Québec psychologique

Bouc émissaire

Bouc émissaire

Bouc émissaire en psychologie

Terme créé par Frazer pour désigner les victimes expiatoires qui, de tous temps, depuis la plus haute antiquité, ont été sacrifiés aux divinités. Baruk lui a consacré, dans son Traité de psychiatrie (Masson, éd.), quelques considérations intéressantes : «Ce rite, dit-il, s’est perpétué, même dans les civilisations contemporaines plus évoluées. Il fallait conjurer le destin ou tout au moins assouvir une haine ou une vengeance sur des gens jugés méprisables ou fauteurs de désordres, alors qu’en réalité il s’agit plus souvent d’un être innocent, mais qu’un certain sentiment d’infériorité rend timide et peu sociable, ne participant pas à l’esprit de collectivité.

« Cette notion du paiement nécessaire et inexorable de la faute ne s’est exprimée pendant longtemps que d’une façon symbolique; elle restait cachée, subconsciente, refoulée ; c’est pour cela qu’en raison de la loi de la charge affective énorme des complexes subconscients, que le paiement des fautes, c’est-à-dire la rédemption, s’est exprimée par des sacrifices affreux et cruels.

« Si la mise à jour de ce complexe du paiement des fautes commençait chez certains peuples à percer timidement sous la forme d’un Dieu plus juste que les autres, cette idée restait faible, épisodique et rapidement étouffée sous la reprise des rites et des sacrifices du bouc émissaire. Mais deux événements devaient faire surgir soudain des profondeurs de l’abîme la force souterraine qui poussait l’humanité comme à tâtons au paiement des fautes, force dont l’humanité n’avait pas conscience et à laquelle par conséquent elle obéissait comme une aveugle, comme on obéit à un complexe inconscient, refoulé et obscur, avec la peur, les yeux fermés et la cruauté de l’inconscience.

« Cette mise à la lumière a été le fait d’un événement capital dans l’histoire de l’humanité, le monothéisme juif et la découverte de la conscience morale. »

Certaines persécutions raciales comme l’antisémitisme en sont un vivant exemple.

Cette notion de bouc émissaire peut s’appliquer à des sujets de toute condition et de tout âge. On a voulu la rattacher à un instinct d’agressivité ; les psychanalystes y voient un aspect du masochisme; il semble plutôt qu’il s’agisse d’un sujet qui présente « une angoisse de dévalorisation, une agressivité de compensation et qui se situe en deçà du groupe ». En effet, on l’observe souvent chez les enfants, dans les écoles où le souffre-douleur est souvent ridiculisé, maltraité. C’est du moins l’opinion de Ph. Parrot et Mlle Gueneau, élèves du Pr Bergournan (in Rev. Neur.-Psych. inf., 1957, janvier-février, p. 25).

Il faut savoir détecter chez ces mineurs inadaptés ce sentiment d’infériorité, de culpabilité, objets de tracasseries et parfois de sévices injustifiés.

Ajoutons aussi que, dans certains délires chroniques, le malade incrimine comme instigateurs des persécutions et des souffrances qu’il croit endurer, tantôt un individu qui deviendra le bouc émissaire, tantôt un groupe social ou religieux, juifs, francs-maçons, jésuites, contre lesquels il cherchera à se défendre, soit par des harcèlements, soit par des réactions parfois tragiques ; mais on est alors en pleine situation morbide.

Ant. Porot.

Gothic dead

Selon ce que je connais de l’histoire, je vois que l’humanité ne saurait se passer de boucs émissaires. Je crois qu’ils ont été de tout temps une institution indispensable. (Le Zéro et l’Infini, III, 4, par Arthur Koestler, né en 1905 et mort en 1983, romancier et essayiste hongrois, naturalisé britannique). Image : © Megan Jorgensen.

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