Héautoscopie

Héautoscopie ou image du double

L’héautoscopie ou image du double est la perception par un sujet de son propre corps en dehors de lui (dédoublement), comme s’il l’apercevait reflétée dans un miroir.

L’image du double peut être totale, représenter l’ensemble du corps, ou partielle, n’en offrant qu’un segment ou ne mettant en scène qu’un organe profond (cerveau, cœur ou autres viscères). Elle a peut-être une origine lointaine dans l’ « inconscient collectif » : on la retrouve, en effet, dans les mythes et les superstitions des primitifs, dans l’inspiration des poètes et des romanciers.

J. Lhermitte, dans une intéressante conférence faite au National Hospital de Londres en juin 1950 (British Medical Journal, 3 mars 1951), insiste sur le fait que non seulement le sujet croit voir sa propre image, mais qu’il a l’impression d’être en étroite relation matérielle et spirituelle avec cette image et de vivre avec elle.

L’héautoscopie peut n’être qu’une simple représentation ou même qu’un simple sentiment de dédoublement que n’accompagne aucun fantasme hallucinatoire, ou bien se présenter comme une véritable hallucination visuelle accompagnée d’une charge affective plus ou moins accusée. Toujours existe ce caractère sur lequel Lhermitte a insisté après Sollier : le sentiment d’appartenance au moi physique et moral.

Son apparition est favorisée par diverses circonstances dont la plus importante est le fléchissement de la conscience ; on l’observera à l’état physiologique au moment de l’endormissement ou à l’occasion de fatigues ; il s’agit alors d’une hallucination hypnagogique à forte charge esthésique, plongeant le sujet dans le désarroi, la perplexité.

J. Lhermitte signale aussi que la somnolence, la tristesse, l’idée de la mort, paraissent particulièrement favorables à l’éclosion de cette hallucination autoscopique, de même que l’anxiété.

La plupart des auteurs en font un trouble de la cénesthésie; ce serait une perturbation du schéma corporel (v. ce mot), terme auquel Lhermitte préfère la dénomination « d’image du corps ».

Dans la confusion mentale et l’onirisme pathologique, le même phénomène de dissolution de la conscience intervient pour créer des hallucinations de même ordre. Certains infectés délirants ont, à un point très accusé, le sentiment de dédoublement de la personnalité qui les poursuivra parfois pendant un certain temps après la phase de réveil (idées fixes post-oniriques).

Cette vision du moi a été signalée aussi dans les hallucinoses pédonculaires, dans les séquelles d’encéphalite épidémique pariéto-occipitales où elles peuvent hanter le champ visuel hémianopsique (Engerth et Hoff, Van Bogaert), dans la cataplexie des atteintes vestibulaires. Elle n’est pas rare chez certains schizophrènes qui perçoivent confusément la dissociation de leur moi corporel.

Quand les hallucinations spéculaires se répètent trop souvent, elles peuvent entraîner, par interprétation secondaire, de véritables délires d’influence ou de possession.

Hegaen et Green ont essayé (Encéphale, 1957, 5-6, p. 581) de démontrer à propos d’une étude détaillée portant sur plusieurs cas personnels que ce trouble fondamental ne pouvait s’expliquer de façon univoque en raison même de la diversité des voies qui y conduisent et de la variété qu’il prend.

Ant. Porot.

Cénestopathie

Le terme a été créé par Dupré et Camus pour désigner une hallucinose de la cénesthésie, c’est-à-dire la perception d’un trouble organique dont l’irréalité est consciente, et constamment critiquée par le sujet, qui ne fait l’objet d’aucune interprétation délirante, mais qui n’en détermine pas moins une certaine anxiété. Telles sont du moins, les cénesthopathies pures.

Les sensations décrites sont étranges, plus pénibles que douloureuses, le plus souvent localisées à un organe : cerveau, cœur, estomac, pharynx, organes génitaux, etc. En outre, le cénestopathe souligne le plus souvent ses descriptions d’une mimique très expressive et emploie pour traduire ses souffrances toutes sortes de comparaisons plus ou moins imagées : vide, torsion rétrécissement, glace, écoulement d’eau, consistance de bois, rembourrage…

Il n’y a pas de différences subjectives nettes avec les paresthésies, mais celles-ci ont, par définition, une base organique (neurologique surtout) objectivable.

Ainsi définie, la cénestopathie se rencontre dans la dépression constitutionnelle, dans l’hypocondrie non délirante. Mais en élargissant l’acception du terme, il peut embrasser tous les troubles « cénesthésiques depuis les troubles les plus « neurologiques » du schème corporel et les paresthésies obsédantes de la ménopause, jusqu’aux hallucinations cénesthésiques de la psychose hallucinatoire chronique et aux délires de négation ou de transformation corporelle de l’hypocondrie délirante, en passant par les innombrables sympathalogies des dystonies neurovégétatives. Le summum en est le syndrome de Cotard, dans lequel la sensation de la vie organique est complètement abolie.

De même que la conscience du moi psychique peut subir une désannexion connue sous le nom de syndrome d’automatisme mental, de même la personnalité physique peut faire l’objet d’une désannexion, (déformation, énormité, négation, transformation), localisée à un organe ou généralisée à tout l’organisme. Cette notion conduirait ainsi à travers toute la psychopathologie délirante et hallucinatoire jusqu’à la paraphrénie et à la schizophrénie.

Th. Kammerer.

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Héautoscopie
« L’artiste n’est artiste qu’à la condition d’être double et de n’ignorer aucun phénomène de sa double nature. » (Charles Baudelaire, poète français, né en 1821 et mort en 1867. Curiosités Esthétiques). Image : © Megan Jorgensen.

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