Courrier « Que Faire »

Courrier « Que Faire? » de Mme Françoise Gaudet-Smet (La Presse, 31 mai 1968)

Extraits du courrier « Que faire ? », chronique de Françoise Gaudet-Smet.

Chagrin

Question : J’ai une peine immense dont rien ni personne ne peut me distraire. J’avais voué ma vie à un grand garçon avec qui j’ai fait deux ans d’étude dans notre collège. J’ai 16 ans. Il part pour aller travailler dans l’Ouest. Je lui al demandé de m’écrire et il m’a répondu : « Nous entrons maintenant dans le sérieux de la vie et il est temps que nous voyions ailleurs chacun de son côté. » Je pense que je vais rater mes examens. Ou que je vais mourir. Mes parents ont peur que je fasse de la tuberculose tant je dépéris. Ce serait peut-être aussi bien… Pourquoi les hommes sont-ils ainsi volages et infidèles ?

(Signé Quinze ans).

Réponse : Veux-tu, nous reparlerons de cela dans quelques semaines et je tâcherai de t’aider. J’y réussirai sûrement si de ton côté tu réussis bien à tes examens. Pour cela, efforce-toi de ne plus penser au voyage de ce grand garçon qui part à la conquête du monde. Ne lui montre ni tes yeux rougis ni le bord du bord de ta peine.

Mange à ta faim. Dors autant que tu peux. Et reviens dans trois semaines, afin que nous discutions sur les hommes volages et infidèles. Je te dirai pourquoi ils sont ainsi ? Ça va ? Surtout ne raconte rien à personne: notre secret ! Cache-le ; que personne ne s’en doute…

Confidences

Je suis à ma retraite de fonctionnaire municipal depuis neuf ans. C’est toujours la même chose: au temps où les fonds de pension ont été commencés, le coût de la vie n’était pas au niveau où il est actuellement.

J’ai toujours été généreux envers mes enfants qui, finalement, me croient beaucoup plus riche que je ne le suis, argent parlant. Ils nous comblent, ma femme et moi, de petits et de grands présents souvent luxueux et n’ont pas l’air de s’apercevoir que nous sommes souvent serrés par le nécessaire. Êtes-vous en faveur du silence sur le véritable état des mes affairas, ou si vous jugez que, à 74 ans, bon pied bon œil, je pourrais mettre les cartes sur la table. Ainsi ils ne nous trouveraient pas mesquins ou radins, en face de tel ou tel événement : par exemple, noces d’or ou d’argent, où pour faire bonne figure, il faudrait souscrire, nous habiller de pied en cap, et ainsi de suite.

Signé : J.P.

Réponse : Il y a des personnes qui ont toujours « l’air riche » et alors, ceux qui comptent leur avoir, le font avec une fourchette…

Si vous tenez à garder la discrétion sur l’état réel de votre situation, vous pouvez toujours, pour vous abstenir de tel ou tel événement, prétexter une certaine fatigue et le reste. Mais en presque tous les cas de confidences, il n’y a que la vérité qui sauve. C’est facile de ne perdre ni dignité ni prestige en établissant les faits tels qu’ils sont. Qui n’a pas un petit livre de comptabilité, au moins en gros dans les dépenses usuelles? Vous aiguillez la conversation sur les nécessités usuelles, et petit à petit vous avouez tant pour ceci, tant pour cela. Sans oublier la prévoyance obligatoire des gens qui, vieillissants, ne veulent pas être à charge.

Ceux qui savent compter apprécieront votre présence au réel. Les autres apprendront. À ceux qui doivent le faire, donnez la chance de découvrir la vérité, plutôt que de la leur offrir toute faite.

Chronique de Françoise Gaudet-Smet : Colère

On parle bien de la colère des jeunes, mais comment peut s’exprimer celle des chefs, des patrons levant l’insouciance et l’accord au réel que manifestent les jeunes, cherchant du travail et s’y adonnant avec parfois si peu de conscience constructive et d’intérêt réel ?

Signé : PAPA.

Réponse : Il n’y a pas de recette miraculeuse: il faut toujours revenir aux individus, aux familles. Tout devra sans cesse repartir des maisons, des enfances et de l’éducation bien faite dans les bons départs. Ce n’est pas par toquade ou entêtement que les personnes qui croient à ce constant phénomène de salut personnel et collectif ne cessent de proclamer ; la conviction bien ancrée, exprimée avec les moyens en cours, devant aussi prendre « l’air du temps ». À l’unité, avant d’être en foule. Cela améliore l’unité et la foule. Il est vrai qu’il y a les courants… la propagande, la publicité. Mais personne ne défend à personne de s’appliquer à faire sa part.

Voir aussi :

Une bonne parole est une aumône. Boulevard du Souvenir à Laval. Photo de Megan Jorgensen.
Une bonne parole est une aumône. Boulevard du Souvenir à Laval. Photo de Megan Jorgensen.

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