Instabilité psychomotrice
C’est un syndrome fréquemment rencontré chez les enfants qui peut se manifester précocement (enfant touche-à-tout, changeant de jeu constamment). S’il est en rapport avec un substratum organique déficitaire, ce syndrome d’instabilité psychomotrice peut s’observer cependant chez des enfants dont l’évolution intellectuelle est à peu près normale, mais dont le fonctionnement psychique est perturbé par ce phénomène de l’instabilité ; il s’y ajoute souvent d’autres troubles du type caractériel.
Heuyer a très bien résumé les principaux caractères de l’instabilité psychomotrice de l’enfant : « incapacité à garder une attitude, à fixer son attention, à continuer la même action, à soutenir un rythme régulier, à réagir de façon constante, à persévérer dans une entreprise », agité d’un incessant besoin de mouvement, de déplacement, de changement d’espace, d’instable psychomoteur quitte brusquement le domicile paternel ; perpétuellement en quête de « nouveau », il change continuellement de direction, d’orientation, d’école, plus tard de métier.
On conçoit que cette instabilité psychomotrice soit une gêne sérieuse pour l’adaptation scolaire et sociale de tels sujets et qu’elle les oriente facilement vers la fugue et le vagabondage avec les délits qui s’y rencontre souvent.
L’instabilité psychomotrice peut être parfois « conditionnée » par des facteurs psychosociaux, comme l’ont montré Heuyer et Lebocici : dissociation familiale, incohérence éducative, anxiété maternelle, changements fréquents de pensions. Michaux et Gallot ont de leur côté décrit une instabilité psychomotrice « endogène » qui, d’après eux, ne serait qu’une forme camouflée de la psychasthénie infantile. Les tests projectifs (surtout le Rorschach) permettent également de découvrir un protocole de névrose. Toutefois, Michaux (Bulletin de la Société de Pédiatrie, 6 juillet 1954) insiste sur le fait qu’il existe en plus une formule de Rorschach commune à tous les instables, constitutionnels ou acquis, caractérisant leur terrain affectif, indiquant l’impulsivité, comme chez les épileptiques ; mais on n’y retrouve pas les traits de la viscosité mentale, comme chez ces derniers. Parfois, il s’y ajoute chez les constitutionnels un terrain de débilité motrice.
L’instabilité psychomotrice constitutionnelle est loin d’être rare (90 cas observés par J. Sutter en 3 ans, sur un total de 1.046 enfants examinés).
Pour cet auteur, l’instabilité psychomotrice de l’enfant paraît être comme le prolongement jusque dans l’âge adulte de conduites qui caractérisent les premiers stades du développement et dans lesquelles motricité et psychisme ne sont pas seulement associés mais intimement fusionnés. Au cours de l’évolution, les automatismes d’une part et d’autre part le domaine de la motricité volontaire se dégagent de la psychomotricité primitive, sans pourtant la faire entièrement disparaître.
Détail particulier : pendant la gestation, la mobilité fœtale est nettement plus accentuée chez les futurs instables qu’elle n’est chez les autres enfants.
Dans la grande majorité des cas, l’instabilité psychomotrice tend à diminuer et elle parvient à être efficacement contrôlée vers huit ou dix ans. Malheureusement, bien avant cet âge, elle a trop souvent provoqué entre l’enfant et son entourage des dissensions et des conflits. Par son agitation perpétuelle, l’instable entretient dans son milieu un climat d’irritabilité avec ses conséquences d’insatisfaction et de carence affective. La psychogenèse prend le relai de l’organogenèse. Au trouble constitutionnel fait suite le trouble réactionnel, sans que les symptômes cliniques s’en trouvent radicalement modifiés.
C’est pour n’avoir pas su discerner ce changement de « support » au cours de l’évolution que l’on a souvent confondu l’instabilité constitutionnelle, syndrome essentiellement psychomoteur, avec l’instabilité caractérielle et sociale, introduisant ainsi dans ce chapitre de la pathologie une regrettable obscurité (J. M. Sutter).
Sur le plan pratique, c’est précisément ce passage à l’instabilité réactionnelle, de même nature, qu’il importe de savoir éviter. D’où la nécessité, pour l’instable constitutionnel, d’un style éducatif adapté à son comportement, d’une hygiène mentale particulière, dont le ressort essentiel est une autorité douce, mais ferme et continue, s’exerçant dans un climat de compréhension affectueuse et vigilante, dans un cadre de vie régulier permettant et suscitant même la diversité des occupations.
Ant. Porot.
Dissociation
Ce terme général utilisé dans la sémiologie psychiatrique des trente dernières années est l’équivalent du mot « discordance », proposé par Chaslin (folies discordantes), ou de celui d’ « ataxie intrapsychique », employé par Stransky. Il désigne la rupture de l’unité psychique.
La dissociation peut se manifester très diversement par tout indice traduisant une dysharmonie, une inadéquation entre l’idée, l’attitude et la teneur affective exprimées dans un même moment. C’est donc à un sourire, à un pli du sourcil, à un regard, au ton d’une phrase qu’on qu’om la décèlera, quand on constatera qu’ils sont « détachés » du content idéique ou émotionnel qu’ils accompagnent. Seul un sens clinique exercé saura la reconnaître, car ses indices sont parfois tellement fugitifs et subtils qu’ils défient toute description analytique.
Elle est plus facile à détecter dans l’étude du cours de la pensée (exprimée par la parole ou l’écrit). Ici, en se cantonnant dans le plan intellectuel, on pourra constater des barrages, des ellipses, des dérivations, condensations, stases, trous, etc., bref des formes multiples de perturbations de l’organisation de la pensée consistant surtout en un déficit de son vecteur intentionnel et de sa structuration logique.
Mais ce ne sont la que des signes extérieurs, alors que la dissociation est en elle-même un processus profond qui mine la personnalité. Reprenant la définition de Bleuler (dans le mot allemand « Spaltung »), Guiraud la considère comme étant essentiellement « un défaut d’intégration synthétique des composantes dynamiques normalement créatrices de la notion du Moi », ou encore « la non-reconnaissance par le Moi de certaines composantes primordiales de la personnalité psychique ». Il s’agit donc d’un processus de dissolution psychique, avec dislocation du Moi, de ses composantes et de son autoconscience.
Ainsi définie, la dissociation est certainement, le processus le plus fondamental de l’« aliénation » mentale au sens le plus exact du mot, tel que nous le concevons actuellement dans la notion de schizophrénie. Aussi, tous ses indices ont-ils une valeur diagnostique et pronostique de tout premier plan, en particulier dans ces psychoses juvéniles qui se présentent sous les formes déguisées d’états dépressifs, de phénomènes hystériques, de troubles caractériels, et qui, en réalité, évoluent déjà, sous le manteau, vers la dissociation schizophrénique qui se manifestera plus tard sous ses aspects classiques.
A ce titre, la dissociation est une des notions les plus précieuses de la psychiatrie clinique, une des plus indispensables à acquérir dans l’expérience concrète.
Th. Kammerer.
Hyposthénie
Abaissement de la tension psychologique se traduisant par un ralentissement du courant des idées, un fléchissement du tonus affectif et une inhibition plus ou moins accuse du dynamism dans le comportement.
C’est la note dominante dans tous les états dits d’asthénie constitutionnelle. C’est aussi un des traits essentiels de tous les états dépressifs quelle qu’en soit la nature ou l’origine (neurasthénies acquises, dépressions secondaires à des états organiques, dépression mélancolique périodique).
Bien plus rare que l’hypersthénie dans les états délirants chroniques, elle peut, cependant, s’y observer comme mode réactionnel, le sujet subissant passivement son activité délirante et se réfugiant dans une résignation inerte; le délire ne s’extériorise pas spontanément.
Voir aussi :
