Homicide – définition et concept
L’homicide est le fait général de provoquer directement la mort d’un être humain.
Juridiquement, on distingue : les coups et blessures entraînant la mort sans intention de la donner : l’homicide par imprudence, l’homicide volontaire ou meurtre et l’assassinat ou meurtre prémédité, chacune de ces formules entraînant des sanctions différentes.
Suivant le degré de parenté, on parle d’uxoricide (épouse), de fratricide, de parricide, d’infanticide (nouveau-né). L’attentat à la vie d’un haut personnage de l’État est le magnicide; celui qui vise un souverain, le régicide (v. chacun de ces mots). Sous le nom de génocide, on envisage un crime collectif contre toute une race.
Les mobiles de l’homicide peuvent être d’ordre affectif (jalousie, haine, passion), ou avoir un but utilitaire (suppression de l’obstacle à un délit ou d’un témoin gênant).
La fréquence de l’homicide est influencée par le milieu social des auteurs, la rudesse des mœurs (vendettas, impulsivité criminelle de certains indigènes), les troubles de certaines époques (révolutions), l’instabilité et la faiblesse de la répression (mansuétude de certains jurys à l’égard des affaires passionnelles) ;
– En pathologie mentale, l’homicide répond à des inspirations variables suivant les états : il est rare, au regard des autres délits, dans les états démentiels, il est alors le fait d’un geste absurde, attribuable au hasard plus qu’à une impulsion instinctive.
Les états oligophréniques (arriération, imbécilité, débilité mentale) peuvent accessoirement comporter des réactions homicides. Celles-ci sont généralement accidentelles, dues à une imprudence ou à une activité de jeu (jets inconsidérés de pierres, manipulations malhabiles d’armes à feu, brimades niaises, sabotages de matériel pour satisfaire la curiosité d’un accident, imitation d’un héros de cinéma, etc.).
Elles peuvent encore s’inscrire dans un raptus coléreux ou dans la manifestation ruminée d’une rancune pour un motif futile, être la conséquence, dans une dispute banale, de la mise en œuvre de moyens disproportionnés avec l’intention de se défendre ou de corriger l’adversaire.
L’homicide parfois, commis par l’enfant, procède des mêmes mobiles généraux. Mais il peut répondre aussi à des déterminants passionnels comme chez l’adulte (v. plus loin), ou tendre à liquider des complexes obscurs ou des conflits que le sens critique, insuffisamment développé, ne permet pas d’intégrer. Il devient alors « la seule solution possible » (Collin et Rollet). Il va sans dire d’homicide chez l’oligophrène comme chez l’enfant.
Dans les états déficitaires juvéniles (schizophrénie, catatonie, psychose paranoïde), il est plus fréquent en raison même des mécanismes de désinsertion sociale, de l’autisme et de l’impulsivité des malades. Les moments féconds du début, ainsi que les périodes de délire, constituent de véritables phases médico-légales dans ce groupe d’affections discordantes. La motivation de l’acte est parfois, dans ces états dissociatifs, relativement claire et liée à un sentiment hostile. Mais, souvent, le motif n’est pas connu par la conscience du sujet et semble sans explication possible. P. Guiraud a pu montrer cependant, dans certains cas où persiste une lucidité relative, que le meurtre apparaît comme un acte libératoire vis-à-vis de la maladie elle-même. Orienté par des complexes profonds, le choix de la victime peut être déterminé par une fusion d’images, une condensation de la pensée et obéit à un sentiment sur lequel le malade lui-même se fait illusion.
Parmi les psychoses épisodiques ou périodiques, la manie aiguë est exceptionnellement homicide, malgré la turbulence et l’agressivité fréquentes de ces malades. Il en va de même dans la mélancolie où la dépression porte plutôt le sujet au suicide. Mais c’est dans cette forme psychique qu’on observe le paradoxal meurtre altruiste. Le malade, mû par un sentiment de pitié (Dupré), sacrifie des êtres chers (de sa famille en général), pour leur éviter les supplices que son délire lui représente comme une menace inéluctable. Le suicide, réussi ou non, suit généralement ce genre d’homicide. On doit se méfier d’un tel risque en présence d’un excès de sollicitude du malade à l’égard de ses proches au cours de la mélancolie (H. Claude).
Les états aigus confusionnels, qu’ils soient d’origine infectieuse ou traumatique, peuvent conduire à l’homicide sous l’empire d’hallucinations oniriques ou d’idées d’influence. Le diagnostic de ces états est ordinairement facile.
Parmi les intoxications, l’alcoolisme aïgue ou chronique occupe une place privilégiée par le nombre des crimes qu’il suscite. Non seulement, il peut compliquer et aggraver les tendances antisociales instinctives ou acquises de sujets instables, mais il provoque par lui-même, tantôt l’explosion coléreuse de l’ivresse confusionnelle ou l’angoisse du delirium tremens, tantôt les idées de jalousie, l’irritabilité hargneuse, la dégradation éthique dans les formes chroniques.
Signalons aussi le chanvre (haschich, kif), la cocaïne parmi les poisons incitant aux réactions meurtrières.
L’homicide est réalisé dans l’épilepsie principalement au cours des états paroxystiques mentaux (équivalentaires ou états seconds délirants), spécialement dans la fureur épileptique comme des phases pré ou post paroxystiques de la crise convulsive (v. Épilepsie). Il est caractérisé surtout par l’imprévu et la brutalité sans limite de son exécution, l’acharnement et la sauvagerie des coups portés, la tendance à la récidive automatique d’un accès à un autre.
Néanmoins, certains homicides accomplis au cours d’une phase critique ont été médités et annoncés pendant les phases conscientes intercalaires. Ils répondent à une préoccupation réelle du sujet. Le problème de la responsabilité apparaît alors difficile et il faut serrer de près l’analyse du comportement du malade avant, pendant et après l’acte, pour affirmer ou écarter le caractère pathologique de celui-ci.
L’épileptique est, en effet, par ailleurs entrainé à la violence par des dispositions permanentes du caractère qui, elles, ne confèrent pas obligatoirement l’irresponsabilité.
Les tendances à l’impulsion des obsédés qui sont toujours plus ou moins des émotifs (Morel), des anxieux (Dupré) et des psyzoïdes (Kretschmer), se réalisent rarement en actes homicides. Elles sont, en effet, et presque fondamentalement, en opposition avec la personnalité du sujet. Aussi ne se libèrent-elles, au prix d’une lutte angoissante, que lorsqu’elles n’ont que des conséquences sans grande portée. Il faut, pour atteindre à l’homicide, l’intervention de circonstances secondes (débilité, émotion-choc notable, atteinte organique ou toxique), capables d’altérer sérieusement la lucidité du malade et son autocritique, de forcer sa capacité de résistance et de créer, en quelque sorte, un état de psycholepsie (H. Claude), permettant la survenue d’actes non contrôlés. On peut noter, dans ces cas, une véritable période d’incubation (Esquirol, Marc), avec tristesse, préoccupations, irritabilité, insomnie, précédant la méditation anxieuse et la détermination impérieuse de l’acte. Il n’est d’ailleurs pas rare que l’obsédé ne tente de faire échec à son impulsion en mettant quelques tiers au courant de la situation, en avertissant sa victime au moment critique ou encore en se suicidant.
L’impulsion homicide peut offrir un caractère récidivant et conduire certains obsédés impulsifs à des actes stéréotypés (telle Jeanne Weber étouffant des enfants confiés à sa charge).
La psychasthénie, la neurasthénie sont exceptionnellement génératrices d’homicides, à moins que le malade ne présente en même temps des tendances paranoïaques, La victime d’élection est alors le médecin qui le soigne, le chirurgien qui l’a opéré sans succès à ses yeux (cas de Pozzi).
Il n’y a pas de crime au cours de l’hystérie ni en état d’hypnose, encore que ces situations puissent être invoquées par l’auteur d’un homicide volontaire ou donner lieu à simulation.
L’homicide est indiscutablement fréquent chez les délirants chroniques. Le persécuté-persécuteur représente l’espèce la plus dangereuse de ces maladies. Ses victimes sont généralement désignées à l’avance (par des revendications à leur égard, des insinuations, des menaces publiques, des lettres anonymes), ce qui devrait permettre par une mesure préventive d’isolement d’éviter la réalisation de l’acte dans la plupart des cas.
D’autres variétés de paranoïaques délirants (les réformateurs, les politiques en particulier) sont capables de se livrer à l’homicide. Magnicides et régicides sont souvent le cas. Le meurtre est exécuté tantôt par le malade lui-même, tantôt inspiré à d’autres sujets par des anomalies sexuelles majeures qu’il couronne en quelque sorte (comme le grand sadisme), ou qu’il préface (comme dans la nécrophilie), ainsi qu’à la suite de délits sexuels dont il vise à effacer les traces (viol). On notera que le caractère plus ou moins impulsif de tels homicides ne suffit pas à excuser leurs auteurs devant la loi pénale.
– Les circonstances dans lesquelles est commis l’homicide, les procédés et les moyens mis en œuvre par l’auteur, varient dans une certaine mesure avec la personnalité du criminel et sont parfois caractéristiques de son état mental et des mobiles auxquels il obéit. Le choix de l’arme est, sans doute, orienté par la facilité avec laquelle on peut se la procurer (revolver, fusil de chasse, couteau, faucille, baïonnette, etc.), mais aussi par le plus ou moins de préparation qui préside à l’action et se peut laisser à l’auteur le loisir d’adapter ses moyens au but poursuivi : revolver de poche chez le jaloux, l’érotomane et le persécuté, mitraillettes des gangsters, grenades, bombes des attentats politiques.
La décollation est assez en faveur chez certains peuples (Africains, entre autres), de même que l’usage du poignard.
L’infanticide est réalisé volontiers par l’étouffement ou par la submersion.
La strangulation est un processus fréquent dans l’homicide sexuel ; et quand elle se complique de mutilation du cadavre, elle évoque le sadisme et les perversions connexes.
L’emploi d’armes improvisées et parfois multiples, successivement utilisées sur la même victime (pierres, tisonnier, pilon de cuisine, hachette de ménage, etc.), évoque le raptus coléreux, l’accès épileptique, le paroxysme délirant hallucinatoire. Il stigmatise aussi souvent la débilité du criminel.
L’arme chimique est enfin l’agent homicide de prédilection auquel recourent une catégorie bien spéciale de criminelles : les empoisonneuses.
Ch. Bardenat.
Magnicide
Le magnicide est un attentat contre la vie d’un haut personnage de l’État.
Le terme désigne également l’auteur de cet attentat. Ainsi, Charlotte Corday exécutant Marat; Louvel poignardant le duc de Berry, pour ne citer que des exemples historiques, furent des magnicides.
Le magnicide est de tous les pays et de toutes les –poques. Il s’explique souvent par des conditions révolutionnaires où il devient difficile de distinguer les influences du fanatisme partisan et de l’exaltation individuelle de l’auteur, de séparer le complot subversif ou l’héroïsme national du geste pathologique.
Mais, dans des cas précis, éclairés par une documentation suffisante, l’étude psychologique ou l’examen psychiatrique du criminel (Louvel, Salsou, Sandon, etc.), permettent de situer l’auteur au rang des paranoïaques réformateurs.
Le magnicide paranoïaque apparaît constamment comme inadapté social. Il agit presque toujours seul : c’est dans la solitude et le secret qu’il médite, mûrit, prépare et exécute son action.
Régis distingue, dans une étude classique et pénétrante, deux types de magnicides. Les uns sont des persécutés persécuteurs courants. Croyant avoir à se plaindre de quelque ministre, haut fonctionnaire ou dignitaire, ils obéissent à des mobiles égocentristes, personnels, en réalisant leur vengeance. D’autres, élargissant le débat par une sorte de transfert à double sens, identifiant leur propre cause à celle de tout un peuple ou de toute une classe, prenant à leur compte personnel l’oppression qui pèse sur la collectivité (Genil-Perrin) et s’érigeant en mandataires des malheureux, se font volontiers les justiciers de la tyrannie.
Ce sont les persécuteurs ambitieux. Leur geste apparaît pur de tout intérêt particulier. En fait, leur désir de réformer l’ordre social ou simplement d’attirer l’attention sur une iniquité procède du mécontentement et de la vanité insatisfaite. Il est constant de voir leur orgueil s’étaler pendant leur jugement, soutenir le dédain dont ils accablent le Pouvoir ou le bourreau, auréoler leur « martyre ».
Ch. Bardenat.
Euthanasie : C’est la mort qu’un sujet peut consentir à donner à un être cher qui réclame que l’on abrège ses souffrances. Ce meurtre, que l’on pourrait qualifier d`« altruiste » peut également se référer au mot Homicide.
Infanticide
L’infanticide est le meurtre volontaire d’un nouveau-né. Il est commis généralement par les parents, la mère en particulier.
En dehors de l’infanticide indirect par abandon, ce crime est réalisé les plus souvent par submersion, étouffement, strangulation, abandon ou « exposition ». Le procédé dépend beaucoup plus du degré d’imagination et du niveau intellectuel de l’auteur que des circonstances matérielles.
Œuvre parfois de désespérées (filles délaissées) ou de délirantes mélancoliques, il revêt plus ou moins dans ces cas le caractère d’un meurtre paradoxalement altruiste.
L’infanticide s’observe encore au cours de différents états démentiels (schizophrénie) ; plus rarement dans les confusions aigües (certaines psychoses puerpérales). Il est généralement le fruit d’un accident dans quelques épisodes d’agitation (épilepsie, manie).
Mais il est surtout, sinon habituellement, la conséquence d’une perversion de l’instinct maternel associé ou non à la débilité mentale. Il est exécuté alors peu de temps après l’accouchement.
On a pu l’observer encore (A.Ley) sous l’influence de la passion réciproque de parents réagissant comme des jaloux à l’égard de l’enfant, intrus et rival. La complicité du père, – il s’agit aussi d’ordinaire d’un pervers ou d’un psychopathe – est fréquente.
La responsabilité est généralement admise conne entière, hormis les cas de psychoses graves et caractérisées.
Ch. Bardenat.
Fratricide
Au sens littéral, meurtre d’un collatéral Meurtrier d’un frère ou d’une sœur.
Le fratricide ne présente pas de particularité spéciale du point de vue psychopathologique.
Parricide
C’est l’homicide volontairement commis sur la personne d’un ascendant légitime, naturel ou adoptif. C’est aussi celui qui commet ce crime.
Le parricide est puni de mort par la loi française (Note : 1951). Les circonstances atténuantes ne sont pas admises. Seule, la démence (art. 64 du Code pénal) fait disparaître le crime.
Le parricide ne comporte pas, en médecine mentale, de signification particulière. Il est relativement rare et se rencontre surtout au cours d’états entraînant un déficit intellectuel notable (psychoses dissociatives, épisodes hallucinatoires, débilité profonde). Mais on le voit, chez des sujets plus lucides, répondre à des motivations banales et sordides (conflits d’intérêts mûris en vase clos, par exemple).
Uxoricide
L’uxoricide est l’homicide commis sur la personne de l’épouse. Il apparaît banalement comme la réaction d’un jaloux soupçonneux et trahi, d’un mari abandonnée et qui venge davantage sans doute son amour-propre et la dépossession dont il est victime qu’il ne résout un conflit amoureux.
Lorsqu’il est conditionné par un état mental pathologique, il obéit exceptionnellement à un mobile « altruiste » (cas de certains mélancoliques anxieux, de certains paranoïaques) et se double alors, en général, d’un suicide.
Plus souvent, il se présente comme une phase d’un suicide à deux chez quelques passionnés délirants plus ou moins hypocondriaques, quelques intoxiqués romanesques. Ou bien encore, dans des états variés, il est l’aboutissement d’un conflit entre la volonté délirante du malade et l’opposition imprudente ou maladroite de l’entourage. Il peut se compliquer du meurtre des enfants, de l’incendie de la maison, etc.
On l’observe avec une fréquence particulière dans la pathologie mentale de l’indigène nord-africain (idées d’influence, d’empoisonnement, de complicité), chez ces sujets facilement hypocondriaques ou persécutés.
Mais il serait plus souvent encore inexplicable si l’on ne tenait compte qu’en règle générale, le recours à l’assistance médicale étant abusivement différé, l’épouse réalise la seule présence humaine auprès du malade pendant les heures anxieuses de la nuit et se trouve, par là même, dangereusement exposée aux raptus d’humeur et aux impulsions de toute nature.
À compléter la lecture :
