Idée fixe dans la psychologie
On entend ordinairement par idée fixe une idée parasite acceptée par la conscience comme conforme à la personnalité et dont, de ce fait, le caractère pathologique n’est pas reconnu.
– Analyse psychologique. – Des philosophes ont pu critiquer la justesse du terme « fixe » appliqué à un phénomène psychologique aussi mouvant dans sa structure et dans sa forme que l’idée (P. Valéry).
Néanmoins, et derrière l’imperfection du langage, il importe de constater l’intrusion dans le psychisme d’une représentation, d’un thème ou d’un tout autre élément de pensée possédant une certaine individualité et s’imposant avec une constance ou une fréquence et une intensité suffisantes pour capter l’attention.
Cet aspect parasitaire de l’idée fixe permet de reconnaître en elle une modalité, mineure en quelque sorte de l’automatisme mental.
L’idée fixe a une tendance naturelle à envahir le champ de la conscience (monoidéisme). Orientant à son profil le cours de la pensée, elle entrave le jeu normal des associations d’idées volontaires : le sujet qui en est victime est devenu incapable d’inhibition à son égard.
Cette situation, si elle est peu durable et si le contenu de l’idée est agréable, peut entraîner parfois une certaine euphorie et sous-tendre une exaltation, favorisant l’activité du sujet (enthousiasme créateur). Mais, qu’elle se prolonge exagérément ou surtout qu’elle éveille des résonances pénibles, il en résulte une sensation de gêne plus ou moins douloureusement ressentie. Cette gêne est souvent interprétée par le sujet comme de la céphalée. Elle a pour corollaire la distraction involontaire, des actes manqués, une baisse du rendement professionnel dont la constatation vient aggraver le malaise éprouvé.
Si donc, par le sens du contenu de l’idée parasite, on oppose classiquement l’idée fixe à l’idée obsédante (celle-ci étant en opposition, celle-là en harmonie avec la personnalité du sujet), on ne saurait les séparer dans tous les cas et avec certitude.
L’angoisse peut se trouver dans l’idée fixe comme dans l’idée obsédante ; le fait même de vouloir chasser une idée fixe quand elle est pénible ou seulement trop absorbante et de n’y point parvenir crée l’inquiétude et peut devenir pour sa part un objet obsédant. On saisit donc des termes de passage entre ses deux aspects de l’automatisme mental.
– Pathogénie. – L’idée fixe demande d’ailleurs pour apparaître une certaine déviation de l’équilibre habituel de la pensée qui se produit généralement sous des influences physiques ou psychiques (prédisposition, surmenage, infections ou intoxications, émotions, etc.) et se trouve engagée surtout par des facteurs affectifs.
– L’idée fixe en clinique. – Elle se situe souvent à la limite seulement du pathologique : telle l’idée fixe de l’inventeur, du chercheur, de l’artiste chez lesquels la tension intellectuelle est plus ou moins soumise à une sorte de passion. Elle offre des caractères déjà plus morbides dans les états passionnels vrais (amour, haine, avarice, ambition, jeu, etc.).
On la rencontre enfin dans des situations franchement psychosiques.
L’idée fixe postonirique est bien connue. Elle apparait comme un résidu de la confusion mentale et fait survivre dans la pensée tels éléments introduits à la faveur de l’expérience délirante.
Les idées fixes de la manie, de la mélancolie naissent et se polarisent sous l’influence des pulsions affectives propres à ces états. L’idée fixe de l’épileptique, de l’alcoolique emprunte son caractère obstiné à la baisse de la tension psychologique et critique du moment.
L’idée fixe est un élément fondamental de la plupart des délires systématisés. On peut, d’ailleurs, dire sans paradoxe de beaucoup d’idées délirantes que, si elles sont définies telles par l’observateur, elles demeurent quant au sujet lui-même de simples idées fixes, puisqu’elles «s’accordent avec sa personnalité morbide (il en est ainsi dans les délires dits « à idée prévalente »). Toutefois, J.-M. Sutter a fait remarquer qu’il y a une distinction à faire entre le délire « qui est une expérience vécue » et l’idée fixe « qui n’est qu’une conviction qui se maintient indépendamment de l’expérience » (Congrès international de Psychiatrie, Paris, 1950).
Enfin, si l’on admet avec certains auteurs que l’idée fixe puisse être subconscientes, c’est-à-dire non formulée dans l’esprit du sujet, on la rencontre à l’origine de nombreuses manifestations névrotiques qui objectivent l’échec de son intégration.
– Thérapeutique. – Le traitement de l’idée fixe, lorsqu’elle constitue une gêne pour le malade ou l’entourage, se confond le plus souvent avec l’état pathologique qui la conditionne.
Du point de vue symptomatique, on s’efforcera de restaurer les facultés d’inhibition par le changement de cadre ou d’activité (sorties, voyages, exercices physiques), la sédation émotive par les médications appropriées, sans négliger une psychothérapie en profondeur (à l’état de veille ou de subnarcose), si le sujet ne présente pas d’affaiblissement intellectuel important.
Avarice
Perversion de l’instinct de conservation consistant dans une hypertrophie de la tendance à l’épargne, mais qui manque son but : celui d’assurer la sécurité de l’individu dans l’avenir; tel le cas de ces i mendiants thésaurisateurs » (DUPRE), qui meurent cachectiques et loqueteux sur une paillasse bourrée de pièces de monnaie ou de billets de banque.
L’avare qui se garde des grandes entreprises et du risque verse rarement dans la délinquance et la criminalité (ROGUES DE FURSAC). Il reste cependant un être socialement improductif et nuisible; il impose à sa famille des privations et peut prendre des dispositions testamentaires parfois contestables en justice.
L’avarice considérée par DUPRE comme une perversion congénitale ne se manifeste pourtant, le plus souvent, que tardivement, dans la vieillesse. Toutefois, dès la jeunesse, l’avare a des tendances méfiantes et solitaires.
Dans le cadre des états pathologiques, l’avarice apparaît de préférence dans les psychoses de ralentissement. On sait qu’elle prend une véritable valeur symptomatique, à mettre en parallèle avec les troubles de la mémoire, dans les affaiblissements et délires préséniles. On la rencontre encore dans certaines formes de mélancolie et de concentration affective (paranoïa dépressive).
Pour Guy DELPIERRE, l’avare serait un asthénique «schizoïde à autisme pauvre, n’ayant pas la faculté de vibrer à l’unisson avec l’ambiance, et se sentant à l’aise dans l’automatisme, l’immobilité, la rigidité».
L’auteur tire de l’œuvre de BALZAC des types caractéristiques de cette constitution (le père Grandet et l’usurier Golbseck) (Psychopathologie de l’avarice, plaquette éditée par la librairie Giard, Lille, anal, in A, M. P., octobre 1953, p. 416).
Ch. Bardenat.

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