Commotion cérébrale

Commotion cérébrale en psychiatrie

Syndrome consécutif à l’ébranlement massif et brutal de la masse encéphalique sous l’influence d’un traumatisme crânien direct ou indirect ou d’une explosion violente de voisinage.

On peut distinguer plusieurs phases dans le déroulement des accidents dus à la commotion cérébrale.

1e Accidents initiaux et précoces

La perte de connaissance immédiate, instantanée, peut être d’intensité variable allant d’un simple vertige avec éblouissement et obnubilation légère jusqu’à une dissolution complète de la conscience suivi d’un coma profond. Toujours existera de ce trouble initial une amnésie lacunaire plus ou moins complète avec, souvent, amnésie rétrograde faisant perdre au sujet le souvenir des circonstances de l’accident.

Dans quelques cas, le blessé, qui paraissait s’être remis rapidement d’une obnubilation passagère (intervalle libre), retombe progressivement dans la torpeur et réalise un coma secondaire (hématome sous-dural). Qu’il ne soit pas sorti de son coma primitif ou qu’il y soit tombé secondairement, le traumatisé crânien va présenter alors une série de manifestations graves qui doivent tenir le neurochirurgien en alerte; une réaction des centres neurovégétatifs échelonnés du bulbe au diencéphale, va déclencher un drame physiopathologique qui aboutira à de profondes perturbations vaso-motrices : œdème cérébral ou collapsus ventriculaire, hypertension ou hypotension crânienne, hémorragies secondaires en nappe ou en foyer, qui mettront sa vie en danger et pourront commander une intervention.

Si le coma n’est pas trop profond et n’entraîne pas une résolution musculaire complète, on pourra observer de l’agitation automatique, du délire onirique plus ou moins accusé. Cette phase d’agitation délirante peut être parfois assez violente pour imposer des moyens de contention, mais elle se prolonge rarement au-delà de quelques jours. Le réveil sera progressif et parfois lent, le retour de la lucidité peut être encore entravé quelque temps par des survivances oniriques et la fatigabilité de l’attention reste marquée. Il existe pendant un certain temps une dysmnésie de fixation. On peut observer, même à ce moment, de véritables bouffées de désorientation, de délire amnésique et de fabulation, le sujet se croyant reporté dans un cadre antérieur à son accident et le soulignant de nombreuses fausses reconnaissances.

C’est à ce moment que l’on pourra mettre en évidence plus aisément les différents déficits indiquant des lésions en foyer (paralysie, aphasie, agnoso-apraxie, hémianopsie, etc.).

2e Convalescence et accidents secondaires

La période d’inhibition se prolonge durant deux à trois semaines et c’est à ce moment-là seulement que l’on peut parler de restauration (réveil définitif de la conscience, récupération totale ou avec petites séquelles résiduelles des accidents neurologiques et neurophsychiques). Il en va de même pour certaines dissolutions psychiques post-commotionnelles graves; les signes d’asthénie physique et psychique peuvent se prolonger plusieurs semaines et, dans certains cas, amorcer des séquelles définitives.

À ce moment, le commotionné – comme tous les confus – reste fragile, doué d’une hyperémotivité et d’une suggestibilité anormales qui facilitent des persévérations injustifiées ou des surcharges pithiatiques. Les Centres de rééducation et de réadaptation organisés pendant la dernière guerre, ont fait la preuve de leur utilité à cet égard.

Mais il est des cas qui échappent à cette règle évolutive générale : tel celui de certaines amnésies fabulantes post-traumatiques rappelant le syndrome de Korsakoff signalées par nous-même (thèse Chancogne, Alger, 1928) et d’autres auteurs, toujours curables cependant, malgré une durée de trois à six mois.

Signalons aussi la possibilité d’états d’excitation à type maniaque ou de dépression du type mélancolique d’une durée équivalente.

Quant à l’épilepsie post-commotionnelle, c’est également après un temps de latence qui varie de quelques semaines à quelques mois qu’elle s’installe chez les traumatisés du crâne. On a signalé aussi quelques équivalents psychiques de l’épilepsie post-traumatique (bouffées délirantes éphémères). Mais les progrès de la neurochirurgie et l’usage des antibiotiques ont singulièrement réduit les foyers inflammatoires ou cicatriciels qui servaient de substratum à cette épilepsie.

Les abcès cérébraux, rares aujourd’hui, pour les mêmes raisons, les hématomes tardifs, se signalent à l’attention pour une reprise d’obtusion confusionnelle avec les autres signes de l’hypertension crânienne (v. Abcès cérébraux).

3 Séquelles

L’établissement des séquelles est conditionné d’abord par les lésions résiduelles du traumatisme ou par des désordres fonctionnels durables; mais c’est à ce moment-là aussi que va intervenir un autre facteur, un facteur purement psychique qui va commander, dans certains cas, l’installation de psychonévroses surajoutées.

a) Syndrome subjectif post-traumatique – À l’occasion de la guerre de 1914-1918, P. Marie avait décrit un syndrome commun à tous les trépanés ou commotionnées et caractérisé par des vertiges, des céphalées et des éblouissements. Ce syndrome subjectif a été confirmé rapidement par la plupart des neuropsychiatres. Réel dans beaucoup de cas, il a été, par la suite, abusivement allégué ou du moins exagéré par de nombreux sujets. Il convient d’abord de faire préciser dans tous leurs détails les caractères du vertige et des céphalées qui, souvent, restent très flous dans l’esprit des sujets qui s’en déclarent atteints. On tend aujourd’hui à le démembrer en ses diverses composantes : syndrome vestibulaire ou labyrinthique, troubles vasomoteurs, asthénie. On en a détaché aussi : un syndrome mineur d’hypotension crânienne (v. ce mot), un syndrome céphalalgique par un traumatisme du rachis cervical, lequel a souvent passé inaperçu, et le syndrome sympathique cervical postérieur de Barre.

Ce syndrome a fait l’objet de nombreuses discussions et suscite des positions assez opposées de la part des neuropsychiatres et des médecins légistes. Il a été débattu en divers congrès et a fait l’objet de nombreux rapports. On trouvera l’historique de ces débats et l’analyse très complète de tous les éléments du problème dans les rapports d’Evrard et Hecaen, Les nécroses traumatiques, au LIIe Congrès des Médecins aliénistes et neurologistes de France et des pays de langue française (Liège, 1954), rapports qui ont été suivis d’une intéressante discussion très documentée.

On a cherché à authentifier par des tests objectifs les fonctionnements somatiques du syndrome; mais il ne s’agit en pareil cas que de microsymptômes qui peuvent passer inaperçus à un examen banal et superficiel.

Au surplus, on ne saurait faire une séparation trop tranchée, une sorte d’opposition entre le subjectif et l’objectif en rejetant dans la névrose ou la simulation tout ce qui ne fournit pas de preuve somatique. Jacques Ley a fait une intéressante étude critique de ses situations dans un travail paru en 1956. (L’objectif et le subjectif en médecine légale traumatologique, Acta Neurologica et Psychiatrica Belgica, fasc. 4, 1956, pp.328 à 252). Le clinicien, pour cet auteur, doit se garder de toute conception qui dépendrait d’une prise de position doctrinale plus ou moins consciente comme de tout préjugé sentimental; objectivité et neutralité sont des règles absolues qui s’imposent à l’expert. La mission arbitrale qui lui est confiée engage profondément sa responsabilité morale et son crédit.

Cette question des troubles subjectifs, nous l’avons du reste reprise et Ch. Bardenat, Maloine, édit., Paris, 1959).

b) Syndrome asthénique. – Des asthénies durables et insurmontables peuvent être la conséquence d’une commotion cérébrale (v. Neurasthénie, Psychasthénie). Ce syndrome asthénique, malgré l’absence de signes neurologiques objectifs précis correspond aux altérations fines de la substance nerveuse, réalisées du reste expérimentalement en 1915-1916 (Mairet, Pierron, Durante, etc.). À l’asthénie physique et psychique s’ajoute souvent un élément de rumination mentale anxieuse pouvant aller jusqu’à l’hypocondrie. Ce syndrome est toujours très tenace et décevant au point de vue thérapeutique.

c) Déséquilibre émotif et troubles de l’humeur. – Les répercussions précoces sur les centres neurovégétatifs du tronc cérébral peuvent se prolonger et engendre des désordres de la vie instictivo-affective, de véritables dérèglements de l’humeur (irritabilité, impulsivité), des modifications du caractère rendant la vie sociale souvent difficile.

Les anciens commotionnés présentent une sensibilité particulière à l’alcool.

Le désordre permanent peut se manifester sous forme d’une hyperémotivité anormale (psychonévrose émotive de Dupré), avec ses stigmates habituels.

De véritables phobies peuvent s’installer chez des commotionnés à l’égard des causes de leur accident : phobie du cheval, de l’auto, du train, impossibilité de repasser dans le lieu où se produisit l’accident.

d) Des syndromes sous-corticaux, d’apparence tardive, ont été plusieurs fois signalés : syndrome de rigidité, d’hypertonie, voire syndrome parkinsonnien, avec sa bradypsychie particulière (parkinsonisme des anciens boxeurs professionnels).

e) Y a-t-il de véritables démences post-commotionnelles? Certains auteurs admettaient, en 1914-1918, chez de simples commotionnés par explosion, des confusions mentales catatoniques paraissant évoluer vers la démence précoce, mais leur évolution ultérieure n’a pas toujours été confirmée. On avait admis aussi la possibilité de démences organiques par extension et irradiation de lésions méningo-encéphaliques traînantes (H. Claude); mais les progrès de la neurochirurgie et les antibiotiques ont supprimé ces inflammations prolongées.

Ce que l’on rencontre le plus souvent, ce sont de simples ralentissements psychiques, des inactivités pragmatiques, mais qui ne présentent pas à l’analyse de vraie structure démentielle.

Toutefois, signalons qu’on a pu rencontrer chez d’anciens boxeurs professionnels de véritables atrophies cérébrales (K.T. Neubuerger, D.W. Sinton, J. Denst).

4 Problèmes médico-légaux

a) En matière civile, la commotion cérébrale pose des problèmes d’estimation d’invalidité toujours très délicats. Il convient d’abord d’établir la recevabilité d’une allégation de commotion cérébrale (cicatrices de trépanation, images radiologiques). En l’absence de traces objectives, il faudra se montrer très circonspect. Il faut s’enquérir des circonstances de l’accident, de la perte de connaissance et de sa durée par un récit très précis et détaillé; l’amnésie lacunaire fera l’objet d’une sévère critique.

Quant au syndrome subjectif, il comporte une analyse aussi précise que possible des symptômes mis en avant par le malade : caractère rotatoire ou non du vertige, détails sur les céphalées, leur siège, leur horaire, leur caractère migraineux ou non, etc. Cet interrogatoire sera suivi de recherches vestibulaires ou labyrinthiques, de l’exploration des vaisseaux carotidiens et des réflexes douloureux ou lipothymiques qu’ils peuvent provoquer, de l’examen radiologique du rachis cervical et, éventuellement, d’une électro-encéphalographie pour déceler une aptitude comitiale. L’E. E. G. des séquelles de traumatismes crâniens fournit en effet des données intéressantes, utiles pour le diagnostic et le pronostic : ondes lentes ou pointes isolées ou en bouffées; ces anomalies sont diffuses même si le cerveau a été touché en un point précis (Planques).

Il faut, dans quelques cas, se méfier de l’entourage et du milieu familial qui, dans leurs témoignages, exagèrent volontiers ces malaises. Il faut toujours penser à l’appoint alcoolique possible.

b) En matière pénale, une commotion ancienne est souvent invoquée pour atténuer les rigueurs de la justice. Il faudra en faire la preuve. L’alcoolisme est dans les 2/3 des cas à l’origine des crimes et des délits commis par les traumatisés crâniens (A. Porot, Rapport au Congrès de Médecine légale, Lille, 1925). Si la commotion est bien établie, et que le délit ou le crime soit pur de tout appoint éthylique, on se rappellera que certaines commotions ont volontiers des troubles d’humeur et du caractère, une irritabilité et une impulsivité anormales, parfois même des obnubilations brusques de conscience de nature comitiale dont il faudra tenir compte dans l’estimation de leur responsabilité.

Ant. Porot.

Voir aussi :

Règle d'hygiène : n'aie jamais deux fois la même pensée. (Alain, philosophe français). Photo : Jardin chinois à Montréal, vu par Megan Jorgensen.
Règle d’hygiène : n’aie jamais deux fois la même pensée. (Alain, philosophe français). Photo : Jardin chinois à Montréal, vu par Megan Jorgensen.

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