Le concept de l’épilepsie (Mal comitial) en psychiatrie
Vaste ensemble nosographique qui groupe des accidents neuropsychiques paroxystiques d’origine centrale se reproduisant à intervalles variables et plus ou moins réguliers.
L’épilepsie a longtemps été désignée sous le nom de « mal comitial » ; ce terme, peu utilisé aujourd’hui, s’appliquerait surtout aux épilepsies chroniques ne relevant pas d’une cause évidente. Par contre, l’adjectif comitial est à peu près synonyme d’épileptique.
1. Aspects cliniques. – La clinique de l’épilepsie est essentiellement celle de ses paroxysmes. Nous les énumérerons dans une succession uniquement fondée sur leurs symptômes les plus apparents, toute autre classification reposant sur des conceptions théoriques souvent controversées.
La crise convulsive tonico-clonique généralisée (crise de grand mal ou icto-comitiale) : le malade, parfois, après quelques manifestations fugaces constituant l’aura (douleur, hallucination, impression d’étrangeté, angoisse, etc.), pâlit, pousse un cri inarticulé (inconstant) et tombe brutalement sans connaissance ; pendant quelques secondes. Il présente un état de rigidité intense (phase tonique), puis surviennent des contractions rythmées et synchrones de tous les muscles (phase clinique), qui durent généralement un peu moins d’une minute ; enfin, il demeure inerte et inconsciente, tandis que la respiration, un instant suspendue (apnée), reprend avec un ronflement (phase, plus longue, de coma stertoreux) ; on constante alors parfois qu’il y a eu, pendant la crise, une morsure de la langue, une miction involontaire, voire une défécation ou une éjaculation.
L’examen neurologique pratiqué à ce stade montre généralement des pupilles en mydriase, ne réagissant pas à la lumière, une abolition du réflexe cornéen et, symptôme inconstant mais très précieux, un signe de Babinski. Après la crise, la conscience revient progressivement, avec une phase intermédiaire de confusion mentale.
Lorsque des crises convulsives se reproduisent de façon subintrante, sur un fond permanent de signes de souffrance cérébrale diffuse (confusion profonde ou coma, hyperthermie, déshydratation), on a affaire à ce que l’on nomme un état de mal épileptique.
Le petit mal épileptique comporte trois variétés d’accidents qui peuvent exister isolément ou s’associer chez un même malade : les absences, les secousses ou myoclonies épileptiques, généralement bilatérales et localisées aux membres supérieurs, d’amplitude très variable, survenant souvent à l’endormissement ou au réveil, et enfin les crises atoniques ou akinétiques, caractérisées par une brusque suspension, localisée ou généralisée, du tonus musculaire, entraînant parfois la chute ; cette dernière variété d’accidents groupe en réalité des éventualités différentes et pour Gastaut il s’agirait le plus souvent d’un dérobement des membres inférieurs dû à une myoclonie.
Le petit mal s’observe surtout chez l’enfant ; ses paroxysmes ont une fréquence variable (20 à 30 par jour représenteraient une moyenne) ; lorsqu’ils sont très nombreux, on parle parfois de pycnolepsie. A la puberté, le petit mal peut disparaître mais le plus souvent il s’associe alors au grand mal ou cède la place à ce dernier.
Les autres variétés de paroxysmes à expression neurologique sont extrêmement nombreuses. Méritent une mention spéciale :
La crise jacksonienne ou somato-motrice : c’est une crise convulsive surtout clonique limitée à un côté du corps et même, le plus souvent, à certains segments (la main et la face en général) qui entrent en convulsion successivement. La perte de conscience est rare et, lorsqu’elle se produit, elle est généralement contemporaine de l’envahissement de la face. La perte de conscience est rare et, lorsqu’elle se produit, elle est généralement contemporaine de l’envahissement de la face. Lorsque l’extension topographique atteint le côté opposé, la crise est dite « secondairement généralisée » et un interrogatoire minutieux est parfois nécessaire pour mettre en évidence, ce qui est fort important, son début unilatéral. réaliser.
Les crises adversives La tête et les yeux ou parfois le corps tout entier décrivent une rotation, presque toujours vers le côté opposé à celui de l’hémisphère « provocateur ».
Les crises toniques (spasmes ou hypertonies de topographie variable) et atoniques. Ces dernières peuvent réaliser une brusque interruption du tonus d’attitude connue sous le nom de cataplexie.
La crise sensitive ou somato-sensitive caractérisée par un accès bref de paresthésies ou d’illusions sensitives (sensation de transformation, d’altération, de dédoublement, de déplacement) ayant les mêmes caractères topographiques que la crise jacksonienne.
La crise vertigineuse, sensation paroxystique de tournoiement ou de déplacement du corps ou des objets, pouvant entraîner la chute. L’expression de « vertige épileptique » était autrefois employée pour désigner de nombreuses variétés de paroxysmes.
Les crises visuelles, auditives, olfactives : fausses perceptions sensorielles élémentaires, n’entraînant pas la croyance ou du moins de résistant pas à un examen critique. Phosphènes, taches colorées ou scotomes pouvant être limités à la moitié du champ visuel opposée à l’hémisphère provocateur. Bruits de cloches, sifflements, bourdonnements, mauvaises odeurs, etc.
Les crises aphasiques et anarthriques, les premières comportant un trouble du langage intérieur tandis que les secondes sont de simples arrêts de la parole.
Les crises végétatives : elles peuvent affecter l’appareil respiratoire, circulatoire, mais surtout le domaine digestif : impressions gustatives accompagnées de mâchonnement, sensations pénibles thoraco-abdominales (boule, striction), douleurs à type de colique.
Ces formes, fréquentes surtout chez l’enfant, ne doivent pas être confondues avec des affections digestives authentiques, ni surtout avec les manifestations neurovégétatives d’origine périphérique, qui ont généralement une durée plus longue. Dans bien des cas, c’est un E.E.G., demandé parfois sans grande conviction, qui permet seul le diagnostic.
Les paroxysmes à expression psychiatrique sont, eux aussi, polymorphes :
Les crises hallucinatoires peuvent être considérées comme le développement des crises sensorielles (visuelles et auditives surtout) signalées plus haute : les fausses perceptions prennent un aspect plus complexe et plus « figuratif » mais surtout la conscience régresse à des degrés divers, favorisant la croyance en la réalité des faits hallucinés en entraînant parfois des réactions en rapport avec cette croyance.
La déstructuration brutale de la conscience prédomine dans d’autres paroxysmes, accompagnés d’une anxiété diffuse. Le malade éprouve une transformation indescriptible de tout son être ; ses pensées semblent se dérouler sans qu’il puisse les diriger ; des souvenirs reparaissent avec une vigueur extraordinaire ; le monde extérieur parfois semble lui-même participer à cette inquiétante transformation. L’adjonction à ce tableau d’hallucinations olfactives et gustatives réalise la crise uncinée.
La confusion mentale qui, déjà, teinte souvent les tableaux précédents, peut apparaître au premier plan. Tantôt, il s’agit d’une confusion simple accompagnée d’automatisme ; ce dernier peut être très élémentaire, manifestement incongru par rapport à l’ensemble de la situation ou plus adapté et plus complexe (automatisme eupraxique de Marchand). Il prend souvent la forme ambulatoire (épilepsie procursive ou fugues plus coordonnées et plus longues). Dans d’autres cas, on voit se manifester une agitation qui peut être extrêmement violente, clastique, meurtrière, revêtir une teinte anxieuse ou se rapprocher de l’excitation maniaque. Il existe également une forme stuporeuse.
On décrit encore parmi les paroxysmes psychiques des manifestations plus brèves, d’interprétation parfois difficile ; troubles passagers du cours de la pensée, accès coléreux, impulsions brèves.
Les paroxysmes mentaux de l’épilepsie sont très habituellement suivis d’une amnésie lacunaire complète ; parfois, quelques souvenirs fragmentaires persistent ; rarement, il n’y a pas d’amnésie (épilepsie consciente et mnésique). Ces accidents existent seuls ou contractent avec les autres manifestations critiques des rapports variables, pouvant alterner avec eux, les précéder ou, plus souvent, leur faire suite. La confusion mentale est constante après les crises convulsives généralisées et il est vraisemblable que, souvent, un paroxysme moteur très discret, une absence, un vertige servent d’élément déclenchant à une crise psychique.
Les psychoses aiguës des épileptiques doivent être distinguées des paroxysmes psychiques, tant du point de vue clinique que sur le plan électro-encéphalographique. Ce ne sont pas des « crises », bien qu’elles succèdent le plus souvent à des crises et le tracé E.E.G., ne comporte, pendant leur durée, aucun élément paroxystique ; bien mieux, on peut voir alors disparaître un « foyer électrique », précédemment actif.
Ces accidents durent généralement de quelques jours à un mois. Boudin a insisté sur leur début brutal (leur terminaison étant plus progressive) et sur la fréquence des symptômes neurologiques d’accompagnement. Cliniquement, ils réalisent l’une quelconque des grandes structures psychopathologiques : confusion mentale accompagnée ou non de délire onirique et d’agitation, bouffées délirantes polymorphes parfois déclenchées par des conflits psychologiques, états maniaques, mélancoliques, schizophréniques (thèse de Follin, 1941), voir manifestations névrotiques (hystérie, obsessions). Leur structure peut d’ailleurs varier en cours d’évolution, surtout lorsqu’ils débutent par un paroxysme, il semble exister un balancement entre les crises et ces psychoses transitoires, que les électrochocs améliorent souvent avec rapidité.
Quant aux psychoses chroniques chez les épileptiques, elles sont sans doute plus fréquentes que chez la moyenne des individus, mais ne peuvent généralement pas être considérées comme une conséquence ou une aggravation des manifestations paroxystiques. Celles0ci leurs confèrent cependant une coloration particulière : fréquence des épisodes d’agitation, insociabilité habituelle et souvent orientation vers le mysticisme des thèmes délirants. Rarement, tandis que les accès convulsifs s’aggravent et se multiplient, ou même sans modification de ces accès, il se produit une baisse globale du psychisme, réalisant diverses formules d’états démentiels ; ces faits, qui traduisent une dégénérescence maligne des centres encéphaliques, sont connus sous les noms de « démence épileptique ou d’ « épilepsies progressives » (Marchand et Ajuriaguerra) ; ils aboutissent généralement à la mort.
On a décrit chez les épileptiques des troubles psychiques permanents. Les uns apparaissent comme de simples associations, pouvant d’ailleurs relever des mêmes causes que la comitialité : c’est le cas pour l’arriération intellectuelle qui est fréquente dans les sujets des encéphalopathies infantiles, compliquées ou non d’épilepsie. D’autres semblent contracter avec la maladie des liens plus étroits. C’est ainsi que Mme Minkowska a décrit une constitution épileptique ou glischroïde, comportant d’une part une viscosité psychique particulière avec tendance, à la religiosité, affectivité « collante », d’autre part des dispositions explosives qui se manifestent par de l’irritabilité et des colères violentes ; le Rorschach de ces malades présente souvent des perturbations particulières. Mais tandis que cet auteur considère une telle « constitution » comme héréditaire et devant par conséquent accompagner l’épilepsie dite idiopathique, la plupart des auteurs modernes en retrouvent surtout les éléments parmi les malades porteurs de lésions du rhinecéphale.
L’évolution générale de l’épilepsie est évidemment variable selon les conditions étiologiques : dans les épilepsies symptomatiques, elle se calque plus ou moins exactement sur celle de l’affection en cause : un traumatisme crânien, une embolie gazeuse ou une encéphalite aiguë, par exemple, peuvent provoquer une crise isolée ou une série de paroxysmes échelonnés sur quelques jours et qui resteront sans lendemain. Une tumeur cérébrale se signale souvent par des crises bravais-jacksoniennes, dont le rythme se précipite plus ou moins rapidement. Dans l’épilepsie « essentielle », les crises apparaissent souvent aux approches de la puberté ; elles se reproduisent alors selon un rythme assez constant chez un sujet déterminé, très variable, au contraire, d’un malade à un autre, tantôt groupées en « salves » (par exemple pendant la période prémenstruelle), tantôt régulièrement espacées ; certains ont toujours leurs crises pendant la nuit ou pendant la journée ou à une certaines phase de la digestion ; les crises peuvent être supprimées pendant une grossesse et recommencer après l’accouchement.
Le problème des relations entre les convulsions infantiles et l’épilepsie a donné lieu à de nombreuses discussions. Selon G. Heuyer, lorsque les convulsions sont fréquentes, surviennent en l’absence d’une pyrexie élevée et se produisent au-delà de la troisième année, il faut craindre leur évolution vers l’épilepsie. Par contre, les convulsions hyperpyrétique isolées, celles de la spasmophilie, celles qui ne s’accompagnent pas d’anomalies électro-encéphalographiqes comportent le plus souvent un pronostic favorable. Chez les enfants plus âgés, les terreurs nocturnes, les accès de somnambulisme, les colères violentes parfois suivies d’amnésie doivent faire penser à l’épilepsie, bien que de telles manifestations lui soient souvent étrangères.
II. Causes et mécanismes. Données électro-encéphalographiques. – L’électro-encéphalographie, outre son apport pratique essentiel dans le diagnostic des épilepsies, a grandement enrichi nos connaissances théoriques à son sujet. Elle a aussi transformé le vocabulaire sans que de telles mutations correspondent toujours à des découvertes physiologiques précises : les références, dans les travaux modernes, à des condensateurs qui se déchargent, à des cellules soumises aux « bombardements » électriques d’autres structures nerveuses, à des accords de circuits électroniques n’ont généralement pour leurs auteurs qu’une portée métaphorique et l’on doit le savoir.
On peut regretter enfin que le dynamisme entreprenant de la jeune électro-encéphalographie ait amené une sorte de mise en sommeil d’autres voies d’approche des aspects pathogéniques de l’épilepsie. Quoi qu’il en soit, ceux-ci ne seront abordés ici que dans la mesure où leur connaissance est indispensable à la solution des problèmes pratiques posés par la clinique quotidienne.
On sait depuis longtemps que tout homme est un épileptique en puissance. En ce qui concerne la crise tonico-clonique, il suffit pour la faire apparaître avec tous ses caractères cliniques et électriques d’injecter une dose suffisante d’un produit convulsivant (camphre, cardiazol) ou de faire passer à travers le crâne un courant assez intense (électrochoc). Cette épilepsie expérimentale est extrêmement précieuse en tant que moyen d’étude ; elle démontre que la réaction convulsive est pour ainsi dire préformée dans l’individu. L’étude structurale des autres variétés de paroxysmes montre également leur absence de spécificité : il s’agit toujours de modes réactionnels communs du système nerveux, prêts à se développer dans diverses circonstances.
Cependant, de telles réactions n’apparaissent pas chez un sujet normal en état d’équilibre physiologique satisfaisant. Pour qu’elles se manifestent, des circonstances exceptionnelles sont nécessaires, qui peuvent être de deux ordres :
Les unes sont des variations importantes de l’équilibre biologique du sujet, réalisant des conditions grossièrement comparables à l’injection d’un produit épileptogène. Nous les appellerons causes générales : telle peut être une intoxication sévère ou encore une pyrexie élevée déclenchant des convulsions chez un enfant.
Telles sont aussi certaines modifications métaboliques beaucoup moins importantes, comme celles qui, lors de la phase prémenstruelle, peuvent déclencher des crises d’épilepsie cataméniales ; mais dans de telles éventualités, il faut, on le conçoit, une susceptibilité particulière des structures névroses, ce qui nous amène à envisager une deuxième série de facteurs.
Les causes locales de l’épilepsie, dont nous verrons plus loin la grande diversité, ont en effet pour trait commun de rendre l’appareil neurologique, dans son ensemble ou dans l’un de ses facteurs, réceptif à l’action de causes locales qui resteraient sans effet sur un cerveau normal. Autrement dit, elles abaissent le seuil épileptogène de l’individu. Cette notion importante a été fort élégamment objectivée par Gastaut : cet auteur a mis au point une méthode qui, en combinant la stimulation lumineuse intermittente à l’injection, selon un rythme déterminé, d’une solution de cardiazol, permet de mesurer le niveau du seuil. Certains individus présentent des altérations électro-encéphalographiques paroxystiques, parfois accompagnées de myoclonies, pour une injection de ½ cc de cardiazol, alors que plusieurs centimètres cubes sont nécessaires chez d’autres pour obtenir le même résultat.
Causes générales et causes locales de l’épilepsie conjuguent habituellement leurs effets. Il existe entre elles une sorte de balancement, les unes pouvant être d’autant plus discrètes que les autres ont plus d’ampleur.
On parvient de la sorte à diviser les épilepsies en deux grandes catégories.
L’épilepsie généralisée, ainsi nommée par Gasraut parce que « son expression clinique intéresse l’ensemble de l’individu tandis que sa décharge électroencéphalographique recouvre l’ensemble du scalp. Elle a pour expression clinique la crise icto-comitiale sans aura et les différentes formes du petit mal. Du point de vue étiologique, elle englobe d’une part l’épilepsie dite idiopathique ou essentielle dans sa totalité (épilepsie sans lésion décelable), d’autre part, certaines épilepsies secondaires dues à des lésions du cerveau médian (épilepsie « diencéphalique »).
L’expression électro-encéphalographique des paroxysmes de l’épilepsie généralisée consiste toujours en des décharges bilatérales, synchrones et symétriques : pointes rythmiques de grande amplitude pour la crise grand mal, « pointe-ondes » pour l’absence, volée de pointes parfois suivie d’une onde lente pour la myoclonie. Entre les crises, l’électro-encéphalogramme peut être normal ou présenter diverses altérations, toujours bilatérales et synchrones (pointe-ondes, polypointe-ondes, signes de souffrance des régions basilaires).
Les données les plus récentes de l’électrophysiologie conduisent à admettre que la décharge responsable à la fois des accidents cliniques et électriques naît au niveau de la substance réticulée du tronc cérébral (centrencéphale de Penfield).
Ce système serait, dans les cas d’épilepsie essentielle, « anormalement excitable et spontanément enclin à présenter une activité épileptique » (Castaut), sans être cependant le siège d’aucune lésion décelable. Les causes de cette excitabilité demeurent inconnues ; elles sont peut-être de nature endocrinienne ou métabolique ; la présence, dans la région sous-thalamique, de nombreux centres végétatifs contrôlant la plupart des métabolismes de l’économie, donnerait à penser qu’ils peuvent, eux aussi, présenter des perturbations fonctionnelles, comme paraît en témoigner la grande instabilité biologique constatée dans de nombreux secteurs chez beaucoup d’épileptiques : les « causes générales » épileptogènes se trouveraient de la sorte portées par à-coups à un degré élevé d’intensité. Quoi qu’il en soit, les sujets atteints d’épilepsie idiopathique ont un seuil épileptogène abaissé, une aptitude convulsive qui paraît susceptible de se transmettre héréditairement et peut être constatée chez des membres de leurs familles indemnes de manifestations cliniques (Lennox et Gibbs).
Dans les cas d’épilepsie généralisée « symptomatique » cette susceptibilité épileptogène est due à l’augmentation de la réactivité des centres nerveux sous l’influence de lésions diverses de la base du cerveau (séquelles encéphalitiques, tumeurs du 3e ventricule, hydrocéphalie bloquée, etc.). Mais il semble que, là aussi, la prédisposition héréditaire puisse jouer un rôle favorisant.
2. L’épilepsie partielle est celle « dont les manifestations cliniques n’intéressent qu’une partie de l’organisme, tandis que son expression électrique n’intéresse qu’une partie du scalp ».
La cause principale de cette forme d’épilepsie est une lésion cérébrale, bien que là encore, la prédisposition héréditaire puisse être assez souvent incriminée. Cette lésion peut avoir les origines les plus diverses et nous ne ferons que citer, sans prétendre en épuiser la liste, les encéphalopathies infantiles antérieures ou postérieures à la naissance, les traumatismes obstétricaux (qui agiraient souvent en provoquant une hernie de l’hippocampe à travers le foramen ovale d l’acchioni, ce qui entraîne des lésions anoxiques ou traumatiques du rhinencéphale), l’anoxie de la naissance, les encéphalites et thrombophlébites cérébrales dues aux maladies infectieuses (coqueluche, rougeole, etc.) ou allergiques, les traumatismes, les tumeurs et abcès intracrâniens, les accidents vasculaires du cerveau, les diverses dysplasies cérébrales (phacomatoses), els processus dégénératifs (maladies de Friedrich, de Pick, d’Alzeheimer).
La localisation des lésions et leur diffusion conditionnent la symptomatologie clinique et électrique. Mais en ce qui concerne cette dernière, on doit savoir que les perturbations enregistrées peuvent être recueilles en un point distinct (et parfois éloigné) de celui où siège la lésion, en raison de l’étendue de certains « secteurs » anatomo-physiologiques intéressés dans leur totalité par la décharge épileptique.
Les lésions de l’aire précentrale sont responsables des crises jacksoniennes ; celles de l’aire post-centrale entraînent des dysesthésies ; celles du cortex strié occipital des phosphènes ; celles de la région temporale supérieure des acouphènes ; les mêmes symptômes peuvent s’observer par atteinte des structures sous-corticales (thalamus et voies d’association cortico-thalamiques) fonctionnellement liées à ces régions. La crise se traduit sur les tracés électroencéphalographiques par des anomalies (décharges de pointes ou simplement rythme sinusoïdal) localisées ou du moins à prédominance locale nette.
Dans d’autres cas, rapporte Gastaut dont nous résumons ici les importants travaux, les lésions sont plus diffuses, atteignant parfois tout l’hémisphère mais prédominant toujours dans la région « pararhinale » (face interne du lobe temporal et partie postérieure de la face inférieure du lobe frontal). Les manifestations paroxystiques sont alors complexes, variables selon les cas et même d’une crise à l’autre ; c’est ici surtout que l’on observe des symptômes végétatifs, des altérations de la conscience, des activités automatiques, des perturbations affectives.
En somme, il s’agit de ce que l’on a parfois nommé l’épilepsie « psychomotrice » ou « temporale ». L’électro-encéphalogramme montre des décharges localisées (presque toujours temporales) ou multiples, parfois diffuses, variables, ou même il n’enregistre pas les paroxysmes si les structures altérées n’ont pas une projection corticale suffisante. Entre les crises, on peut observer des décharges isolées sporadiques d’ondes ou de pointes-ondes lentes, recueillies principalement dans la région temporale et pouvant se projeter du côté opposé.
L’onde épileptique, dans les épilepsies partielles, ne reste pas toujours circonscrite dans les limites du circuit o{u elle est née. Elle peut diffuser, notamment au niveau du centrecéphale, entraînant la généralisation secondaire du paroxysme. La phase initiale, localisée de la crise peut passer inaperçue ou revêtir une brièveté extrême, constituant l’aura. On doit bien comprendre cependant que cette phase initiale, si fugitive soit-elle, est l’essentiel du drame et seule lui confère sa véritable signification.
Il resterait à expliquer ce fait capital, sur le plan évolutif, que représente la répétition des crises. On peut la concevoir comme étant sous la dépendance d’un défaut de fonctionnement des appareils régulateurs qui commandent les cycles des diverses fonctions biologiques rythmées ; la crise surviendrait lorsque se produisent, entre les différents cycles, des phénomènes de superposition et de « résonance ».
III. Diagnostic. – Le diagnostic d’épilepsie exige la solution de problèmes souvent complexes. Le premier consiste à établir de façon formelle qu’il s’agit bien d’épilepsie. Ici, comme ailleurs à chaque étape du diagnostic, il faut avant toute autre démarche exploiter entièrement les renseignements apportés par la clinique. La crise convulsive tonico-clonique doit être différenciée de la crise hystérique, plus spectaculaire, souvent accompagnée de cris, de pleurs, de grimaces, dont les convulsions sont désordonnées, beaucoup plus amples, plus prolongées, qui ne comporte pas de signes neurologiques, tels que le Babinski et l’abolition du réflexe cornéen, qui cède souvent à l’invigoration.
On évitera également de la confondre avec une crise de tétanie, tout en sachant d’ailleurs que tétanie et épilepsie peuvent être associées. Les crises viscérales végétatives (attaques ou raptus vagosymapthiques) pourraient parfois prêter à confusion avec la crise épileptique : elles sont moins brutales, plus prolongées, ne s’accompagnent pas de perte de conscience.
Les paroxysmes à expression psychiatrique sont souvent d’un diagnostic fort embarrassant. La brusquerie du début, l’importance de l’élément confusionnel et des altérations de la conscience, l’amnésie consécutive, les signes électro-encéphalographiques enfin représentent, lorsqu’ils sont assez nets, les meilleurs éléments d’identification.
Le laboratoire n’apporte généralement que peu de secours au diagnostic d’épilepsie. Il n’en est pas de même de l’électro-encéphalographie, dont on ne saurait se passer aujourd’hui et qui, surtout pendant les paroxysmes et dans les heures qui les suivent, peut montrer des altérations du tracé pathognomoniques ou pouvant être considérées comme des signes de grande probabilité Divers procédés sont actuellement employés pour réactiver l’E.E.G. lorsque le tracé spontané n’apporte pas de données suffisantes (injections de cardiazol, de nesdonal, de mégimide, hyperpnée, stimulation lumineuse on sonore intermittente).
Lorsqu’on est certain de se trouver en présence d’une épilepsie, il faut s’efforcer d’en déterminer la cause.
Dans certains cas, cette cause est évidente : par exemple, lorsque les paroxysmes prennent place dans le tableau d’une affection neurologique facilement identifiée (traumatisme crânien, encéphalite aiguë, syndrome vasculaire cérébral, paralysie générale, etc.), lorsqu’ils surviennent au cours d’une maladie connue par se compliquer fréquemment de crises épileptiques (éclampsie, urémie, pouls lent permanent), ou encore lorsqu’ils sont dus à une ambolie gazeuse (pendant une intervention portant sur le thorax ou sur de gros vaisseaux ou à l’occasion d’un pneumothorax thérapeutique).
Mais la plupart du temps, on ne trouve pas d’étiologie évidente. Les données cliniques et électro-encéphalographiques que nous avons exposées plus haut permettent habituellement de conclure en faveur soit d’une épilepsie généralisée, soit d’une épilepsie partielle et, dans ce dernier cas, d’en soupçonner au moins la localisation. Mais le problème étiologique n’est pas pour autant résolu, et bien souvent on doit multiplier les examens complémentaires (ophtalmoscopie, encéphalographie gazeuse ou cisternographie, artériographie) avant de pouvoir affirmer ou écarter (et pas toujours de façon formelle) certains diagnostics, en particulier une néoformation intracrânienne.
Le diagnostic d’épilepsie « essentielle » est souvent posé par élimination, lorsque rien ne permet de conclure à l’existence d’un foyer localisé : il s’agit alors, le plus souvent, de crises tonico-cliniques symétriques, survenant sans aura, ou encore d’absences vraies, parfois de paroxysmes confusionnels. On s’attachera à rechercher l’influence, dans le déclenchement des accidents, de causes pathologiques générales (parasitose intestinale chez l’enfant, intoxication, paludisme) ou de circonstances physiologiques diverses (sommeil, digestion, cycle menstruel) ; la thérapeutique sera utilement orientée par ces constatations.
IV. Problèmes thérapeutique et sociaux. – Les causes générales seront toujours traitées avec beaucoup de minutie : la régulation d’un cycle menstruel perturbé, la correction de petits troubles du sommeil par les antihypniques (Delmas-Marsalet), l’institution d’habitudes alimentaires bien réglées (plutôt que d’un régime, trop difficile à maintenir), d’une hygiène de vie et de t travail soigneusement ajustée, le traitement par la psychothérapie de perturbations affectives peuvent, dans bien des cas, réduire le nombre des crises et même les faire disparaître.
Le traitement de l’épilepsie doit d’abord tenter de s’attaquer aux causes de l’affection :
Les causes locales sont parfois accessibles lorsqu’il s’agit par exemple d’une tumeur extirpable ou d’un processus encéphalo-méninge curable médicalement ou chirurgicalement. Même lorsque n’existe pas de lésion anatomique grossière, chaque fois que la clinique et l’E.E.G. permettent de conclure à une forme « localisée » d’épilepsie, on doit envisager l’extirpation chirurgicale du « foyer épileptogène » ; on ne la réalise cependant encore que d’une façon assez exceptionnelle, dans des cas graves et sous le contrôle obligatoire de l’électro-corticographie.
C’est seulement après avoir épuisé les ressources du traitement étiologique que l’on aura recours, si la chose est encore nécessaire, à un traitement symptomatique : celui-ci vise à diminuer le potentiel épileptogène des centres nerveux par l’administration de certains médicaments. Les « anti-épileptiques » sont nombreux et l’on en découvre chaque jour de nouveaux ; ils ne sont pas interchangeables et il convient de rechercher avec soin, sous le contrôle de l’E. E. G., lorsque la chose est possible, le ou parfois les produits le mieux adaptés à chaque cas ; on parvient ainsi en général à une association médicamenteuse, moins toxique et plus efficace que l’administration d’un produit isolé. Le traitement doit être poursuivi indéfiniment, sans interruption ni modification inutiles. C’est seulement dans quelques cas que l’on peut envisager un essai de réduction extrêmement prudente et lentement progressive, des doses qui avaient été nécessaires au départ.
L’anti-épileptique le plus utilisé demeure le gardénal, qui est rarement absent des associations médicamenteuses. Les hydantoïnes (di-hydan, solantyl, sédantoïnal) sont, comme lui, surtout utilisées dans grand mal et dans les formes mixtes. Les oxazolidines (triméthadione, épidione) sont actives dans le petit mal et dans l’épilepsie convulsive généralisée essentielle ; il en est de même pour le lifène. Le phénacétylurée (épiclase) est très efficace dans les épilepsies localisées « temporales » dont elle améliore les troubles caractériels, comme le fait également la posédrine, moins efficace mais aussi moins toxique.
La primaclone (mysoline), également peu toxique, agit sur la plupart des formes convulsives et psychiques. L’acétazolamide (diamox) peut agir de plus sur le petit mal ; il ne convient qu’à un nombre limité d’épileptiques mais mérite toujours d’être essayé. On doit savoir que le sédantoïnal et les oxazolidines exigent une surveillance hématologique périodique ; leur efficacité souvent supérieure à celle d’autres produits compense cet inconvénient. Les anciens médicaments, tels que les bromures, le tartrate borico-sodique, la belladone, seront souvent associés utilement aux anti-épileptiques modernes.
Du point de vue médico-légal, on observe au cours des paroxysmes à formes psychiques de fréquentes réactions antisociales : scandales, destructions, attentats à la pudeur, coups, blessures, etc. On doit mentionner tout spécialement le meurtre commis au cours d’un état de fureur épileptique : il est généralement remarquable par sa brutalité, par l’acharnement du meurtrier sur sa victime (blessures multiples), par son absence de motif.
Lorsque les faits ont eu lieu pendant un paroxysme, on doit toujours conclure à l’irresponsabilité. Par contre, enter les crises, l’épileptique est en principe responsable de ses actes ; lorsqu’il présente des troubles permanents du caractère, le cas doit être envisagé dans le cadre du déséquilibre psychique.
La fréquence de l’épilepsie (il y aurait environ 80,000 épileptiques en France, d’après Marchand) lui confère une grande importance du point de vue social. Beaucoup d’épileptiques sont capables de travailler ; les tâches qui leur sont confiées doivent être choisies de telle sorte que si une crise survient au cours du travail, elle ne risque pas d’entraîner un accident grave. Pour les autres, à qui la fréquence de leurs crises ou la gravité des troubles permanents qui les accompagnent interdisent une vie sociale indépendante, il faudrait créer des centres agricoles spéciaux où l’on pourrait utiliser leurs possibilités réduites de travail, tout en les surveillant et en les traitant ; de telles organisations existent et rendent les plus grands services.
Quant au mariage des épileptiques, il doit être envisagé avec circonspection : certes, on ne saurait considérer l’épilepsie comme une maladie héréditaire au plein sens du terme : en effet, si le caractère familial de l’ « aptitude convulsive » paraît vraisemblable, cette disposition n’entraîne le plus souvent aucune manifestation clinique. Il n’empêche que la constatation d’une épilepsie doit amener à rechercher avec un soin tout particulier certaines tares familiales ou acquises, susceptibles d’avoir de fâcheux retentissements sur la descendance.
J. M. Sutter.
Centrencéphale
1. Epilepsie centrencéphalique : Certains neurochirurgiens, en particulier W. Penfield, penchés sur le problème de l’épilepsie, admettant qu’il y aurait une forme d’épilepsie globale généralisée ayant pour substratum un système de substance grise et de faisceaux nerveux siégeant dans la partie supérieure du tronc cérébral et assurant l’organisation des deux hémisphères. C’est à cette forme d’épilepsie qu’ils ont donné le nom d’épilepsie centrencéphalique, qu’ils opposent à l’épilepsie psychomotrice ayant son point de départ dans la région temporale. Il ne s’agit là que d’une hypothèse de travail et d’une localisation purement fonctionnelle.
Penfield appuie cette conception sur un certain nombre d’arguments : résultats des stimulations et d’excisions corticales, formules E. E. G. des crises s’accompagnent de pertes de conscience. Cet auteur ajoute que ces crises sont susceptibles d’avoir leurs décharges d’origine au niveau d’aires corticales ayant d’irradier au centrencéphale et que l’on est en droit de concevoir des connexions spéciales entre des subdivisions fonctionnelles du centrencéphale et les aires en question, région centrencéphalique plus spécialement reliée au cortex frontal antérieur, région centrencéphalique en relation avec l’aire périamygdaloïde, enfin une troisième région en rapport, celle-ci, avec toutes les aires du cortex.
2. Fonctions psychiques centrales : Cette conception, sur le plan psychophysiologique, se rapproche de celle de Kretschmer qui, dans son ouvrage Psychologie médicale (10e édition allemande, traduite en français O.Doin, édit., 1956) consacre un chapitre spécial à l’étude de ce qu’il appelle les fonctions psychiques centrales, essentiellement représentées par trois éléments :
- La fonction du conscient ;
- Les fonctions impulsives et motrices ;
- L’affectivité.
Il montre à ce propos les associations fréquentes dans certains syndromes des perturbations de ces trois éléments réalisés par des atteintes conjointes psychomotrices et affectives, comme en réalisant certaines séquelles d’encéphalites (v. Diencéphale).
Ant. Porot.
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