
Idées d’influence et délire d’influence
Quand un sujet croit être sous l’emprise d’une force étrangère qui dirige ses pensées, oriente ses sentiments et commande tout ou partie de ses actes et de son comportement, on dit qu’il a des idées d’influence. Quand ces idées s’installent à demeure, tendent à s’organiser et à se développer, il y a délire d’influence. Quand ces idées s’installent à demeure, tendent à s’organiser et à se développer, il y a délire d’influence.
– Études analytique. – Ces manifestations prétendues imposées correspondent toujours à des phénomènes d’automatisme mental moteur ou sensitif, que le sujet ne reconnaît plus comme partie intégrante de sa propre personnalité (« dissidence » de Chérambault, syndrome de « dépossession » de Lévy Valensi).
Manifestations de l’automatisme mental. – Présentées en 1894, sous le nom d’hallucinations psychiques par Séglas, qui avait décrit à à leur propos une « psychose d’influence », leur étude a été reprise, en 1920, par Clérambault, qui a montré qu’elles sont un élément fondamental, basal, sur lequel se greffent els constructions délirantes secondaires de persécution, d’influence (. Pour le détail le mot Automatisme mental). H. Claude a groupé tous ces faits sous le nom de syndrome d’action extérieure et se sépare de Clérambault.
– Sa nature fondamentale (v. Action extérieure). Ceillier, dans son étude sur « Les influencés » (Encéphale, 1924), en a fait une bonne revue d’ensemble. Les manifestations les plus caractéristiques de ce trouble du langage intérieur sont : la sensation d’emprise du cerveau, la pensée dirigée, l’énonciation des actes, etc.
Il faut souligner la fréquence des hallucinations verbomotrices, sous forme de langage ou d’écriture automatique. Il peut s’établir dans quelques cas, grâce à la scission de la personnalité, un véritable dialogue entre les réflexions et le langage automatique, d’une part, et les réponses ou les critiques conscientes qu’y apporte le sujet d’autre part.
Plus rares sont les phénomènes d’automatisme psychosensoriel dans le domaine de la vision. Mais il n’est pas rare de rencontrer des visions imaginaires orientées vers la bienveillance.
Automatisme moteur. – Les actes automatiques sont fréquents, tantôt simples et d’apparence naturelle, mais interprétés rétrospectivement comme imposés, tantôt sous forme de véritables décharge et de gestes incoercibles.
Automatisme sensitif. – L’esprit travaille sur les troubles cénesthésiques qui sont presque constants chez ces malades : sensations génitales anormales, sensations de brûlures, de piqûres, de décharges électriques, qui serviront à édifier des syndromes de possession, de démonopathie ou d’érotomanie.
Il y a des degrés dans l’action exercée : le sujet se plaint parfois d’être simplement dépouillé de sa personnalité, de sa liberté (dépersonnalisation) ; d’autres fois, il affirme une présence étrangère en lui, une domination ou une possession formelle.
L’état affectif, qui accompagne ces phénomènes d’automatisme, peut être variable. Clérambault soulignait sa neutralité habituelle, mais il est quelquefois pénible, peut susciter de l’irritation et de la malveillance ; parfois aussi, il peut être agréable, procurer des joies intimes (érotomanes) ou du ravissement (mystiques).
Sur ces données d’automatisme s’échafaudent les idées d’influence et peut se construire un véritable délire. Les forces étrangères supposées sont tirées des croyantes, des superstitions ou des idées régnantes à l’époque ; la note spirite, occultiste, hypnotique, est fréquente ; ou bien ce sont les rayons, les ondes, la T.S.F. qui interviennent ; parfois comme chez les primitifs et les crédules les démons, les djennouns.
Parfois, ces influences sont rapportées à un sujet donné, nommément désigné ; cela se voit surtout dans l’érotomanie ou chez certains influencés mystiques (Dieu, la Vierge, etc.).
– Évolution et types cliniques. – Quant à l’évolution des idées d’influence, elle est fort variable : certains malades restent au stade d’automatisme passivement subi et les deux personnalités font bon ménage. D’autres fois, le délire d’influence peut prendre un caractère extensif et progressif, bloquer en quelque sorte le sujet dans une stérilisation pragmatique plus ou moins grande. Parfois, enfin, s’il y a des dispositions interprétatives naturelles ou un tempérament paranoïaque, le délire d’influence pourra dicter des réactions antisociales fâcheuses ou même dangereuses.
On a décrit des types cliniques assez nombreux suivant les formules d’influence dominantes (variété érotomaniaque, délire spirite avec médiumnité, délire mystique, prophétique, délire de possession démoniaque) ; le délire de persécution par influence serait plus rare que le délire de protection (Cellier) ; les deux, souvent, se combinent, le persécuteur et le protecteur alternant leur influence sur le sujet.
– Pathogénie. – La plupart des auteurs admettent que le fait fondamental et primordial est l’automatisme mental, mais quelques divergences interviennent quand il s’agit d’expliquer les idées délirantes et le délire systématisé qui s’y greffent.
Pour Logre, les délires d’influence sont des psychoses par conscience délirante de l’automatisme morbide. Ils ont nés de l’introspection anormale de l’automatisme psychique, avec conviction que le caractère étrange du phénomène intérieure trahit son origine étrangère.
Pour Ceillier, le sentiment de la désagrégation de la personnalité consciente est donné seulement par les hallucinations psychiques qui, dépourvues de tout caractère sensoriel, sont caractérisées par leur automatisme, leur irréductibilité, leur incoercibilité.
Pour Chaslin et Alajouanine, l’idée d’influence n’est que « l’interprétation de l’automatisme mental ».
Pour H. Claude, dont le nom reste attaché au « syndrome d’action extérieure », l’idée d’influence ne serait plus une interprétation ni une explication destinée à satisfaire un besoin de causalité, mais la « formule intellectuelle du sentiment d’influence », phénomène pathologique fondamental ».
Aujourd’hui, on tend à admettre que, comme pour tout délire, il y a à la base un trouble fondamental de la personnalité.
– Valeur sémiologique et pronostique. – Lévy d’Arras, élève de Seglas (thèse, Paris, 1911), avait donné au délire d’influence la valeur d’une entité clinique, caractérisée en particulier par sa chronicité et son incurabilité, donc d’un mauvais pronostic. Heuyer et Lamache ont bien établi qu’il fallait en appeler de ce rigorisme et que s’il y a des délires d’influence pouvant constituer une psychose autonome, évoluant isolément selon cette formule, les idées d’influence peuvent se rencontrer dans des circonstances cliniques diverses, qui ne comportent pas toujours fatalement ce fâcheux déterminisme. Si, comme pour beaucoup de délires chroniques, il y en a qui aboutissent à un affaiblissement terminal, d’autre fois le fond mental n’apparaît subir aucune répercussion.
Les idées d’influence peuvent se rencontrer au cours d’états psychopathiques très divers dont ils subissent le sort : guérison, intermittence ou chronicité. Elles peuvent apparaître au cours d’accès maniaques (Logre et Heuyer(, pouvant en imposer pour un délire systématisé chronique ou une hébéphrénie ; le malade se plaint qu’en le fasse parler, gesticuler, se livrer à des fantaisies ; mais ces idées maniaques, surgissent et s’évanouissent avec l’accès qui leur a donné naissance. On en a signalé aussi, quoique plus rarement, au cours de la mélancolie (Codet), au cours de l’épilepsie (Merklen et Heuyer) et dans les obsessions (Ceillier).
Il faut toujours faire la part, en pareil cas, comme l’a montré Logre, de l’élément psychopathique « inducteur » et des idées d’influence » induites ». On a décrit aussi le syndrome d’influence dans des psychopathies dont la nature organique est indéniable : certaines démences précoces, la paralysie générale, l’alcoolisme subaigu ou chronique.
C’est en se basant sur ce substratum organique rencontré dans beaucoup de circonstances que Clérambault et son école (Heuyer, Logre) ont fondé la doctrine organogénétique de l’automatisme mental (Pour l’évolution, la pathogénie et les considérations générales, v. le mot Délires chroniques).
Ant. Porot.
Délire prophétique
Variété de divination que l’on rencontre de préférence chez les hystériques (elle est alors parfois épidémique), dans l’activité ludique des maniaques ou dans les psychoses hallucinatoires. Dans ce dernier cas, elle résulte d’hallucinations auditives ou psychiques, le sujet étant un intermédiaire entre le personnage divin et la foule.
Ou bien c’est la divinité elle-même qui s’empare du malade et parle par sa propre bouche : c’est alors une forme de possession (v. ce mot).
Classiquement, le délire prophétique s’exprime au cours d’un état de transe ; il se caractérise par l’insensibilité et l’amnésie.
Cette forme pure s’observe rarement de nos jours.
H. Aubin
Érysipèle
Infection violente pouvant provoquer des délires hallucinatoires très aigus avec agitation, raptus, fugues, surtout lorsque l’érysipèle siège à la face ou dans les régions épicrâniennes.
On possède de belles auto-observations de médecins qui ont raconté leur onirisme après une attaque d’érysipèle (Johanny Roux, Georges Dumas).
A.P.
Délires, psychoses d’épuisement
Terme sous lequel Chaslin décrivit la confusion mentale primitive, dégagée par Delasiauve et détachée des stupeurs mélancoliques. Dans sa terminologie, Chaslin réservait le nom de confusion mentale au syndrome et donnait celui de délire d’épuisement aux cas précis, assez nombreux du reste, dans lesquels la maladie survenait à la suite de privations, de préoccupations intenses, de surmenage, d’inanition ou de maladies infectieuses profondément asthéniantes.
A.P.
Délires métaboliques
On rassemble sous ce nom tous les délires de transformation corporelle. On distingue :
1) Des transformations d’organes : cerveau en verre, abdomen rempli de paille, rate pourrie, etc.
2) Des transformations de tout l’organisme : transformation en verre, en argile, mais aussi en animal, en plante, etc. On atteint facilement ici les troubles de la personnalité, les identifications étranges, les phénomènes de transitivisme.
3) Le délire métabolique peut être observé à un stade avancé des délires hypocondiaques ou mélancoliques ; il se rencontre principalement dans les psychoses déagrégatives avec affaiblissement du jugement, telles que la paraphrénie, les psychoses paranoïdes, la schizophrénie (v. ces mots). Mais on peut le trouver aussi chez des primitifs superstitieux, chez des débiles facilement suggestibles et des mythomanes désireux de se mettre en scène.
Th. K.
Délire aigu
Ce terme ne doit pas être appliqué indifféremment à toute manifestation délirante d’une certaine brusquerie ou d’une grande intensité. Il est réservé en psychiatrie à un syndrome d’une exceptionnelle gravité, caractérisé apparemment par une agitation psychomotrice progressive et intense, une anxiété hallucinatoire très active, des grimaces de la face, de l’hydrophobie et, essentiellement, par des désordres neurovégétatifs très accusés : hyperthermie en flèche, avec pouls très rapide, fonte musculaire, hyperazotémie. On a beaucoup insisté dans ces derniers temps sur la déshydratation rapide du sujet et son importance pronostique et thérapeutique (J. Delay, Deniker et Fourment, Pr. M. 1954, 29 mai), phénomène confirmé par la recherche de la tension osmotique.
L’évolution, si l’on n’intervient pas, en est toujours fatale en quelques jours et la mort survient au bout de trois à douze jours avec des températures pouvant atteindre 42 degrés. Il existe quelques signes neurologiques discrets : hypertonie, tremblement, soubresauts tendineux. Les examens de laboratoire (liquide céphalorachidien, hémoculture) sont généralement négatifs, à l’exception d’une hyperazotémie qui va croissant jusqu’à la mort et atteint plusieurs grammes.
La présence d’une température élevée permet de ne pas confondre le délire aigu avec les grands états d’excitation sans fièvre (manie aiguë, crises excitomotrices diverses, en particulier de l’épilepsie).
Le syndrome clinique a été bien décrit par les aliénistes du XIXe siècle, par Calmeil en particulier, qui en faisait une maladie inflammatoire du cerveau. M. Briand, en 1881, soutient sa nature infectieuse, doctrine admise universellement jusqu’à ces derniers temps. Toutefois, on ne put jamais déceler de microbe ou de virus spécifique.
Le délire aigu a reparu en nosographie dans ces dernières années sous le nom d’encéphalite psychosique aiguë azotémique. Marchand a beaucoup insisté sur la présence de réactions inflammatoires périartérielles et interstitielles. Mais ces lésions sont discrètes, n’ont aucun caractère spécifique ; au dire d’autres auteurs, elles sont banales, réactionnelles et peut-être agoniques (Steck). Cependant, tout récemment, P. Guiraud a insisté sur la majoration des lésions dans les régions sous-corticales. Il avait antérieurement montré que la symptomatologie pouvait être centrée sur le diencéphale et les centres neurovégétatifs de cette région : troubles de la régulation thermique, du métabolisme de l’eau, de l’azote, fonte musculaire, petits troubles neurologiques sous-corticaux. Le délire aigu paraît bien être un syndrome diencéphalique, une neurotoxicose qui rappelle les toxicoses infantiles et s’apparente au syndrome observé par les neurochirurgiens au cours ou à la suite d’interventions se répercutant sur le tronc cérébral (hyperthermie, agitation, hyperazotémie). Les expériences de Reilly, de Guy Tardieu ont montré que de simples toxines microbiennes pouvaient, par action sur les centres végétatifs, reproduire les troubles nerveux des maladies infectieuses, le tuphos en particulier. Divers auteurs ont décrit des encéphalites de ce type au cours de la fièvre typhoïde (H. Roger de Marseille) ou d’autres infections.
On est donc parfaitement autorisé à penser aujourd’hui que le délire aigu est une réaction spéciale du diencéphale à des causes diverses et que sa gravité vient précisément de la mise en cause des centres de cette région.
Si le dispositif anatomophysiologique intéressé paraît à peu près dégagé, nous ne savons rien de formel sur les factures qui le mettent en jeu. Toutefois, les conditions d’apparition du délire aigu sont assez bien connues en clinique. Les maladies infectieuses les plus diverses peuvent le voir apparaître à titre de complication (pneumonie, fièvre typhoïde, grippe, etc.). Il peut même parfois en marquer le début ; ou bien il apparaît après une période plus ou moins prolongée d’état confusionnel (délire « aiguisé »). On peut le voir enfin exploser soudainement dans la convalescence (délire aigu « méta-infectieux »). Il réalise une des formes d’accès pernicieux du paludisme. C’est pourquoi il n’est pas interdit de penser que le délire aigu doit être considéré très souvent comme une réaction allergique. H. Roger et Poursignes ont montré la réalité de ces réactions allergiques dans la mélitococcie. On peut, dans d’autres cas, envisager l’hypothèse d’une infection à virus filtrant neurotrope, intervenant soit seule, soit à titre de virus de passage ou de sortie. Nous avons constaté plusieurs fois la coexistence d’herpès.
Suivant les statistiques, l’origine infectieuse avérée du délire aigu représente une moitié ou 2/3 des cas.
Le délire aigu vient souvent brusquer la terminaison d’autres psychoses, surtout celles qui s’accompagnent de dénutrition, de sous-alimentation (états dépressifs prolongés, mélancolies traînantes). La puerpéralité est une cause préparante très souvent signalée. Marchand a insisté sur la fréquence relative d’épisodes psychopathiques dans les antécédents personnels du sujet. Il a également souligné le fait que le délire aigu est subordonné bien moins aux causes provocatrices, elles-mêmes très disparates, qu’à la réaction du terrain, à ce qu’il appelle « la morbidité cérébrale ».
Comme autres causes prédisposantes, signalons les antécédents vésaniques. Le delirium tremens grave et mortel reproduit le tableau du délire aigu et a le même substratum d’encéphalite (Marchand). Quelques causes physiques peuvent le déclencher : il est une forme de l’insolation aiguë ; il surgit parfois dans les heures ou les jours qui suivent une intervention chirurgicale.
Il reste toutefois un certain nombre de cas où toute étiologie échappe : c’est le délire aigu primitif des anciens cliniciens. S’il ne démasque pas, par la suite, une infection sous-jacente, ce délire primitif peut être soit le fait d’un virus spécial neurotrope, soit une réaction allergique à une affection latente méconnue.
Le délire aigu constitue une urgence psychiatrique que le praticien doit bien connaître en raison de son pronostic redoutable et du fait qu’il peut être conjuré souvent par une thérapeutique énergique et précoce. Il y pensera chaque fois qu’on l’appellera auprès d’un malade agité, délirant et halluciné avec une grande anxiété.
S’il rencontre le trépied symptomatique : hyperthermie, pouls au-dessus de 100, langue sèche et rugueuse (langue de perroquet), il mettra tout en l’œuvre pour l’attaquer, en attendant que le laboratoire le renseigne sur l’hyperazotémie.
Ces mêmes symptômes cardinaux devront donner l’éveil dans un service de psychiatrie chez des malades déroulant depuis quelque temps une psychose anxieuse ou un syndrome dépressif (avec sous-alimentation).
Certains délires aigus sont évitables dans les services de psychiatrie si l’on se préoccupe soigneusement de l’alimentation et de l’hydratation des malades négativistes qui se refusent obstinément à boire et à manger et des soins généraux corporels qui évitent les infections cutanées ou digestives.
Ant. Porot.
Délire polymorphe
Expression qui n’a pas grande valeur nosologique et qui sert à désigner les états délirants aigus ou chroniques dans lesquels des thèmes délirants variés s’enchevêtrent ou se succèdent sans ordre et sans déduction (persécution, mégalomanie, érotomanie, mysticisme, etc.) ; cette diversité et cette incohérence opposent le délire polymorphe au délire systématisé.
On peut, avec Levy-Valensi, distinguer deux groupes de faits : les formes aigues et les formes chroniques.
1. Formes aigues. – a) La plus anciennement connue est le délire épisodique polymorphe des dégénérés de Magnan, appelé aussi « délire d’emblée », à cause de sa brusquerie d’apparition sur un terrain fragile et à la moindre cause occassionnelle. Ces bouffés délirantes sont généralement de courte durée, de quelques semaines à quelques mois, guérissent le plus souvent, mais peuvent récidiver. Elles n’ont pas habituellement un caractère évolutif, mais, dans certains cas, après quelques rémissions, peuvent passer à la chronicité.
De tels faits n’ont pas une grande valeur nosologique, le cadre de la dégénérescence ayant été brisé par Gilbert Ballet et ses élèves. En fait, il s’agit, le plus souvent, de débiles, de déséquilibres, de cyclothymiques présentant des accidents épisodiques.
a) Chez certains schizophrènes, on peut observer des épisodes de délire polymorphe assez semblables avec aussi des rémissions, mais guérissant moins franchement et pouvant, après chaque bouffée délirante, découvrir un fonds mental déjà altéré ou en voie de dissociations (autisme, discordance, troubles de l’affectivité et du contact vital, etc.)
En pareil cas, les états délirants prennent souvent au bout d’un certain temps, un aspect paranoïde, c’est-à-dire mal systématisé, mal charpenté au point de vue de la logique, à thèmes multiples et même franchement incohérents (v. Paranoïde). Il est important alors de rechercher des signes d’atteinte générale d’auto-intoxication (amaigrissement, troubles neuro-végétatifs, petit syndrome d’insuffisance rénale).
b) Nous ne faisons que mentionner ici le délire assez polymorphe et embrume de confusion des états oniriques d’origine toxique ou infectieuse.
c) États maniaques et dépressifs. – Dans la manie aiguë, il peut y avoir une dominante délirante (manie délirante), dont le polymorphisme s’explique par l’instabilité de l’attention, la fuite des idées, la labilité des états affectifs ; de même dans la mélancolie à dominante délirante (mélancolie délirante), les thèmes délirants peuvent être polymorphes ; indignité, impuissance, auto-accusation, persécution, mysticisme (damnation), négation, énormité. Mais ils ont, cependant, une note commune péjorative qui leur donne un cachet propre.
« Qui habite cette maison ? – Je ne sais pas, – répondit l’homme. André lui mit dix réaux dans la main et ajouta: – Dis-le-moi tout de même. ». (Pierre Louÿs, La Femme et le Pantin.). Photo : ElenaB.
2). Formes chroniques. – a) Dans quelques cas, manie et mélancolie peuvent passer à la chronicité avec leur bagage délirant plus ou moins disparate.
B) Signalons aussi les délires polymorphes de certains états démentiels pouvant avoir quelquefois, et au début, un caractère épisodique, mais se prolongeant généralement avec l’évolution morbide (sénilité, paralysie générale). L’absurdité s’ajoute au polymorphisme et à l’incohérence soulignant ainsi l’affaiblissement intellectuel sous-jacent. Là encore, nous rencontrons le tableau des états paranoïdes, mais pauvres et grossiers.
b) Le polymorphisme du délire dans les états chroniques se rencontre dans toutes les psychoses évolutives (délire chronique hallucinatoire, en particulier; débilité mentale évolutive, démence précoce très évoluée). Il peu succéder à une phase de systématisation, mais l’affaiblissement intellectuel et la désagrégation mentales le dissocient, le fragmentent et lui donnent finalement son aspect démentiel.
– En définitive, c’est surtout chez les jeunes sujets que le délire polymorphe pose des problèmes délicats au point de vue diagnostic et pronostique. Il peut être révélateur soit d’un déséquilibre constitutionnel, d’une schizophrénie à son début, soit d’une psychose maniaco-dépressive qui commence ses accès périodiques.
Signalons aussi, en terminant, qu’en clinique les délirants polymorphes jeunes présentent souvent, entre temps, des manifestations confusionnelles et des syndromes de la série maniaque ou mélancolique, ce qui souligne bien qu’il ne s’agit pas d’un syndrome précis et autonome.
Ant. Porot.

S’il y a des dispositions interprétatives naturelles ou un tempérament paranoïaque, le délire d’influence pourra dicter des réactions antisociales fâcheuses ou même dangereuses. Photo: Megan Jorgensen et GrandQuebec.com.
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