Dégénérescence

Dégénérescence et ses effets

Dans son acception courante, le mot « dégénérescence » signifie dégradation progressive, abâtardissement.

C’est Morel qui, un des premiers, en 1857, introduisit ce terme dans la psychiatrie. Il le définissait : « Une déviation maladive d’un type primitif ». Mais Morel eut le mérite d’associer la psychiatrie à la médecine générale. Il a refusé alors de séparer les tares psychiques des tares physiques.

Mais c’est surtout avec le célèbre aliéniste français Magnan, à la fin du XIXe siècle, que la notion de dégénérescence s’élargit du côté de la pathologie mentale. Tant au point de vue étiologique qu’au point de vue d’une classification clinique des faits observés. Dans son livre avec Legrain sur les dégénérés, en 1895, il définissait ainsi la dégénérescence. « L’état pathologique de l’être qui, comparativement à ses générateurs les plus immédiats, est constitutionnellement amoindri dans sa résistance psychophysique ».

La classification de Magnan comprenait deux grandes catégories :

a) L’une correspondait au premier groupe de Morel. Celle des aliénations survenant chez des héréditaires. Ou, pour mieux dire, chez des prédisposés dans lesquels il distinguait les prédisposés simples (manie, mélancolie, folies intermittentes et délires chroniques) et les prédisposés avec dégénérescence (tous les états de l’arriération, de l’idiotie à la débilité. Aussi les « folies avec conscience », la manie résonante, les états délirants). C’est dans ce deuxième groupe que l’on trouve les stigmates de la dégénérescence auxquels on attachait une grande importance.

b) L’autre réunissait les altérations qui ne sont qu’un accident de la vie d’un homme normal. C’est-à-dire, délires névrosiques, hystérie, épilepsie, folie toxique, états organiques.

Ainsi se trouvait réalisée, pour la première fois, la séparation très nette entre psychoses constitutionnelles ou dégénératives et psychoses accidentelles.

La notion de dégénérescence connut une grande faveur. En fait, elle pesa lourdement sur toute une génération et eut des répercussions graves en médecine légale. Les criminologistes italiens invoquèrent de déterminisme fatal héréditaire. Le criminel-né de Lombroso, avec ses stigmates, en fut une des expressions sensationnelles. L’hypertrophie de cette théorie fut cause de sa ruine. Gilbert Ballet et son élève Genil-Perrin, en 1913, en firent la critique. Ils ont montré qu’au point de vue étiologique, le mot restait vague et variable et qu’au point de vue clinique, il était imprécis.

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Actuellement, le vocable de « dégénéré » s’emploie de moins en moins, même en milieu d’expertise, où l’on en avait beaucoup trop abusé, puisqu’on était allé jusqu’à parler de dégénérés supérieurs et de dégénérés inférieurs.

On trouve cependant encore, dans certaines nomenclatures psychiatriques les expressions de délires polymorphes des dégénérés; de « bouffées délirantes des dégénérés » qui correspondent à des manifestations épisodiques difficilement classables (v. ces mots).

Il reste toutefois de l’œuvre de Magnan une moisson clinique fort riche et René Charpentier faisait très justement remarquer que l’on passait sans solution de continuité de la notion d’hérédité et de l’idée de dégénérescence à la doctrine des constitutions morbides (Dupré, Delmas et Boll) qui connut ensuite une grande faveur et s’élargit aujourd’hui du côté de l’endocrinologie et de la biotypologie (v. Constitution).

Quant à l’hérédité, elle a suscité depuis de nombreux travaux spécialement en ce qui concerne l’application des lois mendeliennes à certaines affections mentales.

Ant. Porot.

Voir aussi :

« J’apprendrai à gérer la perte, la dégénérescence, la déchéance, la dégradation, la détérioration, le naufrage. Je gère le pourrissement, le délabrement, les dégâts, la perte. J’apprendrai. J’apprendrai. » (Abla Farhoud, Splendide solitude).

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