Infantilisme

Infantilisme en psychologie

L’infantilisme est une notion d’ordre surtout morphologique : arrêt du développement physique au stade infantile avec retard considérable de la formation sexuelle et des caractères sexuels secondaires. Sur le plan mental, il n’y a de répercussion que dans la mesure où le facteur étiologique de l’infantilisme peut avoir une action sur le psychisme ; c’est le cas, en particulier, des infantilismes d’origine glandulaire : infantilisme tyroïdien, avec sa torpeur cérébrale et son ralentissement ; infantilisme hypophysaire, du type Souques et Stephen Chauvet, avec sa légère débilité mentale.

Mais il y a des infantilismes qui ne semblent pas toucher foncièrement le psychisme : tel l’infantilisme du type Lorrain, où le sujet n’est réduit que dans sa taille, ses proportions restant harmonieuses (sujets vus « par le petit but de la lorgnette ») ; le même équilibre se retrouve sur le terrain mental. Dans les formes que Henry Meige avait décrites sous le nom de « chétivisme », il ne s’agit que de sujets particulièrement malingres au point de vue physique est la conséquence d’un facteur susceptible d’exercer son influence sur le psychisme ou le caractère (troubles caractériels des hérédo-alcooliques, insuffisance mentale de certains infantilismes paludéens( (DeBrun, Aubry).

Signalons aussi les cas d’« infantilisme réversif » de Gandy, caractérisé par la réapparition chez un adulte au développement jusque-là normal, des caractères sexuels de l’enfance. Cette forme régressive peut s’accompagner d’une légère involution psychique.

N’oublions pas que certains nains ne doivent pas être classés dans les infantiles tels les achondroplases qui, à part la réduction parfois considérable de leurs os longs, ont une vigueur physique et intellectuelle ainsi qu’un développement sexuel tout à fait normaux.

Le mot d’infantilisme psychique ne doit s’appliquer qu’aux cas où la puérilité s’associe à la débilité mentale et souvent, chez les infantiles, il s’agit beaucoup plus d’arriération affective que de déficit intellectuel proprement dit.

Le terme de « puérilisme mental » s’applique soit à des régressions de la personnalité (séniles) ou à des manifestations pithiatiques.

Certains auteurs, en particulier Karl Heymann (Revue suisse d’Hygiène, juin 1954, p.208), ont cru devoir décrire un infantilisme mental comme manifestation de l’époque : facultés intellectuelles suffisantes mais infantilisme caractériel et psychique dus à la prédominance contemporaine de la technicité et au relâchement de la vie familiale.

Puérilisme mental

Syndrome décrit en 1903 par E. Dupré, puis par ses élèves et qui a fait, depuis, l’objet de nombreuses relations. Il est caractérisé par une régression apparente de la mentalité au stade de l’enfance, régression qui se manifeste, le plus souvent, de façon inattendue dans l’attitude, la mimique, le langage, les occupations du sujet qui traduisent la nature puérile des sentiments, des goûts, des tendances, des appétits (René Charpentier et Courbon, 1909).

Ce syndrome doit être distingué de certains états d’arriération ou de débilité mentale avec ou sans maniérisme puéril (Chaslin, Capgras).

1.Revue clinique. – Il a été rencontré dans des circonstances cliniques très diverses.

a) Puérilisme mental dans les états cérébro-organiques. – On l’a signalé dans les tumeurs cérébrales, en particulier dans celles de l’étage antérieur de la base du crâne (méningiome de la petite aile du sphénoïde) comprimant les lobes frontal et temporal, dans les rares cas d’abcès cérébral ou cérébelleux, enfin dans la paralysie générale, persistant même après traitement. Il n’est pas très rare chez les vieilles démentes d’asiles.

b) Puérilisme mental sénile. – C’est principalement la démence sénile qui le réalise le mieux. Encore faut-il ne pas appliquer l’étiquette de puérilisme à tous les états d’affaiblissement qui font dire d’un vieillard diminué qu’il est tombé en enfance. « Entre le retour à l’enfance des vieillards affaiblis et le puérilisme sénile n’existe qu’une analogie de mots ».

Chez les vieillards atteints de puérilisme démentiel, il y a en plus de cette minorité psychophysiologique toute une mimique spéciale, un maniérisme de langage et de jeu (la vieille aux poupées de Dupré), parfois sous-tendu d’excitation et de jovialité. Tout cela permet de parler de régression vraie de la personnalité psychique à son stade infantile.

c) Puérilisme accidentel et occasionnel. – Il se présente, le plus souvent, comme un phénomène pithiatique favorisé par le milieu et rendu plus facile par une suggestibilité anormale ; cette hypersuggestibilité est tantôt le fait d’une tendance mythopatique spéciale, tantôt un attribut secondaire de la débilité intellectuelle, tantôt enfin –cas plus intéressant – un moment dans l’évolution de certaines psychoses (suggestibilité des confus au réveil, des déments précoces au début).

Ce syndrome a été signalé maintes fois pendant la guerre de 1914-1918, chez des commotionnés ou des confus évacués sur l’arrière. Le personnel féminin et les autres malades s’amusaient à leur jeu et l’entretenaient inconsciemment. Une invigoration énergique et le changement de milieu en avaient vite raison.

Dans les milieux pénitentiaires, le puérilisme mental se présente comme un aspect de la simulation toujours suspect en raison des circonstances de son apparition. Mais il faut savoir qu’à côté de la simulation franche et totale, il y a des cas de sursimulation chez certains sujets tarés mentalement, par ailleurs, qui ajoutent à leur comportement habituel du maniérisme puéril.

Dans les cas précédents, il faut noter que le puérilisme mental apparaît toujours dans des circonstances difficiles de l’existence ou dans une situation critique qui commande une attitude de défense et de protection (menace de retour aux armées, incarcération).

II. Considérations pathogéniques. – Le puérilisme mental est en définitive un trouble de la personnalité antérieure, du stade de l’enfance. Guiraud, qui a repris l’étude de ces reviviscences, montre que la personnalité enfantine reparaît, non pas seulement sous forme d’images et de souvenirs comme dans les ecmnésies que l’on provoquait autrefois par la suggestion hypnotique (Pitres), mais resurgit de façon massive et globale (véritable « ecbiose », dit-il) : « Les événements infantiles n’ont pas été seulement conservés en tant que souvenirs isolés, mais ils ont gardé leur tonalité affective et leurs relations réciproques.

Dans les états organiques et dans les démences séniles, il y a une véritable régression, après dissolution définitive de la personnalité adulte. Dans les autres cas, il ne s’agit que d’une reviviscence, soit que le sujet, dans une situation vitale intolérable, repousse systématiquement le présent pour se rejeter dans une phase agréable antérieure de son enfance, soit qu’il s’agisse d’une dissolution fonctionnelle temporaire accidentelle (commotion, confusion mentale, perturbation émotive grave).

Puérilité

Alors que le mot puérilisme sert à désigner une transformation globale intéressant toute la personnalité, le terme de puérilité ne s’applique qu’à certains propos, certains gestes, certaines réactions, certaines attitudes, pour en souligner la pauvreté, la naïveté, l’aspect superficiel et le manque de réflexion préalable chez un sujet qui, par ailleurs, a un comportement d’apparence normale.

C’est un trait essentiel de certaines débilités mentales, mais c’est aussi un symptôme relevé chez certains affaiblis intellectuels (séniles ou autres déments simples).

« Le vieillard affaibli rappelle l’enfant par la versatilité capricieuse de l’humeur, la futilité et l’illogisme de ses joies et de ses colères, les manifestations instinctives et cyniques de son égoïsme, la matérialité de ses appétits » (Dupré). Image : © Megan Jorgensen.
« Le vieillard affaibli rappelle l’enfant par la versatilité capricieuse de l’humeur, la futilité et l’illogisme de ses joies et de ses colères, les manifestations instinctives et cyniques de son égoïsme, la matérialité de ses appétits » (Dupré). Image : © Megan Jorgensen.

Infantilisme affectif

On entend sous ce terme la persistance chez l’adolescent ou l’adulte d’attitudes et de comportements témoignant d’un arrêt du développement vers l’autonomie affective normale.

Les manifestations en sont diverses : timidités, gaucheries, certaines maladresses, caprices alimentaires et anorexies, énurésie, encoprésie, et plus tard fuite des responsabilités, recul devant toute initiative, tout risque, indécisions ; ces troubles traduisent à la fois le désir de polariser sur soi l’attention de l’entourage et de pérenniser une situation de dépendance affective, normalement caractéristique de l’enfance. C’est un refus de grand, dont Cl. Launay a souligné la composante anxieuse (Rev. Neuro-Psych. Inf. janvier-février 1959).

Un attachement excessif à la mère (fixation œdipienne) est de règle, attachement que renforce fréquemment l’attitude protectrice de celle-ci. Mais, ainsi que le rappelle Cl. Launay, l’absence matérielle ou morale d’un père qui n’assume pas son rôle d’éducateur est tout autant à accuser. C’est dire l’importance que prennent les erreurs éducatives dans le déterminisme de l’infantilisme affectif : c’est à l’entourage presque autant qu’au sujet que devra bien souvent s’adresser le thérapeute.

L. Mondzain.

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