Criminalité et délinquance en psychologie
Données générales et juridiques. – La criminalité et la délinquance ne sont que l’effet d’un conflit opposant l’homme à ses semblables organisés en société. Il n’y a délinquance que parce qu’il y a des los lois pénales et celles-ci se justifient simplement par la nécessité pour une société de défendre son existence contre les perturbations internes en exigeant de ses membres le respect de certaines règles.
Le caractère délictueux d’un acte ne saurait être, en effet, estimé en fonction d’une abstraction métaphysique, morale ou religieuse. La notion de délinquance, du reste, a constamment varié selon les époques, les mœurs, les religions et les civilisations.
Les deux expressions de « crime » et de « délit » ne représentent qu’une différence de gravité dans l’acte. Le langage courant entend généralement par délit, l’ensemble des conflits résultant de la violation des lois : le mot de crime étant réservé aux atteinte à la vie humaine (crime « de sang ») et aux sévices graves contre les personnes.
Dans le langage juridique, c’est la nature de la peine encourue par l’auteur de la faute commise qui va servir à qualifier l’action. Les crimes sont les infractions qui comportent les pénalités les plus sévères, dites afflictives (mort, travaux forcés, déportation, réclusion), ou infamantes (bannissement, dégradation civique), définies par l’article 7 du Code pénal : ils sont jugés par les Cours d’assises. Les délits sont les infractions punissables du simple emprisonnement. Les infractions mineurs ou contraventions entraînent des peines d’amende et son examinées par les tribunaux de paix ou de simple police.
Le recueil des lois traitant l’ensemble de la matière est le Code pénal.
Une science, la Criminologie, s’est constituée et s’est penchée sur le problème de la criminalité, pour chercher à déterminer ses grands facteurs étiologiques, ses causes proches ou lointaines, ses variations selon certaines incidences, surtout les moyens d’assurer la défense sociale contre tous les sujets dangereux du fait de leur inadaptation.
Une partie de la criminologie – que l’on appelle la Criminalistique – s’attache à l’étude de la matérialité des faits, des conditions et circonstances objectives qui l’accompagnent.
La recherche des conditions subjectives, dans lesquelles l’acte criminel se manifeste chez son auteur, c’est-à-dire ce qu’on a appelé la « volonté criminelle », d’où découle sa responsabilité, appartient à l’étude de l’être humain envisagé dans ses conditions biologiques et ses dispositions psychologiques ; c’est l’Anthropologie criminelle.
II. Les grands facteurs criminogènes.
1) Conditions sociales et conditions individuelles
Nul ne conteste aujourd’hui que le problème de la criminalité comporte l’étude de deux grands facteurs qui le régissent et sont ordinairement associés :
a) Le milieu social, d’une part, avec toutes les influences (famille, éducation, entourage, conditions économiques), qui vont intervenir dans les circonstances préparantes ou déterminantes du crime. Il faut souligner les influences particulièrement nocives des grands cataclysmes (guerre, révolution), de certains fléaux sociaux, comme l’alcoolisme dont on ne saurait trop souligner l’importance (v. ce mot), de certaines incidences économiques, comme les périodes de chômage, la misère.
b) La constitution biologique et psychique du délinquant, résultat de toutes les influences héréditaires ou acquises qui ont pu fixer son tempérament et former sa personnalité.
En 1934, le D. Louis Vervaeck, de Bruxelles, dont la documentation s’appuyait alors sur plus de 27 000 dossiers, estimant le rôle respectif de ces deux facteurs dans les proportions suivantes :
– Dans 1/3 des cas, les facteurs purement moraux et sociaux sont seuls en cause. Il s’agit alors presque toujours de délinquants occasionnels dont le reclassement social est possible.
– Dans 1/10 des cas, la délinquance a une origine nettement morbide (maladies mentales, états constitutionnels graves, épisodes infectieux).
– Dans 3/5 des cas, il y a association d’hérédité et de causes sociales, les dispositions constitutionnelles étant développées par les facteurs criminogènes du milieu. Il s’agit de sujets biologiquement dégénérés, avec tares du caractère, de l’affectivité ou de la volonté; ce sont eux qui fournissent les récidivistes. « Près de 90% des récidivistes sont des dégénérés, dit-il, quand ils ne sont pas de buveurs ». L’hérédité criminelle a été étudiée statistiquement par Lange, Kranz et Strumpfl.
Mais il convient de préciser cette notion de dégénérescence.
2) Criminalité et dégénérescence
Le « criminel-né » de Lombroso
Les rapports du crime et de la folie ont, de tout temps, retenu l’attention des observateurs.
Les rapports du crime et la folie ont, de tout temps, retenu l’attention des observateurs. Mais la connaissance précise de ces rapports est l’œuvre d’un siècle à peine. L’expertise mentale psychiatrique n’est entrée dans la pratique judiciaire courante que dans la seconde moitié du XIXe siècle. La théorie de la dégénérescence, due à Morel et à Magnan, pesait alors lourdement sur la clinique psychiatrique et, par voie de conséquence, sur la criminologie. Après avoir connu une grande faveur, elle a été l’objet de vives critiques (v. dégénérescence).
Elle a eu sa plus haute expression dans la conception du « criminel-né » de Lombroso. Le célèbre criminologiste italien et son école affirmaient que le dégénéré, incarnant un type spécial, le « mattoïde », marqué de nombreux stigmates morphologiques, physiques, ou psychiques, était en quelque sorte voué fatalement au crime et à la délinquance, par son organisation biologique. La répression pénale était donc inefficace et illogique.
La répercussion de cette théorie dans l’ordre social et juridique eut des échos prolongés. Beaucoup d’auteurs, cependant, se refusèrent à admettre le fatalisme qu’elle entraînait. Tarde, dans son ouvrage sur la « Criminalité comparée », en a fait une longue et pertinente critique : Ne nous pressons pas trop, dit-il en terminant, de décider que nos crimes nous viennent de nos aïeux et que nos vertus seules nous appartiennent. « Les prétendus stigmates sont loin, du reste, d’avoir une valeur constante » (v. Stigmates).
Lassagne et son école lyonnaise y ont substitué la notion d’un « tempérament criminel », véritable terrain, sur lequel les influences sociales ou morbides vont agir pour déclencher les réactions antisociales. La criminalité, dit-il, est moins un état morbide de la race et de l’individu que le résultat d’une véritable maladie sociale, ce qu’il exprime par l’aphorisme : « Une société a les criminels qu’elle mérite ».
Sengès, de son côté, protestant contre cette extension abusive des explications biologiques.
À la vie psychique et morale, a souligné tout ce que la vie sociale nous apprenait à insérer de nouveau dans notre vie psychologique.
3. Criminalité et enfance inadaptée
Le remarquable mouvement qui a porté les psychiatres et les pédagogues vers l’étude de l’enfance inadapté, a montré combien les carences et lis viciations du développement affectif de l’enfant pouvaient entraîner de désordres caractériels, grands facteurs de l’inadaptation et cette délinquance juvénile, qui est le premier pas dans la voie de la grande délinquance à répétition. « Le problème d la délinquance juvénile, a dit Heuyer, est celui de la criminalité de l’adulte » (v. Délinquance juvénile).
4. Criminalité et psychanalyse
La psychanalyse, dont a si largement bénéficié la psychiatrie, a projeté dans les profondeurs de l’âme de certains criminels des lumières fort instructives, elle a permis d’expliquer des crimes en apparence incompréhensibles et dévoilé des complexes et des refoulements que le sujet portait en lui à l’état latent et qui sont venus brusquement, un jour, provoquer une réaction conflictuelle criminelle (précriminalité de Hesnard).
Tout récemment, le Grand Congrès international de Criminologie (Paris, septembre 1950) a confirmé l’intérêt de cette conception dans son application à tous les sujets qu’on ne pouvait ranger d’emblée dans la catégorie des anormaux, des névroses ou des psychopathes. Il y a été souligné que le criminel se présentait, avant tout, comme un « déséquilibré social » (De Greff); son anomalie consiste en une inaptitude foncière à la vie en groupe, familiale ou sociale, ses tendances instinctuelles son incomplètement socialisées. Psychanalytiquement, il s’agit d’une immaturation affective (Lagache). Le conflit psychique, en pareil cas, ne se résoud que dans un acte grave de transgression de l’Interdit. Le criminel se comporte, a dit Hesnard, non comme s’il luttait contre une force plus forte que sa volonté, mais comme s’il se donnait peu à peu le droit, en vertu d’une « sous-morale » (d’individu ou de groupe) de tuer ou de voler (auto-légitimation). Le acte criminel, au lieu de l’accabler de remords, l’apaise; certains, tout en réalisant une tendance justicière paraissent rechercher obscurément la condamnation par la société.
La « criminologie psychanalytique » avait du reste, déjà été étudié depuis une vingtaine d’années, principalement, en pays de langue allemande (Reik); dans son rapport au Congrès de Médecine légale de 1932, Génil-Perrin avait fait remarquer qu’on aboutissait au point de vue pratique à un déterminisme et un fatalisme assez voisin de ceux qu’on reprochait à la doctrine de Lombroso.
Si cette conception porte atteinte à la doctrine de la responsabilité du criminel, par contre elle élargit les perspectives d’orientation dans la prophylaxie du crime.
III. Classification des criminels et des délinquants. – Nous ne passerons pas en revue la liste des actes délictueux et criminels que la Loi prévoit et sanctionne; ils sont étudiés sous leur rubrique propre.
Il est plus intéressant pour le psychiatre d’envisager les criminels et les délinquants selon les mobiles et les causes déterminantes de leurs infractions. À cet égard, on peut schématiquement distinguer 4 groupes :
1) Criminels et délinquants par déterminisme nettement pathologique
Il y a, en pareil cas, une affection mentale manifeste ou des tares psychiques grossières. Nous ne pouvons ici qu’énumérer ces grands facteurs pathologiques, chacune des affections en cause étant étudiée à sa place alphabétique avec les réactions antisociales qu’elle peut provoquer. Mentionnons simplement tous les états de démence organique ou vésanique et la sénilité qui entraînent le fléchissement du jugement, les délires chroniques, les psychoses hallucinatoires que le faussent, la manie, la mélancolie, les psychoses infectieuses ou toxiques avec leur délire onirique, les psychoses anxieuses avec leurs raptus impulsifs, l’épilepsie dans ses équivalents, les grosses arriérations mentales qui suppriment le discernement, etc.
2) Criminels et délinquants d’habitude. Inadaptés sociaux
Nous entrons dans la catégorie des délinquants d’habitude, des récidivistes, qui constitue la clientèle courante des tribunaux.
De tout temps, et déjà dans les ouvrages anciens de criminologie, on a distingué les criminels d’habitude et les criminels d’occasion, les premiers incorrigibles et particulièrement dangereux au point de vue social, et les seconds amendables. Cette constatation est le principe générateur de la loi française sur la relégation des récidivistes. C’est sur cette base en deux catégories que Maxwell avait édifié, dans son ouvrage classique (Le Crime et la Société), une classification des criminels assez couramment admise et à laquelle nous ferons quelques emprunts. On peut lui reprocher cependant d’avoir admis comme criminels d’habitude les « Aliénés » dont la réaction antisociale n’est souvent qu’un épisode accidentel (exception faite des paranoïaques et de quelques délirants chroniques en liberté).
La mauvaise adaptation sociale peut être le fait d’une insuffisance intellectuelle légère (cas de certains débiles qui demandent à être protégés); mais, le plus souvent, l’intelligence en soi est d’un niveau normal, parfois doublée d’une imagination féconde et astucieuse. Souvent l’inadaptation sociale n’est que la prolongation d’une enfance inadaptée et déjà délinquante.
Il y a dans ce groupe beaucoup d’anormaux : des amoraux, des pervers, des déséquilibrés, des impulsifs, tous sujets englobés jadis sous la rubrique comme des « dégénérés », présentant, par ailleurs, des tares héréditaires fréquentes (hérédo-alcoolisme surtout) et des stigmates morphologiques, qui servaient de base au type du « criminel-né » de Lombroso.
L’absence de sens moral, qualifiée par les anciens auteurs de « folie morale », ne fait pas cependant de l’homme un fou, mais elle en fait un infirme devant ses obligations sociales; il doit être mis hors la loi sociale commune. Ces amoraux fournissent des aventuriers, des escrocs, des maîtres-chanteurs, des financiers véreux ou de pervers sexuels.
Les vagabondes et mendiants sont caractérisés, les premiers par leur besoin d’indépendance et les seconds par leur horreur du travail.
Il faut ajouter aux précédents :
– les pervertis par entraînement, mauvais exemples ou mauvais camarades;
– les débiles mentaux, souvent dressés et utilisés par des chefs de bande;
– les excités, attisés par des exaltations politiques, religieuses, etc. (diffamation entrave à la liberté du travail, crime politique, etc.).
3) Délinquants et criminels d’occasion
Chez eux, le fond n’est pas mauvais, ils sont souvent amendables. C’est l’occasion qui fait l’infraction.
Ces occasions déclenchent habituellement l’assouvissement d’un instinct ou d’un appétit; citons la faim et le besoin, la misère qui poussent au vol, à la grivèlerie. Certains de ces besoins sont artificiels et deviennent tyranniques, comme l’alcoolisme et les toxicomanies.
Il faut y ajouter les obsessions sexuelles qui portent parfois à des attentats à la pudeur ou à des gestes singuliers : exhibitionnisme, fétichisme, geste incompris du public et souvent en contradiction avec la personnalité sociales habituelle du sujet.
Maxwell, qui a bien étudié cette catégorie des criminels d’occasion, cite encore les criminels par amour ou par jalousie; il est sévère pour la jalousie, génératrice de crimes passionnels pour lesquels, cependant, le jury a des trésors de mansuétude; la jalousie est pour lui une forme de l’égoïsme, et il n’y a pas de différence à ses yeux entre le bandit qui demande « la bourse ou la vie » et le jaloux qui demande « l’amour ou la vie ».
Les états émotifs ont une action criminogène puissante. La colère devient une excuse quand elle est motivée (flagrant délit d’adultère, injures), ou quand elle a le déterminisme d’une décharge épileptique. La haine et la vengeance, qui poussent au crime, ne sont souvent qu’affaire de cupidité ou d’intérêt.
Le sentiment de l’honneur peut, lui aussi, entraîner des réactions tragiques, mais c’est une notion variable selon les époques, les castes et les classes sociales : il y a l’honneur militaire, l’honneur des gens du monde et celui des gens du « milieu ».
Certains sentiments psychosociaux ou idéologiques agissent souvent dans le même sens (crime politique, magnicide, crime de mystique, criminalité collective des foules excitées).
4) Criminels sans mobile apparent
On trouve, dans les annales judiciaires, un certain nombre de crimes qui surprennent par le mystère étiologique qui les entoure : le criminel a agi sans avoir obéi à aucun des mobiles habituels : parfois même la victime est inconnue de lui. Locard a groupé tous ces faits sous le nom de « crimes sans cause » et en rapporte de nombreux exemples. Voivenel avait étudié sous des titres suggestifs les « belles-mères tragiques » et la « chasteté perverse ».
Il s’agit parfois d’une simple activité de jeu, d’une curiosité qui veut s’offrir un spectacle à la mesure de son imagination : les petits pyromanes ou les vagabonds qui incendient les meules, les dérailleurs de trains (affaire Matucka), rentrent dans cette catégorie.
Parfois, cependant, c’est la malignité qui inspire le crime ou le délit, se dissimulant souvent sous un masque d’ingénuité et d’innocence. Cette perfidie se retrouve chez les auteurs de campagnes calomnieuses par lettres anonymes. Ce masque de candeur couvre aussi le visage de ces empoisonneuses récidivistes, don René Charpentier nous a donné une belle étude, car, s’il y a des empoisonnements criminels dictés par l’intérêt et la cupidité, il y en a qui échappent à toute considération d’intérêt ou de vengeance.
Ces crimes, leurs auteurs les perpètrent souvent en séries stéréotypées. Jeanne Weber, surnommée l’ogresse, étouffait discrètement les enfants dont elle avait la garde; acquittée deux fois par des Cours d’assises, à la faveur de la contradiction d’experts, elle recommença encore ses dangereux exploits.
Dans un certain nombre de ces cas, la psychanalyse a permis, comme nous l’avons dit plus haut, de détecter des complexes et des états conflictuels aboutissant à une explosion tragique de libération.
IV. Le problème de la responsabilité. – C’est celui devant lequel la justice place le psychiatre en lui demandant de fournir une expertise mentale. Vu son importance et sa délicatesse, il lui est consacrée une étude spéciale.
V. La défense sociale et la prophylaxie du crime. Le rôle du psychiatre. À l’idée de châtiment s’est substituée progressivement, dans tous les pays civilisés, l’idée de préservation sociale et de prophylaxie du crime.
Il faut individualiser la peine et la proportionner, moins à la nature du délit, qu’à la personnalité biologique et psychique du délinquant.
Il faut voir s’élargir encore le rôle du psychiatre à cet égard, généraliser l’emploi de l’expertise mentale, mais sous la réserve d’un choix judicieux d’experts qualifiés et de conditions d’observations améliorées. La création d’Annexes psychiatriques des prisons, réclamées depuis si longtemps en France, commence seulement à se réaliser.
Si le sujet est déclaré irresponsable et bénéficie d’une ordonnance de non-lieu, il faudra provoquer par la voie administrative son placement dans un établissement d’aliénés. L’extension des hôpitaux ou services spéciaux pour aliénés dangereux et criminels doit être favorisée : l’asile de Hoerdt (Haut-Rhin), l’établissement de Sarreguemines (Moselle), le service spécial de Villejuif (Seine), doivent avoir des répliques en d’autres régions. Plus délicat est le cas des sujets dont on a déclaré la responsabilité atténuée en raison de certaines anomalies mentales; les courtes peines ne font qu’augmenter la nocivité sociale de ses sujets rendus prématurément à la liberté il y a là une lacune à combler.
Certains pays, comme la Belgique, nous ont donné l’exemple des bienfaits de la collaboration du psychiatre avec les services judiciaires et pénitentiaires, au triple point de vue de la détection des tares biologiques et psychopathologiques des prévenus, de l’ajustement des sanctions, de la rééducation et de l’organisation du travail des condamnés. En 1907, le D. Louis Verbaeck faisait créer, à la prison de Bruxelles, un premier laboratoire d’Anthropologie criminelle : en 1920, 10 annexes psychiatriques, dotées de laboratoires, existaient dans les prisons des principales villes de Belgique, toutes calquées sur la même structure, dirigées par des médecins qualifiés possédant un personnel de formation identique et un système de fiches standard. La loi belge du 9 avril 1930 dite loi de Défense sociale, a organisé le régime pénitentiaire pour les prévenus et les détenus. Des Commissions mixtes de magistrats, de médecins et d’avocats statuent sur le régime à imposer, sur l’affectation à des établissements différenciés suivant les catégories de criminels, décident des sorties ou des prolongations possibles. Quelques retouches, ou quelques ajustements indiqués par les âges, ont été apportés à cette loi dont l’utilité s’est avérée particulièrement heureuse.
Signalons, à ce propos, que l’Administration pénitentiaire française a mis à l’étude un projet de loi tendant à une réforme du régime des détenus dans le sens de leur amendement et l’inspirant dans l’application des peines de la sélection des sujets et de l’amélioration progressive du régime de détention.
Nous ne pouvons nous étendre davantage sur ces problèmes d’un intérêt général qui dépasse le domaine de la psychiatrie, mais auxquels cette dernière a apporté une contribution importante.
Quant à la prophylaxie proprement dite du crime, c’est un problème encore plus vaste et surtout d’ordre social. Il relève cependant de l’hygiène mentale, tant individuelle que collective, de l’adaptation sociales des individus par l’instruction technique, l’orientation professionnelle, par la lutte contre le chômage, la misère, le taudis et surtout contre le fléau terrible de l’alcoolisme. On a proposé aussi la stérilisation des anormaux, solution discutable et discutée du reste.
Le plus gros effort doit porter du côté de l’enfance inadaptée, prélude : une carrière de délinquant ou de criminel d’habitude. On est en droit d’espérer que le grand et louable effort entreprise en faveur de cette enfance inadaptée, que le régime de l’éducation surveillée applique aux mineurs délinquants, assureront une prophylaxie meilleure de la criminalité de l’adulte.
Dans une communication récente à la Société de Médecine légale (7 mai 1951), Daumezon, après avoir souligné le caractère magique et rituel des institutions judiciaires dans les sociétés, insistait sur le fait que le médecin psychiatre, outre sa technicité particulière, ne pouvait se départir de son sens social et de l’optique que celui-ci lui imposait. « Le médecin étudie des troubles d’adaptation, il a découvert des lois, de ces lois peuvent être déduites des conduites susceptibles de faire disparaître ces désadaptations : il lui appartient de faire connaître ces liaisons. Il saura dire à l’occasion d’un comportement criminel, que ce comportement apparaît comme la conséquence de telles structures sociales : au législateur dans la loi, au juge dans la jurisprudence d’en tirer les conséquences. Celles-ci poussées à l’extrémité seraient d’abandonner l’attitude magique, répressive au bénéfice de conduites de rééducation et de sûreté. Il n’est pas possible ici de devancer les mœurs, mais si demain une loi supposant la société démystifiée supprime la peine, après quelques hésitations les prétendues mesures ré-éducatives seront maniées comme des sanctions ».
« Il n’en reste pas moins que le rôle du médecin est d’aider à cette démystification progressive dont les progrès de la législation en matière de délinquance infantile, de jurisprudence en matière de délinquance sexuelle, nous fournissent des exemples ». Pour toutes les questions concernant la criminalité et la délinquance nous renvoyons le lecteur à l’étude détaillée que nous en avons faite (A. Porto et Ch. Bardenat, Psychiatrie médico-légale, 3e Partie, problèmes de droit pénal, Librairie Maloine, Paris, 1959).
Ant. Porot.
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