La conscience de soi

De la conscience de soi à la spiritualité (extrait de Boris Cyrulnik)

L’homme a une conscience. Elle émerge au cours de sa propre vie, mais aussi au cours de l’histoire de la vie. Face à sa conscience du monde, l’homme a pu croire qu’il était la conscience du monde. Le schéma de l’hominisation, qui part de la matière inanimée pour aboutir à la matière consciente en passant par la matière animée, traduit l’avènement unique de notre espèce, Homo sapiens.

Or notre conscience ne nous révèle qu’une partie du monde. La recherche du propre de l’homme nous a empêchés de prendre conscience de cela. L’arrivée de la conscience c’est réalise comme une métamorphose. C’est l’effet papillon, un battement d’ailes neuronal qui nous emporte dans un monde d’intelligence, de représentation et de démence.

Notre conscience est ce une évidence… tant que nous ne cherchons pas à comprendre par quel mystère nous parvenons à prendre conscience. Comment cette dernière se forme-elle ? En fait, la conscience se met en place progressivement dans le monde vivant. Elle émerge en nous grâce à entre traitement neurobiologique de l’information jusqu’au moment où nous parvenons à faire signe et à parler.

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Notre innocence initiale de la conscience évolue ensuite vers la conscience de la conscience. L’homme, grâce à la parole, est un virtuose de la conscience consciente qui n’exclut pas la conscience innocente. Le simple fait que l’organisation des systèmes nerveux rende certains à être vivants capables de redondance et de l’information permet la mémoire et l’apprentissage.

La mémoire permet de prendre conscience d’un phénomène absent mais représenté. L’organisme peut dès lors répondre à une stimulation non présente. Cette capacité neuronale, qui apparaît très tôt dans le monde vivant, nous incite à nous demander si les animaux ont une conscience de même quand on les pense, quand ils se les gardent dans un miroir ou quand il reconnaissent des structures d parenté.

Existe il en lieu cérébral de la conscience ou est-ce en processus associatif qui progressivement organise cette capacité ? Le développement d’une aptitude cérébrale à des représentations transforme la perception du monde. Il ne s’agit plus de répondre à une information présente, mais d’inventer une stratégie susceptible de résoudre un problème posé par un agencement d’images, d’informations sensorielles ou des paroles.

Cette manière d’aborder le problème de la conscience dans le monde vivant disqualifie la dichotomie entre l’homme et l’animal. La notion de métamorphose paraît plus indiquée.

Le papillon est différent de la chenille alors qu’il est en est la continuité… métamorphosée. Il vit dans un monde aérien totalement différent de celui de la chenille, qui rampe sur la terre, dont il est pourtant le produit adulte. Or l’effet papillon de la parole métamorphose la condition humaine. Le signe parolier, en modifiant la manière d’appréhender le monde et en créant un univers ou la parole est perçue à la place du monde n’ont perçu qu’elle représente, invente une autre nature.

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Seuls les baguettes magiques provoquent des métamorphoses subites quand elles transforment les crapauds en princes charmants. La métamorphose biologique aussi rapide soit-elle, demeure progressive. Certes, les mammifères répondent émotionnellement à leurs rêves et les grands singes se reconnaissent dans le miroir. Ces animaux savent agir sur l’esprit des autres en faisant semblant et en manipulant des symboles – ce qui définit la conscience émergente. Mais les hommes possèdent pour leur part une conscience partagée. Elle est caractérisée par la possibilité de proposer des solutions émotionnelles, comportementales ou intelligentes aux problèmes posés par leur environnement.

Ce faisant, ils répondent aux questions qu’ils inventent.

Alors que certains animaux sont devenus capables de vivre dans un monde de signifiants perçus, les hommes occupent un monde des signifiés, impossibles à percevoir. La spiritualité met en scène une représentation du monde totalement indépendante de la matière. Pour y accéder, il a fallu un système nerveux capable de représenter le rien, l’infini, l’absolu la mort. L’homme a dû aussitôt trouver des moyens tranquillisants pour lutter contre cette représentation, où le vertige du vide provoque l’angoisse.

Les représentations picturales réelles permettent une représentation de l’insupportable. Les images qui préparent à la pensée abstraite et les mots qui continuent à faire vivre en nous le cher disparu dénient la mort et nos acheminent vers l’art.

Tous les mammifères s’approchent de cet univers mental. Il leur manque pourtant la mutation de la métamorphose parolière, qui réserve aux humains un monde d’intelligence abstraite, d’art et de folie.

La métamorphose du signe

L’escargot vit dans un monde très contextuel où il réagit dans l’immédiat aux informations captées par son réseau de neurones. Un oiseaux ou un mammifère domestiques possèdent un système nerveux décontextualisateur leur permet d’utiliser ces perceptions pour alimenter des représentations sensorielles d’odeur, d’images et d’empreintes dans sa mémoire corporelle. Les primates humaines et non humaines peuvent se représenter le monde réel avec des images (comme dans un film sans paroles) ou avec des représentations verbales (comme dans un récit).

Il s’agit de démontrer maintenant que la métamorphose – passage du stade larvaire de la chenille à l’imago du papillon – est amorcé par la transformation des images en paroles . Que le rêve qui apparaît très tôt dans le monde vivant, la reconnaissance de soi un miroir et la possibilité de repérer les structures de parenté des visages exigent un système nerveux évolué. Enfin, que l’utilisation de certains objets en tant qu’outils, et, surtout, l’empêchement de l’acte sexuel entre animaux attachés, permettent de décrire ce passage des représentations du réel aux représentations des représentations. Ce qui revient à dire que le passage d’un monde à l’autre commence dès le monde animal pour se rassembler dans un monde humain.

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