Doctrine de Behaviorisme
Le behaviorisme est une doctrine qui rejette l’ancienne psychologie introspectionniste édifiée sur les données de la conscience et prétend lui substituer une psychophysiologie strictement objective, basée sur l’étude scientifique et expérimentale du « comportement» («Behavior»). Née au début du XXe siècle, en Amérique, elle a eu pour promoteur et «guide énergique» Watson. Sa clef de voûte est représentée par l’étude des réflexes conditionnés de Pavlov et de ses élèves; elle s’appuie, en outre, sur des études objectives faites sur de tout jeunes enfants dans les maternités ou dans des pouponnières artificielles, ainsi que sur l’étude expérimentale et comparée de la psychologie animale.
Le comportement des êtres humains peut toujours se décrire en stimuli et réponses. Le behaviorisme a pour domaine le champ total des adaptations humaines individuelles et collectives. Les stimuli conçus par les behavioristes dans un sens plus large que l’excitation correspondent à tout mouvement intérieur ou extérieur capable de provoquer une réponse de l’organisme et sont en constante modification par accroissement et élargissement, par conditionnement. La réponse, déclenchée par le stimulus, apparente ou cachée, toujours orientée, conduit à un ajustement, une adaptation. Cette théorie rejette les effets lointains comme, par exemple, le refoulement des psychanalystes.
Le behavioriste analyse le comportement humain depuis l’époque fœtale et à tous les niveaux, du plus élémentaire au plus adapté socialement. Il se propose surtout de rechercher comment modifier le comportement par l’éducation.
Le behaviorisme rejette l’hérédité, l’instinct et les constitutions: tout n’est qu’apprentissage. Pour Watson, toutes les réactions dites instinctives ou émotionnelles sont acquises par voie de conditionnement.
– L’émotion comporte une réponse plus large, plus limitée dans le temps que les manifestations dites instinctives, et embarrassée de toute une série de réponses accessoires ou déformées qui traduisent l’imparfaite adaptation de l’individu à un choc donné. La vie émotionnelle du tout jeune enfant a été admirablement étudiée par les behavioristes dans des conditions d’isolement expérimental. II n’y a, chez lui, que 3 formes de réactions émotionnelles: la peur, la colère et l’amour. Ces réponses élémentaires vont engendrer par élargissement et conditionnement les émotions beaucoup plus compliquées de l’adulte, mais toujours réversibles par déconditionnement.
Dans l’acquisition des habitudes manuelles, il y a plus qu’une simple répétition; il s’agit d’une véritable séquence: mélange de stimuli externes (communs à tous les hommes) et de stimuli internes (propres à l’individu). Le behaviorisme n’admet pas le rôle de la perception de l’acte à accomplir, soutenu par les psychologues de la forme (gestaltisme), pas plus qu’il n’admet les théories finalistes (but, intention, plaisir ou déplaisir).
La formation du langage parlé montre que l’étape kiniesthésique de l’habitude est capitale.
Le processus initial de formation d’habitudes de langage ressemble à celui de l’établissement des réflexes conditionnés.
Les mots servent de stimuli pour l’activité manuelle; entre les mots et les choses s’établit une équivalence de réaction. Le comportement verbal n’a pas d’autre secret (phénomènes de mémoire).
La mémoire consiste en la rétention d’habitudes explicites (manuelles), puis la rétention d’habitudes verbales explicites et implicites qui sont, au fond, du même type.
L’acquisition d’habitudes peut avoir un caractère manuel, verbal (scolaire), viscéral (mémoire émotionnelle), le plus souvent combinées.
En ce qui concerne la pensée, les hypothèses behavioristes qui reposent sur l’expérimentation et l’observation s’opposent aux métaphysiques des introspectionnistes qui en font quelque chose d’incorporel. «Penser est un acte, comme jouer au tennis et, comme lui, une partie d’un processus biologique d’ensemble.» Pour Watson, la pensée n’est rien d’autre que le fait de se parler à soi-même (parole intérieure), explicable par les habitudes motrices du langage explicite.
Watson établi des schémas montrant l’interdépendance des habitudes manuelles, verbales et viscérales.
Pour le behavioriste, la personnalité n’est que le produit final de nos systèmes d’habitudes. De ce point de vue, l’attention devient synonyme de la prédominance d’un système complet d’habitudes quelconques: verbales, manuelles ou viscérales.
Abordant le problème des maladies mentales, les behavioristes estiment que la psychopathologie est aujourd’hui un des domaines les plus confus de la psychologie. Elle se sert de tout l’arsenal introspectionniste et se réfère au «psychisme». Elle met en jeu une «conscience» active et agissante et non un comportement observable. On parlera longtemps de maladie «mentale», tant qu’on croira à une chose mentale. WATSON estime qu’on pourrait user de termes plus clairs: troubles de la personnalité, maladies du comportement, conflits entre les habitudes, etc.
Psychoses et névroses fonctionnelles peuvent être conditionnées et déconditionnes.
Le conditionnement permet, non seulement de construire les complications du complément, les conflits et les structures caractéristiques de la personnalité malade, mais aussi d’entraîner au cours du même processus un début de modifications organiques qui peuvent aboutir finalement des infections et des lésions. L’un des buts d’une vraie science du comportement, c’est la transformation de la personnalité: désapprendre et apprendre.
– Critique des théories réflexologisites et behavioristes. – Les théories behavioristes fondées sur la réflexologie, ont été vivement critiquées et combattues par certains psychologues ou psychiatres ( associationistes, vitalistes, bio-dynamistes). On a reproché aux behavioristes de considérer la conduite comme une somme de réflexes élémentaires; pour Tusques, ce qui paraît remarquable dans les soi-disant réflexes conditionnés, c’est qu’il y a toujours dans leur déterminisme même une situation affective, une signification de l’excitant conditionnel. C’est cette situation affective déclenchant un phénomène, qui peut être, par ailleurs, obtenu par voie réflexe qui paraît être le problème fondamental.
– Ce que l’on appelle « réflexe conditionné » paraît être intéressant en ce qu’il montre le début de la libération du mécanisme par un procédé qui est l’ébauche d’une connaissance. Dans le réflexe conditionné, il y a début de jugement, «choix sans conscience» (Bergson).
D’après H. EY, la psychologie basée sur les expériences de Pawlov conduit à une psychologie purement de surface ou d’observation extérieure en qui la réflexologie et la psychologie behavioristes se confondent et communient pour ainsi dire dans l’apsychologisme. Le réflexe conditionné n’est pas un élément de la vie de l’esprit, il n’en est qu’un aspect en lui-même; à un certain niveau de la vie psychique, il n’existe pas, il se confond avec les fonctions d’adaptation, de mémoire et généralement avec l’exercice de la pensée.
Nous avons dit que les behavioristes rejetaient complètement les phénomènes de refoulement qui sont à la base des doctrines psychanalytiques. Pourtant, Dabiez a souligné le caractère essentiellement dynamique de la psychologie freudienne et l’on a tenté un rapprochement entre la psychanalyse et les expériences réflexologiques. Les deux disciplines se rejoignent par la façon dont elles se représentent le fonctionnement neuropsychique (M. Hamel).
Ant. Porot.
Instances
Terme judiciaire, utilisé par Freud, dans le sens de « puissance censurante ». Dans la théorie de la Psychanalyse, le Sur-Moi est « l’instance » qui apprécie et refoule (c’est-à-dire arrête, freine) une pulsion instinctive en la rendant plus ou moins inconsciente ou inconnaissable.
Il a été employé ensuite en psychopathologie dans le même sens, élargi. Les tendances instinctives, sexuelles et non sexuelles, doivent subir l’action de plusieurs « instances » déformantes, avant de parvenir à la motilité, aux actes.
– Une équivoque a rapproché cette notion métaphorique de la notion physiologique d’inhibition. Après H. Jackson, les neurologistes parlent de l’ « instance », c’est-à-dire du contrôle exercé par les fonctions supérieures sur les inférieures, dans la hiérarchie fonctionnelle de l’axe cérébrospinal.
– Par extension analogique, des psychiatres, comme H. Ey, imaginent une « instance » d’hypothétiques « fonctions psychologiques ».
Il faut retenir des faits psychiques qui font parler d’«instances » qu’une notable part du psychisme résulte de l’opposition aux tendances ou conduites spontanées de l’individu, de l’interdiction résultant de la morale et de la contrainte sociale. Cette interdiction, qui éveille dans la conception introspectionniste de l’activité psychique, l’idée d’un juridiction intérieure, est concevable non sur le plan des « forces mentales », mais sur celui des valeurs. Le terme d’ « instance exprime la signification éthique du comportement humain.
A. Hesnard.
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