Bovarysme et frigidité
Bovarysme
Expression tirée du célèbre roman de Flaubert, Madame Bovary, dont l’héroïne, femme d’un médecin de campagne, juge son mari et sa situation inférieurs à ses aspirations, jette des regards d’envie sur la vie mondaine plus brillante et se lance dans des aventures romanesques et sentimentales qui la déçoivent.
Cette remarquable étude a suggéré à certains philosophes (Jules de Gaultier, le bovarysme, Édit. Mercure de France, Paris, 1921) d’en faire une entité psychologique et il a défini le bovarysme « le pouvoir départi à l’homme de se concevoir autre qu’il n’est ».
Certains psychiatres (Génil-Perrin) ont fait un rapprochement entre le bovarysme et la paranoïa. Il conviendrait, à notre avis, de ne pas élargir démesurément la signification de ce mot, et de le réserver, du moins sur le terrain de la clinique, aux cas, déjà assez nombreux, des jeunes femmes insatisfaites qu’un mélange de vanité, d’imagination et d’ambition portent à des aspirations au-dessus de leur condition, surtout dans le domaine sentimental.
Cet élément de bovarysme se retrouve fréquemment à l’analyse des états névrotiques féminins et explique certains comportements insolites ou certaines réactions anormales.
Plus récemment, J. Delay s’est penché sur ce problème du bovarysme (Allocution présidentielle intitulée Névrose et création, au LIIe Congrès des Neurologistes et Psychiatres de Langue française de Liège, 25 juillet 1954). Après avoir rappelé ses traits essentiels (aptitude à se concevoir autre que l’on est, dégoût profond de la réalité, recours spontané, puis délibéré, à l’évasion dans l’imaginaire), il a souligné que tel était bien le cas de Faubert lui-même, qui déclarait : « Mme Bovary, s’est moi ».
Le même bovarysme, ajoutait J. Delay, qui chez l’un aboutit à l’échec, peut aboutir chez un autre à la réussite.
Ant. Porot (Manuel alphabétique de psychiatrie).

Frigidité
Ce terme n’est pratiquement utilisé que pour désigner la froideur sexuelle. Il qualifie plus précisément l’incapacité d’éprouver par des rapports normaux les sensations voluptueuses naturelles ou simplement l’orgasme.
On ne doit pas confondre, comme on le fait trop souvent, la frigidité avec l’anaphrodisie bien qu’il ne soit pas toujours aisé de faire le départ, dans un cas clinique donné, entre ces deux situations pathologiques.
La frigidité est un trouble qui atteint, de nos jours et dans plusieurs pays, un nombre important de femmes (de 30 à 50%).
Elle offre des degrés variés (frigidité complète ou relative, élective ou globale, intermittente ou intéressant tous les niveaux de la filière génitale externe.
La frigidité partage encore avec l’impuissance, les principales étiologies mentales et psychologiques de l’inhibition sensuelle.
Mais la sexualité de la femme est infiniment plus délicate et complexe que celle de l’homme et, outre les variations qui lui impriment des fluctuations endocriniennes cycliques et climatiques bien connues, elle est encore plus sensible aux facteurs d’environnement et aux influences généralement occultes de nombreuses données psychologiques.
La maladresse ou l’ignorance du partenaire, l’absence de don affectif de celui-ci conditionnent nombre de fausses frigidités.
Les traumatismes psychosexuels à toutes les étapes de sa vie (enfance, puberté et adolescence, défloraison, grossesses) représentent la plus grande part des inhibitions qui aboutissent, par une mécanisme de rappel, au refus inconscient de l’acte que symbolise la frigidité.
Chez beaucoup de femmes, la frigidité ne se révèle qu’au hasard d’un examen entrepris par une autre motivation (générale, gynécologique ou mentale) : elle est facilement acceptée aussi bien que dissimulée, même au conjoint. Elle est même parfois l’objet d’une certaine vanité affichée ou sincère.
Dans certains cas, elle entraîne des conduites anormales (prostitution, perversions mineures de facilitation et de compensation). Mais il arrive aussi qu’elle induise chez certaines anxieuses ou hyperémotives un sentiment d’infériorité, de frustration, des idées de culpabilité à l’égard du conjoint.
Le traitement de la frigidité tire ses éléments de la pathologie du trouble. Il doit viser à corriger, avant tout, le déficit organique quand il est accessible et réversible, puis à réduire les facteurs d’inhibition psychique.
Les moyens thérapeutiques s’échelonnent depuis les extraits glandulaires stimulants (auxquels on demande souvent plus qu’ils ne sauraient donner) jusqu’à une psychothérapie plus ou moins inspirée de la psychanalyse. On se gardera toutefois d’entreprendre celle-ci si l’on doute que le conflit provocateur du trouble puisse être résolu ou si la femme a une personnalité trop faible pour pouvoir le dominer.
Ch. Bardenat
Voir aussi :
Insuffisance génitale
Il ne semble pas y avoir de syndromes psychiques vraiment propres à l’insuffisance génitale chez l’homme.
La non-masculinité on « anarrhénie » est représentée par l’absence de sécrétion testiculaire, résultant soit d’une aplasie congénitale des testicules, soit d’une orchite ourlienne de la première enfance, soit d’une castration.
Elle se stigmatise surtout par des signes morphologiques un peu spéciaux : infantilisme avec longueur des membres surtout les inférieurs et absence de caractères sexuels secondaires.
Psychiquement, on a prêté aux eunuques des anciens harems orientaux, un caractère servile, intrigant et hypocrite, mais cette apparence de dégradation morale est plus d’ordre social que d’ordre physiologique (Apert). Un seul trait psychique qui mérite d’être retenu est une certaine douceur allant parfois jusqu’à la couardise.
« Les eunuques sont des mâles amoindris, mais ils n’acquièrent du fait de leur castration, aucune tendance proprement femelle, aucune intrasexualité; quant à leur intelligence, elle n’est touchée que dans la mesure où il lui manque le ferment créé par la sublimation de l’agressivité virile sur le terrain culturel » (Pichon). La simple cryptorchidie ou non descente du testicule dans les bourses, n’entraîne pas d’insuffisance endocrinienne à proprement parler, encore que ces sujets soient souvent spermatiquement stériles. Il n’y a pas de troubles psychiques chez eux, mais la timidité maniérée qu’ils présentent parfois, tient beaucoup plus à un sentiment d’infériorité qu’à une déficience physiologique.
Ant. Porot.
Sublimation
Mécanisme, isolé par la psychanalyse, en vertu duquel l’instinct sexuel, rencontrant un obstacle dans sa réalisation directe, se manifeste dans des activités non-sexuelles, généralement plus élevées et utiles; activités qui conservent, sous une forme de déguisement symbolique, les tendances sexuelles primitives mises en jeu : c’est ainsi que l’exhibitionniste deviendrait un acteur de talent, le curieux insatisfait un chercheur, le sadique un chirurgien ou un soldat.
La sublimation se présente donc comme la solution d’un conflit et permet généralement au sujet d’échapper au refoulement et à la névrose.
Th. Kammerer.
Voir aussi :