La fabrication des outils, une compétence commune
L’un des moteurs les plus puissants de la métamorphose est constituée par l’ensemble fonctionnel « cerveau – mains produisant des mots et des outils ».
Bien sûr, les animaux savent fabriquer des outils. Le pinson des Galapagos est célèbre pour utiliser un piquant de cactus ou une brandille de bois qu’il brise afin de l’adapter à la largeur du trou du tronc d’arbre où il va empaler l’insecte à déguster (Eibl – Eibelfeldt, 1985). Les oiseaux ce montrent excellents architectes lorsqu’il construisent leur nid : tessons de bouteille, boîtes de conserve et branchages constituent de solides parois. Les loutres savent casser des coquillages avec des pierres. Quant aux chimpanzés, ils se révèlent des ouvrières astucieux lorsqu’ils fabriquent des « cannes à pêche » pour attraper les termites, ou encore ces servent de bâtons pour frapper un léopard auquel ils lancent, pour l’éloigner, des cailloux ou des feuilles.
Ces comportements résultent probablement de pressions sélectives qui en ont renforcé la transmission à travers les générations, tandis que l’usage d’objets façonnés pour façonner d’autres objets dans le but qu’ils agissent sur la chose implique une capacité à se faire de représentations dans cascade. À ce représenter un objet qui agit sur un objet qui agit…
*
Un chimpanzé est capable de prévoir l’effet à venir d’une action immédiate, puisqu’il fabrique une tige qu’il traînera sur plusieurs kilomètres jusqu’à la termitière. Les processus d’apprentissage de l’usage de l’outil reposent surtout sur l’imitation. Les petits réalisent en effet des performances d’autant plus grandes qu’ils ont face à eux le modèle parental, qui permet un apprentissage cognitif d’images.
Des éthologues ont ainsi observé l’apparition des « traditions » dans le levage des patates ou le cassage des noix chez les chimpanzés de Côte d’Ivoire (Joulian ,1985. Voir Boesch chapitre 4). L’observation de variantes techniques au sein de groupes d’animaux de même équipement génétique et vivants dans en même milieu corrobore l’idée d’acquisitions cognitives. Mais peut-on en parler de traditions au sens humain du terme, impliquant la transmission d’une technique grâce à des paroles qui expliquent l’usage de l’outil et lui attribuent un sens ? Le langage des mots devient dans ce cas indispensable à la transmission d’un savoir technique.
Différence d’évolution entre le cerveau du singe et celui de l’homme : le singe a une zone de vocalisation qui lui permet une forme d’expression orale. L’homme avec les aires de Broca des Werniche à acquis la parole.
Cerveau – mains : La parole, condition d’une conscience partagée
En dépit de leur définition, nos mots restent flous et découpent des visions du monde variables salon les locuteurs. Mais l’imagerie médicale qui permet d’observer le couplage de lobe temporal gauche avec la main droite – c’est-à-dire du support du support neurologique du langage avec la main la plus habile –, nous conduit à penser que la latéralisation cérébrale qui apparaît chez les mammifères et devient lumineuse chez les hommes est certainement en produit de l’évolution.
Le scanner, la résonance magnétique et la neuropsychologie actuelle confirment que le fait de parler et de manipuler des outils modifie le volume et la structure cérébrale correspondants.
Un enfant abandonné a qui personne ne parle possède un lobe temporal gauche et un cerveau limbique atrophiés. L’absence de fonction détériore l’organe. Ce n’est pas surprenant quand on sait que les stimulations sensorielles issues du milieu façonnent et développent la zone du cerveau qui les traite (Hûbel et Wiesel, 1962).
*
Les neurologues ont aussi observé l’aphasie des polyglottes. En effet, en général, les malades oublient les langues dans l’ordre inverse où ils les ont apprises, car les zones du cerveau façonnées par la langue s’éloignent de plus en plus du centre de l’aube temporal gauche.
La première langue s’empreigne dans un repli temporal profond, la deuxième s’inscrit sur son pourtour, la troisième encore plus loin et plus fragilement, et ainsi de suite (Denton, 1995).
Cela revient à dire que nous posions mal la question. Un cerveau de chimpanzé n’est pas un cerveau d’homme. Si on stimule en lobe temporal gauche de chimpanzé, il tourne la tête, crie et lève le bras droit. Soumis à la même stimulation, l’homme, lui, bouge la main droite vocalise, et, parfois, articule quelques mots – des mots qui ont été imprégnés dans son lobe entre son vingtième et son trentième mois par le bain langagier dans lequel il se développait.
L’émergence de la conscience perceptive nécessite probablement un certain type de cerveau. De très nombreuses espèces possèdent un tel cerveau. Mais pour avoir accès à la conscience partagée, celle qui permet de vivre dans un monde de représentations immatérielles, il faut gagner dans d’autres consciences, exprimées par des gestes, des mimiques, des symboles et des récits.
Voir aussi :
