Québec psychologique

Cure de sommeil

Cure de sommeil

Cure de sommeil en psychiatrie

1. – Historique

L’industrie chimique moderne en procurant aux médecins des hypnotiques puissants comme les barbituriques (gardénal, somnifène) les incita à tenter de juguler l’agitation de façon prolongée et continue par ces médicaments (« camisole chimique »).

Citons, parmi les promoteurs de ces essais, les noms de Wolf (1901), en France; ceux de Combemale, Vellien, Assoignon (1920); c’est surtout en Suisse, avec Demole (1921) et Klaesi (1922), qu’on tenta de codifier leur emploi.

Le sommeil provoqué durait de douze à vingt heures et l’on profitait des premiers moments du réveil pour l’alimentation et la toilette du malade qui n’offrait guerre de résistance ; puis, on le replongeait dans son sommeil profond. Mais cette action brutale et répétée n’était pas sans inconvénients car il fallait aller jusqu’au seuil de l’intoxication, qui parfois était franchi, ce qui se traduisait par des comas prolongés, de l’hypotension, des accidents mésencéphalitiques (paralysie oculaire, dysarthrie, ébriété trémulante) ; nous avons noté en particulier au cours de cures de désintoxication que l’agitation reparaissait parfois sous forme d’un somnambulisme onirique : des alertes inquiétantes apparaissaient aussi chez des sujets de faible résistance (vieillards, alcooliques). Ces tentatives thérapeutiques furent à peu près abandonnées.

Toutefois signalons que Henry Ey (Cong. des Méd, Alién. Et Neurol., 1942) faisait connaître des résultats satisfaisants dans la manie aiguë.

Depuis quelques années, la méthode des cures de sommeil nos est revenue d’U.R.S.S. où elle a cherché à se rationaliser en se fondant sur la théorie réflexologique du sommeil de Pavlov, en s’appuyant aussi sur des travaux expérimentaux préalables. Cette nouvelle conception cherche à se rapprocher du sommeil normal : la dissolution hypnique est prolongée jusqu’à dix-huit ou vingt heures sur vingt-quatre, avec des réveils de quatre à six heures.

Cette nouvelle technique de la cure de sommeil, moins dangereuse que l’ancienne, a permis sa diffusion rapide hors des États soviétiques ; des services spéciaux ont été organisés dans certains établissements comme le Burghölzli de Zurich (Cloetta). En France, d’importantes publications ont vu le jour dans ces toutes dernières années (Gachkel et Brisset, Laffitte, J. Delay et Deniker, Bastié et Fernandez). Henry Ey a donné avec sa statistique personnelle une revue générale historique et critique assez complète de la question (Ev. Psych., 1952, fasc. IV).

D’autres conditions favorables sont venues parfaire la méthode et lui donner plus de souplesse et d’ajustement dans son application :

1) L’enrichissement du nombre des hypnotiques de moins en moins toxiques à action corticale (Br Na, chloralose, morphine, sédol) ou méso-diencéphalique (dérivés de la malonylurée : gardénal, numal, véronal, somnifène, penthiobarbital, sonéryl, eunoctal, etc.;

2) L’adjonction dès le début de la cure de potentialisateurs permettant de diminuer les doses hypnotiques ; citons en particulier les dérivés de la phénothiazine : anti-histaminiques (Phénergan) ou surtout neuroplégiques (chlorporomazine ou 45 60 RP ou Largactil) dont on a pu dire qu’ils réalisaient une véritable hibernation chimique. Certains auteurs, même, comme J. Delay et Deniker, les emploient seuls dans les états d’agitation et estiment leur action biologique beaucoup plus profonde sur les centres diencéphaliques régulateurs de l’humeur (v. Hibernation, Neuroplégiques).

En définitive, aujourd’hui, la cure se propose de provoquer un sommeil se rapprochant autant que possible du sommeil physiologique normal, restant réversible, entrecoupé de pauses suffisantes pour permettre l’alimentation et les soins de toilette nécessaires et qui puisse être prolongé un nombre de jours important (de dix à vingt-cinq), sans créer de danger ou provoquer d’accidents toxiques.

II. – Technique de la cure

Conditions préalables indispensables. – Placer le malade dans une chambre d’isolement aérée, à température constante (20 degrés Celsius) et dont on éliminera les stimuli extérieurs (bruits, lumière); prendre les précautions nécessaires pour éviter que le malade ne tombe de son lit. Le consentement du malade est désirable; son opposition nécessiterait un renforcement des doses.

Un examen organique et fonctionnel minutieux préalable du malade est indispensable pour éliminer ou surveiller de très près les sujets susceptibles d’accidents (cardiaques, rénaux, affections respiratoires chroniques, tuberculose).

Choix et dosage des médicaments. – Il faut chercher à établir un dosage de base qui pourra être renforcé ou diminué suivant les constatations journalières.

A) Les potentialisateurs (Phénergan, Largactil) qui sont administrés soit par injections intra-musculaires soit per ose à la dose de 25 mg (un comprimé ou une ampoule) de 3 à 6 fois dans les vingt-quatre heures à intervalles égaux.

B) Les hypnotiques proprement dits qui sont surtout des barbiturates sont administrés de même à des doses variant selon les produits choisis : Amytal sodique (10 cg à 15 cg), Eunoctal (20 cg à 30 cg), Véronal ou Gardénal (5 cg à 1- cg) par prise.

On associe généralement tous ces médicaments dans une même préparation, véritable « cocktail », selon l’expression de certains auteurs; il existe en Suisse une formule en faveur, dite « mélange de Cloetta » ou « cloetal ».

Certains, comme H. Ey, sont partisans de trois interventions par vingt-quatre heures, la première au réveil, la seconde au milieu de la journée, la troisième avant la nuit ; l’administration se fait au moment du réveil et doit être immédiatement suivie de la prise du repas et de la toilette ; on laisse ensuite le malade se rendormir ; on obtient ainsi une vingtaine d’heures de sommeil sur vingt-quatre.

D’autres modifient le rythme et n’accordent qu’un ou deux répits dans les vingt-quatre heures. Le Guillant, Kettemberg et Camar (Soc. Méd.-Psych., 24 janvier 1955) ont souligné innocuité de la méthode si l’on se contente de doses modérées d’hypnotiques. Ils estiment inutile le sommeil continue, quinze heures sur vingt-quatre leur paraissent suffisantes. Ils insistent aussi sur l’effet bienfaisant de la répétition des cures.

Les repas doivent être substantiels et surtout s’accompagner de boissons abondantes pour éviter la déshydratation.

Il faut à tout prix éviter, par des soins de propreté extrême, les accidents du decubitus et la formation d’escarres fesières ou talonnières. La surveillance des urines est indispensable et l’évacuation intestinale doit être quotidienne, provoquée par un lavement quand elle n’est pas spontanée.

Il convient d’établir des graphiques où sont inscrits plusieurs fois par jour : les variations tensionnelles, la température, la fréquence du pouls et de la respiration; la notation du poids doit s’y ajouter (le malade ne doit pas maigrir).

On conçoit donc la nécessité d’un personnel de qualité, parfaitement éduqué dans ce sens.

Le moment venu, on arrête purement et simplement le traitement. Le réveil est parfois suivi pendant deux ou trois jours d’obtussion confusionnelle avec quelquefois un petit onirisme ou un peu d’ébriété barbiturique. Thiébaut a signalé l’apparition de troubles extra-pyramidaux transitoires au cours du traitement par la chlorpromazine.

Ainsi conduite, la cure ne présent guère d’accidents; on a signalé parfois de courtes parésies passagères des membres ou des muscles oculaires, des accidents d’hypotension nécessitant des tonicardiaques ou des extraits surrénaux.

La durée de la cure a pu être portée, dans certains cas, à vingt ou vingt-cinq jours ; elle a pu être renouvelée chez certains malades. De toutes manières, on a souligné l’accession beaucoup plus facile à la psychothérapie des sujets pendant les jours qui suivent le réveil.

III. – Indications et résultats.

La cure de sommeil, ainsi conçue, connaît des échecs mais aussi des résultats très favorables.

Les premiers sont observés surtout dans les cas de grande agitation psychomotrice, en rapport avec une structure mentale constitutionnelle (manie périodique, agitation et turbulence de certains gros arriérés ou de certains déments séniles ou organiques); il en est de même dans certains grand états confuso-maniaques ou chez des schizophrènes déjà très évolués. Toutefois, la cure de sommeil peut n’être pas inutile et provoquer une sédation momentanée parfois désirable pour le malade ou milieu. Mais nous devons à la vérité de dire qu’après l’enthousiasme du début pour la cure de sommeil, des réservés viennent d’être formulées à la suite d’un certain nombre d’accidents relatés par différents auteurs (J. Delay, Deniker et coll. Pr. Méd., 4 mai 1955). On a pu avoir des surprises sous forme de recrudescence des accidents que l’on voulait calmer. Quelques auteurs russes et en Amérique (Feldman) avaient signalé de tels accidents. Au Colloque de l’Hôpital Rotschild sur la question des cures de sommeil, l’accent a été mis sur la fréquence des troubles mentaux qu’on y observe; mais on doit surtout à H. Ey, Sivadon et coll. (Ev. Psych., octobre-novembre 1954) une importante contribution à l’étude de ces accidents dont ils rapportent une cinquantaine d’observations : paroxysmes anxieux et hallucinatoires, raptus oniriques, et même, dans un cas, tentative de strangulation d’un infirmier et dans un autre, défenestration.

Néanmoins, la valeur curative de la cure de sommeil reste assez fréquente dans les cas où domine une agitation anxieuse très marquée : c’est le fait de nombre de psychoses réactionnelles, de névroses obsessionnelles paroxystiques ; et même, certaines organisations névrotiques anciennes continues ou récidivantes ont pu offrir des guérisons spectaculaires; Henry Ey a mis l’accent sur ce point.

Il faut y ajouter certaines bouffées délirantes en rapport soit avec une petite infection latente, soit avec un état névrosique épisodique. Mais ici, les neuroplégiques (Largactil) suffisent souvent à faire tomber cette excitation passagère. Pour Le Guillant, dans les psychoses dites chroniques, la cure de sommeil paraît réduire les poussées et favoriser l’adaptation sociale.

Beaucoup de manifestations psycho-somatiques sous-tendues par une anxiété latente et continue ont été les premières, notamment aux États-Unis et en URSS, à bénéficier de cette cure, aussi bien au point de vue mental qu’organique (hypertension artérielle, troubles digestifs, asthme, etc.).

Il semble donc bien, en définitive, que ce soit la tension anxieuse avec toutes ces manifestations, la névrose d’angoisse aux aspects multiformes, qui présentent actuellement l’indication majeure à la cure de sommeil.

Ant. Porot.

Clinomanie

Recherche obsédante du lit ou de la position couchée.

Le clinomane ne doit pas être confondu avec le grabatoire.

La clinomanie, appelée aussi « manie lectuaire », est une obsession assez rare dans laquelle la psychanalyse voit une régression vers le comportement de l’enfant au berceau ou même une tentative de retour au sein maternel.

A côté de cette forme « pure » de clinomanie obsessionnelle, il existe tout un lot assez disparate de malades qui restent indéfiniment confinés au lit : on y trouve des psychathéniques hypocondriaques invoquant des « vertiges » sans support organique, une faiblesse que dément leur état général, une maladie de cœur, un état douloureux généralisé ; d’autres sont des hystériques ; d’autres encore des mythomanes désireux d’attirer l’intérêt et la sollicitude de leur entourage ou de grands égocentristes qui ont définitivement renoncé à toute conduite sociale productive ; parfois, enfin, c’est à la suite d’une maladie authentique, généralement longue et pénible, que la clinomanie s’installe par un processus de persévération.

J.-M. Sutter.

Alitement (Clinothérapie)

Constitue une méthode thérapeutique très efficace dans les premiers jours de l’hospitalisation des malades atteints de psychoses aiguës ou subaiguës, telles que :

  • Confusions mentales et encéphalites aiguës ou non ;
  • Intoxications et, particulièrement, alcoolisme avec ou sans menace de délirium tremens ;
  • Accès maniaques et mélancoliques.

La clinothérapie ne doit pas être confondue avec la fixation au lit. Cependant, l’alitement simple, où le malade est maintenu au lit par la persuasion, n’est pas toujours réalisable. Dans ces cas, il est parfois indispensable de faire appel aux moyens de contention.

La clinothérapie est souvent le premier temps de la réalisation des autres thérapeutiques : insuline, psychothérapie.

F. Ramée.

Lypémanie

Terme employé par les anciens auteurs (Esquirol, puis Dagonet et Foville) pour désigner la mélancolie : ce terme est aujourd’hui tombé en désuétude.

A la fin du XVIIIe siècle, ce mot de mélancolie avait pris une extension abusive et ne correspondait plus à des états bien définis dans la langue médicale ; il devint nécessaire de réviser le vocabulaire : créa alors le mot « lypémanie », qui engloba les délires tristes et que l’on opposa aux délires partiels ou nonomanies.

H. Aubin.

Dormier

Dormir en calme. Le sommeil est un amour perdu. (Roberto Juarroz, né en 1925 et mort en 1995, poète argentine, Poesia vertical. Image : © par GrandQuebec.com.

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