Impulsions, impulsivité

Impulsions, Impulsivité en psychiatrie

– Définition et caractères : L’impulsion est un besoin impérieux et très souvent irrésistible, surgissant brusquement chez certains sujets et les poussant à des actes irraisonnées et souvent brutaux ou dangereux.

L’impulsion peut être spontanée lorsqu’elle se produit en dehors de toute cause extérieure ; elle traduit alors une pulsion intérieure ; assouvissement d’un instinct, satisfaction d’un besoin ou d’un désir ; ou réflexe lorsque se déclenche une riposte disproportionnée dans sa rapidité et son intensité par rapport à l’excitation causale.

On donne le nom d’impulsivité à la disposition habituelle constitutionnelle ou acquise à présenter des impulsions. Elle se rencontre chaque fois que les tendances instinctivo-affectives sont exaltées ou que la conscience, le pouvoir de détermination sont en défaillance.

L’impulsivité peut être constitutionnelle ou acquise :

a) Quand elle est constitutionnelle, elle tient soit à une hérédité morbide (hérédo-alcoolisme), soit à l’arriération mentale à tous ses degrés, à de grands déséquilibres de l’humeur et du caractère ou à des perversions instinctives. L’impulsivité est un des traits dominants du tempérament épileptique. Certaines catégories raciales possèdent cette impulsivité constitutionnelle à un haut degré (crises excito-motrices et impulsivité criminelle des indigènes nord-africains);

b) L’impulsivité peut être acquise : résultat de certaines déviations affectives ou éducatives de l’enfance définitivement fixées, séquelles d’encéphalites infantiles, de traumatismes crâniens.

Dans l’étude analytique de toute impulsion, il faut prendre en considération :

Le degré de conscience avec, comme corollaire, les possibilités de réflexion (inconscience des idiots, des déments, éclipses des épileptiques, obnubilation des anxieux et des confus) ;

La charge affective variable, violente et grossière dans les pulsions instinctives, vive et tendue dans les états passionnels de la haine, de la jalousie, de la colère ; profonde et douloureuse, comme dans l’anxiété impulsive des mélancoliques ;

Le pouvoir de réflexion et d’inhibition, absent chez les déficitaires de l’intelligence, variable avec le degré de conscience et le plus ou moins de vivacité des représentations mentales. Souvent, ces dernières prennent un caractère obsédant.

En considération de ces différents éléments, on peut accepter la classification de Rogues de Fursac, qui distinguait 4 catégories d’impulsions :

  • Les impulsions affectives, toujours en rapport avec une irritabilité anormale et qui comprennent, à côté de certains grands états morbides (raptus anxieux, crises hallucinatoires, gestes réflexes des persécutés, décharges des schizophrènes) , les états dits passionnels (jalousie, excitation érotique, haine, colère) 
  • Les impulsions motrices, purement automatiques, se produisant en dehors de toute affectivité (épileptiques, idiots, déments) ;
  • Les impulsions-obsessions ;
  • Les stéréotypies.

On a pu aussi étudier les impulsions suivant leur objet : impulsions sexuelles, impulsions sanguinaires et criminelles, impulsions destructives, impulsions à l’automutilation et au suicide, impulsions à la fuge (dromomanie), impulsions au vol (kleptomanie), à l’incendie (pyromanie), impulsions des toxicomanes (dipsomanie).

– Pathogénie – H. Ey, jugeant insuffisantes et trop limitées les théories mécanicistes et psychogénistes jusqu’alors admises dans la pathogénie des phénomènes impulsifs, leur applique sa théorie organo-dynamiste. Il distingue trois aspects essentiels du problème :

– La dissolution de l’activité volontaire ;

– Une classification des niveaux et structures d’impulsivité ;

– Une théorie des dissolutions uniformes des comportements et des dissolutions partielles de la motilité, réalisant respectivement les impulsions proprement dites et les protopulsions.

– Revue clinique. – 1) Les oligophrènes (idiots, imbéciles, débiles) ont souvent des décharges motrices incoercibles, frappent, brisent sans raison et sans discernement. Ces décharges paroxystiques sont intermittentes ou surchargent une turbulence continue.

2) On peut en rapprocher certaines impulsions irréfléchies des déments de toutes catégories : décharges agressives ou classiques des déments organiques, décharges impulsives plus coordonnées et plus orientées parfois paradoxales des déments précoces et des schizophrènes.

3) Les épileptiques présentent les plus imprévisibles et les plus dangereuses des impulsions ; elles peuvent précéder ou suivre la crise convulsive (fugue procursive, accès de fureur), ou survenir à titre d’équivalent ; elles durent de quelques minutes à plusieurs heures ; on a décrit des fugues de plusieurs jours avec conservation d’un automatisme coordonné.

En dehors de ces décharges paroxystiques, l’épileptique garde un tempérament impulsif qui le porte à des réactions très vives et disproportionnées par rapport au motif provocateur, son irritabilité facile l’entraîne à des ripostes exagérées et souvent dramatiques. Il n’y a pas de perte de conscience, mais parfois légère obnubilation.

4) Dans l’onirisme confusionnel des maladies infectieuses ou des intoxications comme l’alcoolisme, peuvent éclater à tout moment des impulsions en rapport avec le délire hallucinatoire : fugues pantophobiques, suicide ou geste criminel de défense contre un ennemi imaginaire : le suicide même peut être noté comme geste impulsif de défense.

5) Les raptus anxieux, quelle que soit la psychose qui se couronne d’anxiété, peuvent provoquer des gestes impulsifs graves d’attaque ou de défense : raptus agressifs des délirants et des paranoïaques, souvent précédés de rumination, mais brusques dans leur explosion, automutilations ou crimes des mystiques, suicide des grands anxieux.

Une place à part doit être faite à la mélancolie qui, par la fréquence de l’anxiété et son caractère souvent explosif pousse les malades au suicide pour échapper à la douleur morale qui les torture ou à l’impuissance à laquelle ils se sentent condamnés.

6) Les états passionnels sont à rapprocher des états anxieux par la même charge affective qui les sous-tend ; le jaloux qui « voit rouge » et tue un rival, l’amante délaissée dont le revolver « est parti tout seul », ont cédé à des impulsions ; pareillement, le paranoïaque hypersthénique.

7) Les obsédés qui luttent parfois victorieusement, mais souvent cèdent à leurs impulsions.

– Traitement. – Il y a une prophylaxie de certaines impulsivités qui se manifestent de bonne heure chez les enfants ou les adolescents et qui sont dues à une perturbation affective ou à des erreurs éducatives (faiblesse ou abus de la répression).

Certains tests caractériels (test de Rorschach en particulier) aident à les détecter et la psychanalyse, en pareil cas, est d’une grande utilité.

Le traitement de l’impulsivité est surtout fonction de sa nature et s’adresse à l’affection causale. Il est inexistant chez les idiots, les déments, et souvent chez les épileptiques. Les sédatifs, – barbiturates, bromures – peuvent, cependant, modérer l’impulsivité de certains sujets. Dans tous les états à forte charge affective et à impulsivité accidentelle ou passagère, les décharges peuvent être prévenues par l’isolement, la balnéation, les opiacés quand la charge anxieuse est très forte.

Dans les impulsivités accidentelles, une subnarcose au penthotal a pu donner d’heureux résultats pour la libération des complexes refoulés. Des électrochocs rapprochés ont pu avoir raison d’impulsions en rapport avec des états d’agitation passagère. Quand les impulsions sont étroitement liées aux obsessions, la cure psychanalytique chez des sujets encore jeunes enregistre d’heureux résultats. En ces derniers temps, la psychochirurgie (leucotomie préfrontale et topectomie) compte à son actif quelques résultats favorables, surtout lorsque l’impulsivité repose sur une tension anxieuse excessive et durable.

– Médecine légale. – L’impulsion aboutit souvent à des crimes ou à des délits graves (meurtres, attentats à la pudeur, kleptomanie, pyromanie). Sa médecine légale est une des plus délicates. Lorsque l’inculpé a agi en pleine inconscience (cas de l’épileptique, de l’idiot, du dément, du confus), il peut être tenu pour irresponsable, mais alors son internement s’impose en raison du danger social qu’il fait courir.

Si l’acte n’a pas été commis en pleine obnubilation, il faudra chercher à déterminer ce qui est resté de lucidité et surtout de pouvoir de contrôle freinateur chez le sujet, – et ce sera alors une responsabilité atténuée. Mais il faut toujours se méfier de cette excuse facilement invoquée par un délinquant, à l’occasion en particulier de certains crimes passionnels.

Il faudra surtout explorer les antécédents et l’état mental habituel pour déceler les tares possibles et préexistantes et ne pas admettre une excuse de circonstance.

Ant. Porot.

Dromomanie : Besoin impérieux de déplacement, de voyages. Cette tendance instinctive en rapport avec une instabilité foncière peut être précoce (fugues de certains enfants) ; elle prend la forme dans certains cas du vagabondage ; d’autres fois, elle se réalise sous forme de fugues à déclenchement plus ou moins brusque. Son caractère intermittent l’apparente dans quelques cas à la constitution périodique.

« Même l’intelligence ne fonctionne pleinement que sous l’impulsion du désir. » (Paul Claudel, écrivain français. Positions et propositions). Image : © Megan Jorgensen.
« Même l’intelligence ne fonctionne pleinement que sous l’impulsion du désir. » (Paul Claudel, écrivain français. Positions et propositions). Image : © Megan Jorgensen.

Raptus

Manifestation paroxystique, à caractère de décharge explosive, susceptible d’engager le sujet dans un déterminisme tragique (fugues, meurtre, suicide).

En psychiatrie, cette manifestation traduit soit une surcharge affective soudaine (raptus émotif, coléreux, anxieux); soit une impulsion d’origine onirique ou hallucinatoire (alcooliques, confus délirants) ; soit un automatisme moteur incoercible (raptus épileptique, fugues, accès propulsif, fureur).

Pour l’estimation médico-légale d’un acte antisocial commis au cours d’un raptus, on doit prendre en considération les antécédents du sujet, son état mental habituel, le degré de conscience au moment de l’acte, l’amnésie lacunaire possible.

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