Isolement en psychiatrie
L’isolement peut être entendu de différentes manières dans le vocabulaire psychiatrique. Il peut être considéré soit comme circonstance étiologique, soit comme symptôme morbide, soit comme mesure thérapeutique.
I. –
La vie solitaire est loin d’entraîner fatalement des troubles mentaux, qu’elle soit volontairement choisie (explorateurs de régions désolées, missionnaires en pays perdus, ermites) ou imposées par des circonstances adverses (naufragés sur une île déserte, voyageurs égarés, reclus politiques ou militaires) ; elle peut exalter le caractère et tremper la volonté sans altérer les facultés intellectuelles. Des exemples célèbres en font foi (Robinson, Kreusnach, Sogobert, Michel Cervantès, Alain Gerbault, etc.) L’isolement est d’ailleurs rarement total dans les cas compatibles avec la vie.
Par contre, on a pu accuser la solitude morale de provoquer des perturbations psychiques dans des circonstances diverses. On a signalé la « névrose de solitude » chez les montagnards (Forel, 1954).
Tantôt l’isolement ne fait que révéler une certaine fragilité de l’organisation mentale, tantôt il s’accompagne de contraintes, de privations, d’émotions répétées dont il aggrave les effets. Un rôle important revient à l’indétermination de la durée de l’isolement, à l’attente et à l’ennui (Mme A. Masson). C’est, en réalité, à des causes multiples qu’il faut attribuer le « mal du pays », le « cafard » des coloniaux, des émigrants, des jeunes soldats transplantés, comme les désordres variés qu’englobent les vocables de « psychoses carcérales ». La part des facteurs physiques, alimentaires, toxiques et infectieux, dépendent du reste souvent du climat. On ne peut le négliger dans la pathogénie de ces états.
II. –
L’isolement est aussi un comportement, une attitude symptomatique.
Certains sujets se retranchent plus ou moins de la vie familiale et sociale par disposition de caractère et ce, souvent dès l’enfance : timides psychasthéniques, narcissiques, paranoïaques et schizoïdes, se concentrent en eux-mêmes par crainte, par vanité, par orgueil ou méfiance, par perte de l’élan vital.
J. Defontaine (thèse de Lille) a fait une étude analytique de la psychologie de trois navigateurs solitaires ; ce ne sont pas des malades mentaux. Mais ils ont toutefois quelques petits désordres névrosiques ou caractériels : l’un était hyperémotif et passionné, le second présentait des tendances à la rêverie et au repliement sur soi-même, chez le dernier, on relevait des traits d’impulsivité et d’agressivité. La réaction commune à ces trois hommes a été la recherche de la solitude, l’un par goût de l’action, le deuxième comme retraite pour se préserver, le troisième par dédain pour se retremper.
L’isolement est l’un des signes par lesquels se révèle un accès dépressif, mais surtout une démence précoce au début, et l’on ne saurait prêter trop d’attention à cette attitude chez un adolescent jusque-là sociable ; elle préface ou traduit déjà l’autisme caractéristique de la schizophrénie.
Sous sa forme la plus grave, l’isolement conduit le sujet à la claustration (Carrie et coll.)
III. –
L’isolement est, sur un autre plan, l’une des mesures les plus importantes de la thérapeutique.
Il ne faut pas, certes, y recourir dans tous les cas sans discernement. Mais avec des nuances graduées, il s’impose chaque fois qu’il est nécessaire de soustraire le malade à l’influence nuisible du milieu. (Conflits affectifs, culture .motive, inter-réactions irritantes). Ou que les activités du malade deviennent un danger pour l’entourage. (Manie, délires revendicatifs, épilepsie mentale). Ou encore que la rupture s’impose avec certaines habitudes (toxicomanies, alcoolisme.
On pourra prescrire quelquefois un simple déplacement, une cure climatique à la campagne, l’envoi chez des parents éloignés (enfants dits « caractériels »).
Généralement, l’isolement doit se faire sous une surveillance médicale en maison de santé ou à l’hôpital (pithiatiques, anorexiques mentaux, toxicomanes).
Cette seule séparation des commensaux habituels ainsi réalisée est le prélude indispensable d’un traitement plus actif. Il livre souvent sans autre contrainte le malade à l’autorité morale. Ainsi qu’à l’action psychothérapique profonde de médecin.