Historique de l’assistance psychiatrique

L’historique de l’assistance psychiatrique

Ensemble des mesures prises pour soigner les malades mentaux et leur venir en aide au point de vue social.

En France, l’assistance psychiatrique est en perpétuelle évolution. Jusqu’en 1838, il n’existait aucune réglementation d’ensemble. Des dispositions légales, plus ou moins appliquées, ne visaient qu’à un seul but: assurer la tranquillité et la sécurité publiques.

Quelques établissements, la plupart religieux, recevaient les aliénés, mais trop souvent les mesures de contention étaient considérées comme le meilleur moyen, sinon pour guérir, du moins pour rendre inoffensif un aliéné.

C’est à PINEL que revient le mérite d’avoir, le premier en France – au début du XIXe siècle – entrepris la lutte contre ces traitements barbares et « délivré les aliénés de leurs chaînes ».

Enfin, le 30 juin 1838 lut promulguée la loi qui, toujours en vigueur, fixa le régime légal des aliénés.

1° Elle provoquait la création d’établissements spécialement destinés à les recevoir et précisait les dispositions financières qui en rendraient possible le fonctionnement.

2° Elle prescrivait les mesures protectrices de la liberté individuelle.

3° Elle déterminait la condition juridique des aliénés internés.

Ainsi devaient être assurées: 1° la sécurité publique; 2° l’assistance médicale; 3° la protection de la liberté individuelle et des biens des internés.

Dès 1870, des tentatives de réformes avaient cherché à modifier la loi. Depuis, jusqu’à nos jours, de très nombreuses propositions ont été présentées au Parlement sans succès (projets STRAUSS, DUBIEF, etc.). Et la loi de 1838 est toujours debout. Cependant, l’évolution des doctrines psychiatriques d’une part, les progrès de la thérapeutique d’autre part exigent de nouvelles formules, une organisation nouvelle. La loi organique de 1838 demeure, mais on s’efforce de l’aménager et de créer des possibilités de traitement qu’elle n’a pas prévues.

Signalons que des Colonies de placement familial avaient été organisées en certains pays dont la plus célèbre, celle de GHEEL, en Belgique, date de plusieurs siècles et renferme actuellement plus de 3.000 aliénés, placés chez des nourriciers. En France, le département de la Seine avait créé, pour les aliénés tranquilles, des Colonies familiales dans le département du Cher.

L’ancien régime ne prévoyait que l’assistance aux malades justiciables de l’internement.

De nombreux sujets atteints de névroses ou au début d’une psychose se trouvaient dans l’impossibilité d’être traités; des services de médecine générale ou de neurologie les éliminaient; eux-mêmes ou leurs familles répugnaient à l’internement avant que les troubles soient devenus graves ou aient provoqué des réactions antisociales. Pourtant, quelques hôpitaux généraux importants dans les grandes villes possédaient de petits services de délirants aigus, réduits souvent à quelques cellules d’isolement (service du Pr Gilbert BA.LLET, à l’Hôtel-Dieu, à Paris ; service du Pr REGIS, à l’hôpital Saint-André, à Bordeaux).

En 1911, le D’ Ant. POROT fait construire à l’Hôpital civil français de Tunis, dont il était médecin, un service libre de psychiatrie. En France, c’est au Dr TOULOUSE que nous devons la création du premier « service ouvert » à l’hôpital Henri-Rousselle, dans l’enceinte de l’hôpital Sainte-Anne, à Paris.

Ce premier « service ouvert » naquit en 1922. Depuis, il connut plusieurs répliques en divers lieux et la circulaire ministérielle du 13 octobre 1937, relative à la réorganisation de l’Assistance psychiatrique, dans le cadre départemental, invitait les préfets à organiser des «services ouverts» dans leurs départements.

La conception médicale de la psychiatrie devait amener à créer aussi la prophylaxie des maladies mentales par l’organisation de Dispensaires d’Hygiène mentale et d’un Service social, chargés non seulement du dépistage, mais aussi de la surveillance en post-cure.

Parallèlement, l’assistance hospitalière subissait aussi une transformation: les asiles d’aliénés étaient baptisés hôpitaux psychiatriques, ce qui soulignait bien la révolution dans un sens plus médical et plus thérapeutique.

Nous voyons de nos jours s’introduire et se développer la notion de l’aliéné, « fait social ».

Le malade psychique doit être traité rapidement pour ne pas être perdu pour la société, mais il ne faut pas oublier que l’internement va l’en séparer et risque de le désadapter. Il importe donc qu’il puisse trouver dans l’hôpital psychiatrique et du côté du personnel qui l’encadre, une organisation de vie sociale et collective qui lui rappelle les conditions et les obligations de la vie commune (organisation du travail des malades, distractions, etc.). Il importe aussi qu’à sa sortie, après guérison ou amélioration, il trouve à se replacer ou à se réadapter dans des conditions de vie familiale ou sociale en rapport avec ses nouvelles possibilités. C’est à quoi s’emploient des Comités de Patronage et un Service social, des Dispensaires d’Hygiène mentale en liaison avec tous les organismes utiles.

Une assistance psychiatrique ainsi conçue, aux rouages si nombreux et si variés pose, on le conçoit aisément, de très nombreux problèmes ; toute une série de dispositifs et d’organismes, bien articulés entre eux, doivent s’appliquer à les résoudre:

  • le dispensaire chargé du dépistage, des consultations, des traitements ambulatoires, des conseils et du service social ;
  • le service ouvert doté de tous les moyens thérapeutiques, recevant les psychopathes légers et certains aigus graves, rapidement récupérables ;
  • l’hôpital psychiatrique qui doit être capable de mettre en action toutes les ressources de la thérapeutique médicale, mais qui, en plus, doit disposer de toute la gamme des possibilités psychothérapiques ;
  • enfin, le placement familial individuel ou sous forme de groupements en colonie .

On trouvera dans le «Recueil international de Législation sanitaire, publié par l’O.M.S. (n° 1, vol. 6) la législation sanitaire comparée dans les différents pays, sur l’hospitalisation des malades mentaux (anal, in P. M., 18 août 1956, p. 1429).

La tendance actuelle de l’Assistance psychiatrique s’oriente vers l’organisation du « Secteur psychiatrique» groupant sous la direction d’un même psychiatre: les consultions de dépistage et de post-cure, les services d’hospitalisation, et de resocialisation.

Certains organismes de Sécurité sociale ont créé des centres de rééducation et de réadaptation sociale.F. Ramée.

"L'amitié n'est pas une simple formule, c'est le devoir d'assistance dans la peine." ( Albert Camus (1913 - 1960). Photo de Megan Jorgensen.
« L’amitié n’est pas une simple formule, c’est le devoir d’assistance dans la peine. » ( Albert Camus (1913 – 1960). Photo de Megan Jorgensen.

Historique de l’expertise mentale en matière civile

Elle vise, en général, soit la capacité civile d’un sujet, soit les répercussions neuropsychiques d’un accident ou d’un dommage subi.

A) Procédure et conditions de l’expertise. – Elle est, le plus souvent, prescrite par le Tribunal de grande instance ou par la cour d’appel, parfois en cas d’urgence par le président du Tribunal ou un juge délégué. Il peut en être prescrit par d’autres juridictions (justice musulmane, tribunaux religieux) ; parfois aussi elles sont faites à la demande d’Administrations, de Compagnies d’Assurances, mais elles n’ont pas forcément, en ces derniers cas, de caractère légal.

Les expertises civiles sont confiées à un, ou plus souvent à 3 experts, dont les noms sont proposés par les partes et agréés par leur accord. La présentation de serment préalable est obligatoire par écrit et sur timbre dans les expertises en droit commun, prescrites par les Tribunaux, à moins que l’expert n’en ait été dispensé, du consentement exprès des parties. L’avoué du demandeur prie le ou les experts désignés de fixer la date, le jour, l’heure et le lieu des opérations : il en informe son client et aussi la partie adverse.

Au cours de l’opération d’expertise, les avoués se Font représenter et les parties peuvent désigner leur médecin pour y assister ; mais ces derniers doivent se borner à ce rôle d’assistance, sans participation. Toutefois, l’expert peut recueillir de leur bouche des renseignements dont il appréciera l’utilité.

L’expert a également le droit de se faire communiquer tous documents qu’il croit utile de consulter. Il peut, de même demander une mise en observation s’il la juge indispensable et tous examens complémentaires de spécialiste ou de laboratoire qu’il estime nécessaire.

La rédaction du rapport doit se faire sur papier timbré, sauf en cas d’assistance judiciaire, auquel cas mention en sera portée en tête du rapport avec la date de la décision d’assistance judiciaire. Tous les documents reproduits ou examens complémentaires des spécialistes peuvent être annexés à condition qu’ils soient, eux aussi, timbrés.

Les experts font enregistrer leurs rapports et les déposent ensuite au greffe.

B) Objet de l’expertise civile

1) Capacité civile

Pour cette catégorie de faits, nous renvoyons aux mots « Capacité civile, Interdiction, Conseil judiciaire, Mariage, Testaments, Donations, etc.

2) Appréciation des dommages subis d’ordre psychique et neuropsychique

Les dommages subis peuvent provenir soit d’un accident, d’un traumatisme (le plus souvent crânio-cérébral) ; soit d’une simple commotion ; soit d’une intoxication (oxycarbonée le plus souvent), mais parfois aussi d’une simple émotion violente à l’occasion d’une agression, d’une menace ou d’une frayeur.

Dans la pratique, l’expertise est demandée : 1) Soit peu après l’accident, alors qu’il y a encore des désordres neuropsychiques relativement importants ; 2) Soit un certain temps après l’accident pour statuer définitivement sur la date de consolidation et l’incapacité résiduelle.

a) Expertises précoces. – C’est généralement une question de pronostic que l’on pose et il faut se garder de conclure trop hâtivement (ce que désirent souvent les Administrations ou les Compagnies d’Assurances).

Des réserves d’avenir doivent toujours être faites en matière de conclusion et s’il s’agit d’un accident du travail, un nouvel examen sera demandé dans un délai de un, trois ou six mois, selon l’importance des désordres psychiques et des concomitants neurologiques.

L’expert se trouve souvent, vis-à-vis d’un dilemme embarrassant. Il sait, d’une part que la prolongation de la situation d’indisponibilité va favoriser la sinistrose, les tendances revendicatrices et que, d’autre part, une liquidation rapide du litige libère l’esprit de la victime de ses préoccupations et accélère sa guérison, mais qu’en ce cas, le taux légitimé par l’état présent risque d’être trop élevé au regard de l’avenir. En réclamant un nouveau délai d’une durée peu importante, il s’agit au mieux des intérêts de tous et conciliera ces deux tendances contraires.

b) Expertises tardives. – Ces expertises sont toujours extrêmement délicates car, le plus souvent, l’élément subjectif y prédomine et le problème de la sincérité se pose fréquemment. Quand il n’y a pas allégation purement gratuite de désordres psychiques, il peut y avoir de la part du sujet exagération ou surcharge pithiatique.

L’expert devra donc être très prudent, non seulement vis-à-vis des allégations du sujet, mais aussi vis-à-vis des témoignages de l’entourage immédiat, trop souvent responsable de la culture d’une névrose post-traumatique ou intéressé à une indemnisation avantageuse. Il n’y a que des cas d’espèce qui demandent de la part de l’expert une grande circonspection et, surtout, une grande expérience acquise. Trop de médecins, non avertis, donnent hâtivement des certificats avec surestimation du dommage qui renforcent le traumatisé ou le commotionné dans ses tendances revendicatrices. S’il suspecte un élément d’exagération ou de cupidité, le praticien se mettra à l’aise en envoyant le demandeur à un spécialiste ou en l’incitant à une demande d’expertise.

Il faut se méfier particulièrement de l’appoint alcoolique qui vient si souvent aggraver et entretenir d’apparentes séquelles neuropsychiques dans les traumatismes crâniens. On l’a vu surtout chez les blessés de guerre.

Il faut prendre aussi en considération les tares que pouvait présenter le sujet antérieurement : une syphilis latente, une imbibition alcoolique ancienne qui ont facilité un processus de méningite chronique ou une évolution vers un affaiblissement intellectuel. Tous ces éléments doivent être notés avec soin et il ne faut pas hésiter à recourir à des recherches de laboratoire ou à une ponction lombaire, souvent révélatrice.

Néanmoins, ces éléments de prédisposition susceptibles de faire comprendre le mécanisme des lésions, ne sauraient (en particulier en manière d’accidents du travail) frustrer la victime du droit à réparation des conséquences de l’accident.

L’état antérieur du sujet au point de vue mental fera l’objet d’une enquête minutieuse. Certains débiles mentaux, certains déséquilibrés de l’humeur et du caractère mettent trop volontiers sur le compte d’un accident leur déficit antérieur.

Chez l’enfant, les arrêts de développement ne sont pas rares à la suite d’un accident, surtout d’un traumatisme crânien frontal et des enquêtes scolaires peuvent aider à l’estimation du dommage en pareil cas.

Ce qu’il faut par-dessus tout, c’est rechercher et établir la filiation de l’état mental présent avec l’accident invoqué, faire préciser s’il y a eu des désordres immédiats, en particulier un coma, une perte de conscience, une période confusionnelle plus ou moins prolongée et si l’état mental actuel peut, logiquement être considéré comme découlant de cette sérieuse perturbation initiale. En pareil cas, l’imputabilité d’origine peut être tenue pour certaine ou très probable. Elle reste douteuse et suspecte s’il n’y a pas eu d’accident psychique immédiat et si les manifestations névrosiques ou mentales sont apparues à retardement.

Une seule exception cependant ; c’est au cas où des accidents manifestement épileptiques apparaissent avec leur temps de latence habituel, qui est toujours de plusieurs mois.

Une question souvent posée reste à résoudre surtout en matière d’accidents du travail : C’est celle de la date de consolidation. Elle peut être fixée au moment où il semble que les accidents soient définitivement stabilisés dans leur forme résiduelle.

Quant à la question du taux d’invalidité, l’expert s’inspirera des barèmes en cours qui sont établis et qu’on trouve dans les manuels ou tables d’invalidité en matière d’accidents du travail ou d’invalidité militaire.

Une porte doit être, le plus souvent, entrouverte pour une révision ultérieur possible.

Ant. Porot.

Historique du problème de l’internement (placements d’office et volontaire)

Mesure administrative qui consiste à soustraire à la vie sociale libre un individu atteint de troubles mentaux, en le plaçant dans un établissement sous le contrôle. Où il recevra les soins nécessités par son état.

L’internement dans les hôpitaux ou les établissements privés sous le contrôle de la Loi, peut se faire :

  • Soit en placement volontaire ;
  • Soit en placement d’office.

Placement volontaire : – Pour être admis, le malade devra être muni des pièces ci-dessous :

1) La demande d’admission (sur papier timbré), précisant le nom, prénom, profession, âge, domicile de la personne qui a rédigé la demande et, aussi, de celle dont le placement est demandé.

La personne demandant l’admission peut être soit un membre de la famille du malade, soit un ami, un employeur ou une assistante sociale. Elle devra, soit faire légaliser sa signature, soit faire la preuve de son identité.

2) Un certificat médical (sur papier timbré) constatant de façon détaillée, l’état mental de la personne à placer, et la nécessité du traitement et du maintien dans un établissement sous le contrôle de la loi du 30 juin 1838.

La validité du certificat ne dépasse pas quinze jours. Il ne doit être délivré qu’après un examen effectif et le médecin certificateur ne doit être ni parent, ni allié, au second degré inclusivement, des chefs ou propriétaires de l’établissement ou de la personne qui fera effectuer le placement.

3) Une pièce propre à établir l’identité de la personne à placer.

Le placement volontaire peut être soit payant, soit gratuit ou semi-gratuit. Dans le premier cas, l’admission se fait rapidement et sans difficulté, la famille ou le répondant s’engageant par écrit à solder les frais d’hospitalisation. Il n’en est malheureusement pas de même dans le second cas, où le dossier ci-dessus indiqué doit être transmis au préfet par le maire de la commune, qui y joint son avis sur les possibilités financières de l’intéressé et de sa famille. Il en résulte un retard, parfois important, de la décision à intervenir.

Placement d’office. – Il est ordonné par le préfet pour les personnes dont l’état d’aliénation mentale compromettrait l’ordre public ou la sécurité des personnes.

L’arrêté préfectoral, « dûment motivé », est pris sur le vu d’un dossier comprenant essentiellement :

  1. Des pièces d’identité ;
  2. Un certificat médical (v. ci-dessus et v. ce mot) précisant notamment que le malade est dangereux pour l’ordre public ou la sécurité des personnes ;
  3. Un procès-verbal des faits et gestes de l’individu, établissant la réalité des troubles du comportement social de la personne à placer.
  4. L’arrêté peut encore être pris par le préfet à la demande d’un magistrat instructeur, pour un prévenu ayant, après expertise, été déclaré irresponsable et justiciable d’internement du fait de son état mental.

– Placement d’urgence. – L’article 19 de la loi de 1838 prévoit qu’ « en cas de danger imminent, attesté par le certificat d’un médecin ou la notoriété publique, les commissaires de Police à Paris et les maires dans les autres communes, ordonneront à l’égard des personnes atteintes d’aliénation mentale, toutes les mesures provisoires nécessaires, à la charge d’en référer dans les vingt-quatre heures au préfet qui statuera sans délai ».

Certains médecins ont cru pouvoir interpréter dans un sens très large cet article 19 et en multiplier les applications pour faciliter l’hospitalisation.

  • Contrôle des internements. – Dans le but d’éviter les internements arbitraires (v. Séquestration), la loi de 1838 q prévu un certain nombre de dispositions qui assurent la protection de la liberté individuelle :
  • Certificats immédiat et de quinzaine rédigés par le médecin de l’établissement ;
  • Livre de la loi devant recevoir des annotations mensuelles ;
  • Rapport semestriel au préfet ;
  • Visites de surveillance effectuées par les délégués du ministre, les préfets ou leurs délégués, le maire de la commune de l’établissement, les magistrats.

Signalons qu’un malade interné ne perd pas ipso facto sa capacité civile que seul un jugement d’interdiction peut lui retirer.

Rappelons que la loi a prévu des dispositions pour la protection des biens d’un malade interne (v. Situation juridique des malades mentaux, Protection des biens).

F. Ramée.

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