé. On a, depuis longtemps, observé, souligne de son côté H. Wallon, que jalousie et sympathie sont connexes.

La jalousie, d’après Lagache, peut évaluer vers des conduits constructives, oblatives ou vers le narcissisme : elle peut aussi persister et s’enraciner.  Elle est alors fondée sur un amour captatif, fait d’égoïsme et d’avidité ; le fond affectif en est l’anxiété, qui éclate parfois en paroxysmes émotionnels dus à la pression ou à la libération de l’agressivité.

Quoi qu’il en soit, la jalousie, comme toutes les passions de l’homme, joue un rôle important dans la pathologique mentale. Les faits observés sont d’ailleurs assez différents dans leur aspect, sinon qu’il s’agit d’enfant ou d’adulte.

I. En psychiatrie infantile, la jalousie, d’après V. Fontes, dérive de la notion de possession, qui naît avec les premiers actes de préhension volontaire ; elle comporte une forte charge anxieuse ; la mère est considérée par l’enfant comme sa propriété, le père, comme un rival. Cependant, la jalousie apparait essentiellement dans les relations fraternelles sous les traits du « complexe de Caïn » (Ch. Baodouin) ; c’est surtout l’aîné qui jalouse son cadet considéré comme l’usurpateur des soins et de l’amour maternel ; mais, plus tard, le cadet jalouse aussi son aîné en raison en raison des prérogatives qui lui confère son âge, mais parvenu au stade œdipien, l’enfant épreuve également de la jalousie envers les parents de même sexe. Tous ses sentiments demeurent souvent inconscients, mais ils se traduisent de façon très variable : agressivité parfois dangereuse, voire meurtrière chez les très jeunes enfants, envers le rival nouveau-né ; conduites symboliques (objets jetés par la fenêtre pour figurer la défenestration du rival, mutilations de poupées, jeux de marionnettes, dans lesquels le substitut du rival joue le rôle le plus humiliant), symptômes névrotiques isolés (tics, énurésie), ou régression globale pouvant être durable et réaliser une véritable arriération affective. Souvent aussi la jalousie est ressentie comme une faute et engendre un sentiment de culpabilité qui ne disparaîtra point avec la situation où il est né.

II. Chez l’adulte : De nombreux états névrotiques reconnaissent pour cause soit une jalousie infantile mal liquidée, soit une jalousie plus récente : névroses caractérielles ou obsessionnelles, hystérie, psychonévroses réactionnelles, peuvent  se développer selon un mécanisme assez voisin de celui des adaptations infantiles. Il faut souligner cependant la prévalence qui acquiert chez l’adulte la « jalousie amoureuse », particulièrement étudiée par D. Lagache.

C’est, écrit cet auteur, une « conduite de domination de structure régressive et imaginaire, qui tend à nier l’existence et la valeur du partenaire et à affirmer unilatéralement l’existence et la valeur de la personne du jaloux ». Les aspects de la jalousie vécue se retrouvent dans les conduites sexuelles. Quant au rival, il peut fort bien ne pas exister, on n’en redoute pas moins sa venue.

Dans le délire de jalousie, c’est toujours de jalousie amoureuse qu’il s’agit et la fiction délirante consiste dans l’invention d’un rival heureux ou dans la croyance à l’inconduite scandaleuse du ou de la partenaire.  Les idées délirantes de jalousie peuvent se rencontrer dans tous les délires : elles occupent souvent la première place dans le délire systématisé alcoolique et peuvent persister longtemps après la guérison de tous les autres symptômes.

Quant au délire chronique de jalousie à structure paranoïaque, G. de Clérambault le classe à juste titre, avec le délire érotomaniaque et le délire revendication parmi les délires passionnels ; s’il est peut-être inexact de le séparer radicalement des délires interprétatifs, on doit reconnaitre que les interprétations occupent dans les formes pures une place secondaire ; ce qui domine, c’est une conviction a priori (un « postulat »), une extension polarisée en « secteurs », un engament initial de la volonté et de l’activité tout entière du sujet, emporté par une passion exclusive qui peut trouver sa conclusion dans le meurtre du partenaire, du rival opposé ou parfois, de l’un et de l’autre. Il n’y aurait guère qu’une minorité de jaloux pour ne pas avoir d’idées de meurtre ou de suicide.

De tels états posent parfois des problèmes médico-légaux des plus ardus, car la limite peut être difficile à tracer entre la passion et le délire passionnel, lorsque l’état pathologique ne fait pas sa preuve par d’autres symptômes psychiatriques.

J.-M. Sutter

jalousie
« La jalousie horrifie l’amour. » (Marcel Godin, écrivain québécois, La cruauté des faibles). Photo : C’est l’temps d’aimer l’amour (ou pas). Graffiti sur la rue Ste-Catherine (coin de Panet) à Montréal. © Megan Jorgensen.

Sinistrose

Terme créé par Brissaud en 1908 pour désigner l’état mental particulier de certains accidentés ou sinistrés qui exagèrent leur impotence fonctionnelle, prolongent anormalement leur inaptitude au travail, enrichissent les séquelles objectives – souvent minimes – de leur accident d’une série de malaises subjectifs et surtout manifestent des tendances revendicatrices de plus en plus développées en vue d’une indemnisation maxima de préjudice causé. Le calcul utilitaire, ici, se mêle en proportion variable à des manifestations psychonévrotiques, à des préoccupations hypocondriaques, à des surcharges pithiatiques. La bonne foi et la sincérité de ces sujets est souvent difficile à estimer d’autant plus qu’ils arrivent souvent à un degré d’autosuggestion important, se prenant à leur propre jeu, entretenu par un entourage intéressé.

Ils font souvent figure d’asthéniques, d’hypocondriaques, quand – au contraire – ils ne se lancent pas dans une activité revendicatrice tenace et procédurière.

Le temps ne fait qu’aggraver ces dispositions fâcheuses; c’est pourquoi, il y a intérêt à liquider au plus tôt la situation au point de vue indemnisation et à fixer, dès que possible, la date de consolidation de la blessure ou des suites de l’accident.

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