Émotion

Émotion en psychologie

« La joie de vivre est une émotion contagieuse. » (Professeur Edward D. Wynot).

L’émotion est d’ordinaire définie comme un moment insolite, mais normal, qui constitue, selon Dejean :

  • une « déroute mentale » ;
  • une « panique organique ».

Le degré de cette désorganisation permet de distinguer les  « émotions chocs » et les « émotions-sentiments ».

Bien entendu l’émotion n’existe pas et ces diverses manifestations psychiques et physiques ont des caractères originaux qui font distinguer la « joie », la « colère » par exemple, avec, pour chaque grande émotion, des nuances et des degrés concrètement reconnus, mais souvent difficiles à fixe (panique, peur, timidité, crainte…). Il était donc normal que la psychologie s’efforce d’introduire objectivité et précision dans ces descriptions.

Depuis Darwin, qui, en réalité, était surtout soucieux de découvrir , derrière l’apparent désordre d’une libération d’énergie, des réactions organisées et adaptées d’origine instinctive, de nombreuses tentatives, comme celle de Piderit, ont été faites en particulier pour déterminer les modifications caractéristique de la physionomie. Mais il faut admettre, avec Woodworth résumant diverses contributions expérimentales, un faible degré de précision dans l’interprétation des « poses ». Comment d’ailleurs oublier que la vie en société impose toute une systématisation collective à ces manifestations. La politesse, rappelait Blandel, n’est-elle pas, avant tout, un « code des émotions » ?

C’est pourquoi la recherche s’est engagée aujourd’hui dans la description de schémas somatiques du comportement émotionnel chez les animaux et surtout chez les jeunes enfants. Disons à ce propos que les vues de Watson et de Morgan, qui ont inauguré ces enquêtes, sont discutés au profit d’une conception qui ferait du « sursaut » la seule réponse émotionnelle primitive (Landus). De son côté, Bridges, reprenant certaines affirmations de Wallon, décrit une affectivité primaire syncrétique, d’où se dégager, dès l’âge de 6 mois, le système des grandes émotions.

1. Le substratum physiologique. – La célèbre théorie de l’origine périphérique des émotions, développée simultanément par James et Lange, n’est certes plus retenue et Georges Dumas rappelle, en effet, qui le laboratoire, avec Sherrington et surtout avec Sommer et Heymans, et la clinique, avec Head, ont, au contraire, témoigné en faveur d’une conception « centraliste » qui suit la leçon de Descartes. Ainsi Cannon et Bard ont pu soutenir une thèse, accueillie avec une faveur grandissante, selon laquelle les influx nerveux suscités par l’objet-stimulus se rendraient à un centre d’intégration situé certainement dans l’hypothalamus d’où ils partiraient pour déclencher les divers types de comportement somatique et autonome.

Mais, bien entendu, dans une intention qui n’est pas toujours spéculative, de multiples travaux s’efforcent d’apporter la lumière sur les mécanismes de diffusion et d’organisation des manifestations physiologiques des émotions. Citons par exemple Lapicoque, démontrant que la puissance inaccoutumée de l’influx nerveux, libérée par l’émotion, provoque une diffusion de cet influx hors des voies habituelles, tracées par les rapports chronaxiques de constitution et de subordination, et plus récemment Selye, décrivant la « réaction d’alerte » et la « réaction d’adaptation » à point de départ hypophysaire, cette glande agissant sur les surrénales et sur les centres neurovégétatifs diencéphaliques.

II. La signification psychologique. – Abandonnant le traditionnel intellectualisme de Herbart et de Nahlowsky, qui ramenaient les émotions à l’accord ou au désaccord des représentations, la psychologie actuelle qui limite les prétentions des interprétations physiologiques, fait de l’émotion une conduite.

P. Janet qui semble sensible à l’apparence de désordre présenté par toute émotion, y voit une sorte de conduite d’« échec ». Non qu’il s’agisse d’un « raté de l’instinct », comme le pense Larguier des Bangels, c’est quand la tâche requiert une tension psychologique trop élevée que l’énergie psychique libérée se dépense par cet autre chemin : l’émotivité n’est donc qu’une « disposition à remplace les phénomènes supérieurs par les grossières excitations viscérales ».

Ce même principe explicatif est conservé, mais avec un esprit plus finaliste, par Wallon, qui rappelle la signification fonctionnelle de l’émotion comme moyen de communication sociale chez le jeune enfant et surtout par Dembo et l’école de K. Lewin, qui voient, par exemple dans la colère, une réponse adaptée à notre besoin de rompre la tension, à défaut d’une conduite supérieure.

Que l’émotion ait une signification, au moins pour le sujet, c’est ce qu’affirment, de leur côté :

  • Freud pour qui, surtout sous leurs formes pathologiques, les émotions permettent la satisfaction symbolique des tendances inconscientes, qu’il y ait « évasion » ou assouvissement ».
  • Sartre pour qui la conscience condamnée à l’action et découvrant que toutes les voies sont barrées, essaye de « changer le monde », c’est-à-dire de le vivre comme si les rapports des choses à leur potentialité n’étaient pas régies par des processus déterministes, mais par la « magie ».

Sans doute faut-il aller plus loin et discuter la tendance à mettre l’accent, par une référence assez exclusive, à la colère et surtout à la peur, sur le caractère désorganisé et désorganisant de l’émotion. En effet, la joie d’être reçu à un examen, la satisfaction esthétique à l’audition d’une mélodie, de quelle conduite seraient-elles « ratées ».

C’est dire que l’émotion n’est pas toujours un « mal nécessaire », normal par sa fréquence, mais exprimant la faiblesse et la fragilité de l’homme, incapable toujours d’adaptation et de création. Il y a, disait Bergson, des « émotions génératrices  de pensées et d’actions » et même « pour autant que le désordre émotif soit partiellement dominé par la discipline du sujet, ou par la richesse de sa nature, l’intensité de l’énergie mobilisée en permanence, sa sensibilité, sa vigilance, peuvent accroître en intensité et en qualité, aussi bien l’effet utile de l’acte déclenché que la sensibilité du sujet même » (Mounier).

H. Luccioni.

Ataraxie

État d’une personne que rien n’émeut (LAROUSSE).

L’ataraxie représentait, dans certaines morales antiques, l’état auquel devait parvenir le sage. Sans confondre cet état avec l’indifférence affective, nous en faisons plutôt aujourd’hui un synonyme de tranquillité ou d’impassibilité et l’opposons à l’hyperémotivité, l’anxiété, l’instabilité, l’impulsivité. On n’emploie d’ailleurs guère le terme que sous sa forme adjective pour désigner diverses médications réputées ataraxiques ou tranquillisantes, dénominations d’ailleurs mal justifiées (GAYHAL, rapport au Congrès de Lyon, 1957) dans la plupart des cas, car elle ne répond pas d’un effet pharmacodynamique spécifique.

Ch. BARDENAT.

Tension psychologique

P. Janet a créé ce terme pour désigner « la capacité d’un individu de s’élever dans ses actions à tel ou tel degré dans la hiérarchie de ses tendances. Il y a des conduites de basse tension dans lesquelles les tendances inférieures sont seules en activité et des conduites de haute tension qui réclament l’activation complète de tendances élevées dans le tableau hiérarchique. » D’une manière générale le degré de la tension psychologique ou l’élévation du niveau mental d’un individu dépend du degré qu’occupent dans la hiérarchie, les tendances qui fonctionnent et du degré d’activation auquel il peut porter les plus élevées de ces tendances. Ainsi entendue, la tension psychologique joue un rôle extrêmement important dans l’interprétation des conduites normales et pathologiques dans l’intelligence des caractères et des maladies mentales ».

Cette notion de tension doit être pour le même auteur distinguée de la notion de force ou de faiblesse psychologique. « Si la réduction de la force donne naissance à toutes les « asthénies », l’abaissement de la tension constitue les « atonies » psychologiques. La dépression en général est une diminution de l’activité psychologique portant à la fois sur la force et sur la tension, mais prenant des formes variées suivant qu’elle porte davantage sur l’un ou sur l’autre ».

emotion_psychodelic
« Un bon acteur sait mettre de l’émotion dans l’action et de l’action dans l’émotion. » (Charlie Chaplin. Ma vie). Image : © Megan Jorgensen et GrandQuebec.com.

À lire également :

Laisser un commentaire