Gaucherie en psychologie
Tendance à utiliser tout ou partie de l’ensemble gauche du corps pour accomplir les mouvements et gestes automatiques ou voulus, que la plupart des sujets exécutent à droite (Fontan).
Cette tendance peut résulter d’une infirmité, d’une lésion cérébrale (pseudo-gaucherie), ou constituer un état physiologique qu’il parait inopportun ou contre-indiqué de contrarier, du moins si elle est grande, homogène (pourtant, sur l’œil, la main et le pied) et si le sujet est jeune (moins de 7 ans).
La gaucherie contrariée, considérée dans l’ensemble du développement neuropsychique, paraît contribuer dans une importante mesure à un certain nombre de troubles moteurs et psychomoteurs : lenteur, imprécision des mouvements, syncinésies accompagnant les mouvements dissociés de la main non dominante, paratonie ainsi que diverses manifestations de débilité motrice et d’instabilité.
Certains strabismes, les tics, les crampes professionnelles, certains troubles de l’élocution et surtout le bégaiement, constituent une des manifestations qui ont, avec la gaucherie contrariée, les rapports les plus fréquents.
Il en est de même des dyslexies d’évolution, voire de certains retards graphiques, de certaines anomalies telles que l’écriture en miroir, de certaines difficultés électives à l’acquisition de l’orthographe.
Dans la sphère intellectuelle, on note souvent une labilité de l’attention qui, pour certains auteurs, pourrait conditionner la plupart des autres anomalies.
L’énurésie, l’encoprésie présentent des relations assez fortes avec la gaucherie contrariée, soit qu’il s’agisse d’un retard de la maturation sensitivo-motrice, soit que la contrainte ou un sentiment de culpabilité, d’infériorité aient perturbé le développement affectif. Ces mêmes facteurs conditionnent vraisemblablement les troubles du caractère : émotivité, timidité, voire certaines formes de la délinquance.
Sivadon et ses collègues (Congrès des Médecins al. et neurol. De France et des pays de Langue française, Rennes, juillet 1951), à propose de trois cas dans lesquels existait de la gaucherie associée à un syndrome de dépersonnalisation, ont insisté sur le rôle de la latéralisation dans la structuration de la personnalité d’où l’intérêt de reconnaître précocement la gaucherie et de la corriger pour une éducation spatiale adaptée.
L’accord est loin d’être fait sur les tests de dominance latérale. Un examen psychotechnique complétant des investigations anthropométriques, un questionnaire détaillé, voir un examen électro-encéphalo-graphique, apparaissent parfois comme nécessaires pour entraîner une attitude scientifique. On arrive alors à constater bien souvent que la dominance latérale strictement homogène est exceptionnelle. Cliniquement, on se contente d’une enquête sommaire sur la propension de l’enfant à se servir de la main gauche comme main principale pour tenir sa cuiller ou pour écrire et sur la répression éventuelle de l’entourage; pour la main, on examine isolément la main droite et la main gauche dans l’épreuve des marionnettes, da dynamométrie, l’écriture, le dessin, les activités spontanées; pour l’œil, on examine de quel côté le sujet rapproche une carte percée d’un trou, à travers laquelle on lui demande de regarder un objet éloigné; on observe quel est l’œil dont il se sert pour viser, quel est le côté (mineur) où il peut clore isolément les paupières. Pour le pied, moins important à dépister, on recommande de distinguer le pied actif (shoot au football) et le pied s’appui (dans le cloche-pied, par exemple).
Sans entrer dans des considérations théologiques sur la signification de la dominance latérale, on ne peut passer sous silence le fait classique de la localisation gauche des centres hémisphériques, en relation avec les fonctions symboliques. L’aphasie accompagne l’hémiplégie gauche chez le gaucher. Il semble souhaitable pour un bon développement psychomoteur, qu’un sujet présente une dominante latérale (droite ou gauche) très marquée. Théoriquement, aucune des deux n’est meilleure que l’autre.
Pratiquement, il est contre-indiqué de contrarier un gaucher homogène franc, âgé de moins de 7 ou 8 ans, pour peu que l’on observe la moindre ébauche des troubles énumérés plus haut.
Socialement, il faut reconnaître que les outils, les machines, sont faits pour des droitiers. Dans le milieu scolaire, l’enfant gaucher, vraisemblablement influencé par les préjugés connus, se prête souvent avec mauvaise grâce à une rééducation à gauche. D’où la nécessité de divulguer les notions nouvelles concernant cet important problème, pour faciliter l’harmonieux développement du gaucher.
Voir sur cette question de gaucherie le rapport de M. Fontan au XLIXe Congrès des Méd. Al et neurol. De France et des pays de Langue française, Rennes, juillet 1951, suivi d’une importante discussion (P. Girard, R. Pechoux, L. Bovet, Dublineau, Alliez, Aubin, H. Bersot).
H. Aubin