Adoption d’enfants

Adoption d’enfants

L’adoption est un acte civil dont les conditions sont réglées par la Loi et qui permet à des personnes de l’un ou l’autre sexe, ainsi qu’à des conjoints réguliers, d’intégrer à leur foyer des enfants dont ils ne sont pas les procréateurs. Cette situation peut soulever tant du côté des adoptants que des adoptés des problèmes psychologiques et psycho-pathologiques dont il convient d’être averti.

1 – Le point de vue social et juridique

L’adoption qui existait chez les Romains, tombée ensuite en désuétude, ne trouva sa place qu’en 1804 dans le Code civil français institué par Napoléon ; elle ne s’appliqua guère pendant un siècle qu’à des cas relativement peu fréquents et presque toujours intéressés (sauvegarde d’un nom ou d’une fortune).

Par contre, depuis une trentaine d’années, elle connaît un développement croissant (3.137 demandes d’adoption de 1939 à 1944 et 7,782 pendant les cinq années suivantes) ce qui tient sans doute à l’importance donnée à la famille et à l’enfant, dans la politique sociale de nos jours. On a même constaté que le nombre des adoptants éventuels dépassait celui des enfants à adopter, la diminution de ces derniers s’expliquant par les œuvres nombreuses de protection et d’assistance pré et post-natale et l’aide sociales aux filles-mères. Les demandes d’adoption portent beaucoup plus sur les filles que sur les garçons.

Le problème de l’adoption est actuellement régi en France par le décret-loi du 20 juillet 1939 et la loi du 8 août 1941, en particulier par les articles 343 et suivants (pour les années 1950).

Retenons-en que « l’adoption n’est permise qu’aux personnes de l’un ou l’autre sexe âgées de plus de 40 ans. Toutefois, elle peut être demandée conjointement par deux époux, non séparés de corps dont l’un au moins est âgé de plus de 35 ans, s’ils sont mariés depuis plus de dix ans et n’ont pas eu d’enfants de leur mariage ».

« Les adoptions devront avoir, au jour de l’adoption, ni enfants ni descendants légitimes. L’existence d’enfants légitimes par adoption ne fait pas obstacle à l’adoption. »

« Les adoptants devront avoir quinze ans de plus que les personnes qu’ils se proposent d’adopter; sauf si ces dernières sont les enfants de leur époux. » Dans ce cas, la différence d’âge minimum exigée ne sera plus que de dix années; elle pourra même être réduite par dispense du chef de l’État (art. 344).

D’autre part, si la personne à adopter est mineure et a encore ses parents, ces derniers doivent consentir tous deux à l’adoption. La loi prévoit aussi des cas particuliers concernant ces derniers (divorce, décès, etc.).

Comme des abus s’étaient produits du fait d’intermédiaires intéressés, un projet de loi a été déposé par le sénateur Schwartz le 11 avril 1957, tendant à réprimer la provocation à l’abandon d’enfants. En effet, depuis quelques années des personnes physiques ou morales n’hésitaient pas à inciter des femmes enceintes ou venant accoucher à leur abandonner leurs enfants pour les confier ensuite, moyennant des sommes parfois très élevées, à des personnes ne présentant aucune garantie, ce qui fait que certains journalistes n’ont pas hésité à parler de « marché noir des enfants » (P.M., suppl. 11 janvier 1958, n# 3).

Procédure. – L’acte d’adoption est établi par le juge de Paix ou un notaire devant lesquels doivent se présenter l’adoptant et l’adopté ou son représentant légal s’il a moins de 16 ans. L’acte d’adoption doit être homologué par le Tribunal civil du domicile de l’adoptant et le jugement prononcé en audience publique et transcrit sur le registre de l’État civil de l’adopté. La révocation de l’adoption peut être accordée par jugement du Tribunal sauf si l’adopté a moins de 13 ans.

L’adoption équivaut à une filiation légitime mais seulement dans les rapports de l’adoptant avec l’adopté et la postérité de celui-ci. Au contraire, l’adopté n’entre pas dans la famille de l’adoptant, ce qui lui crée une situation un peu fausse à l’égard de celle-ci.

Pour y remédier, le décret-loi de 1939 a créé la « légitimation adoptive » qui introduit l’adopté dans la famille de l’adoptant, absolument comme un enfant légitime. « La légitimation adoptive ne peut résulter que d’un jugement rendu sur requête en audience publique, après enquête et débat en chambre du Conseil ».

« Elle est irrévocable et ne peut être admise que si elle présente des avantages pour l’enfant… Mention de la légitimation sera faite en marge de l’acte de naissance de l’enfant, à la diligence de l’avoué, dans les trois mois du jugement ou de l’arrêt. (art. 369).

2. Le point de vue médical et psychologique

Si l’on compte bon nombre de cas heureux et menés à bien en matière d’adoption, on a enregistré cependant un certain nombre d’échecs. C’est pour les éviter que pédiatres et psychiatres se sont appliqués de nos jours à analyser les raisons de ces échecs (v. à ce sujet le livre récent de Cl. Launay : L’adoption, Éditions sociales françaises, Paris, 1954).

1. Du côté de l’adopté, le grand risque est celui d’une hérédité pathologique, car malgré les enquêtes on ignore souvent sa filiation et les tares latentes qu’il peut apporter; d’où la nécessité d’un examen neuropsychiatrique sévère qui éliminera d’abord toutes les anomalies morphologiques, les séquelles d’encéphalite, la surdimutité, l’hérédo-syphilis, l’épilepsie, etc. Un certain nombre d’organismes sociaux qui accueillent des enfants (Assistance publique, orphelinats, œuvres privées) ont un service médical qui aidera grandement à ce triage.

Plus délicate est la recherche du niveau intellectuel et des troubles caractériels. L’utilisation des tests est à priori désirable, mais elle ne donne vraiment de résultats suffisamment probants qu’à partir d’un certain âge. Il a été noté que ces perturbations caractérielles et la mauvaise adaptation étaient d’autant plus fréquentes que l’enfant adopté était plus âgé – plus de 3 ans – ou avait vécu avant son adoption dans un milieu défavorable.

C’est pourquoi on a préconisée comme desiderata une période probatoire d’essai avant l’adoption définitive et le contrôle d’un service social chargé des enquêtes et des surveillances.

En cas d’échec paraissant irrémédiable, rappelons que l’annulation d’un jugement d’adoption peut toujours être demandée, mais non celle d’un jugement de légitimation adoptive. Il s’est avéré par toutes les expériences que le maximum de réussites concernait des enfants adoptés entre 3 et 12 mois.

Diverses statistiques d’enfants adoptés amenés à des consultations (Heuyer, Desclaux et Mlle Teussière, Alliez et Jaur) ont permis d’établir le pourcentage relativement important des anomalies caractérielles ou des déficits intellectuels chez ces enfants. Cl. Launay, sur 30 enfants reconduits à l’orphelinat qui les avait placés, a trouvé 15 déficients mentaux et 15 enfants d’intelligence normale mais de comportement difficile. Sur ces 15 derniers cas, il y en avait sept dont le retour était justifié et huit autres imputables à un déséquilibre mental chez les adoptants et à une conception erronée de l’éducation.

2 Du côté de l’adoptant. – Le climat psychologique de la famille adoptante ne présente pas toujours l’attachement profond et la sérénité, la chaleur affective que donne l’intimité charnelle entre une mère et un enfant légitime. Notons aussi que les parents adoptifs, du fait des exigences de la loi, ont déjà atteint un certain âge et perdu, de ce fait, une partie de la plasticité nécessaire à l’adaptation à une situation nouvelle. C’est pourquoi certains vœux ont été formulés pour l’abaissement à 25 ans de l’âge minimum dans les cas de stérilité médicalement et formellement établie.

Beaucoup se font une conception erronée de leur rôle éducateur. Il règne souvent dans ce foyer artificiel, comme l’a souligné Cl. Launay, un état d’inquiétude et d’anxiété tenant d’une part à l’ignorance des antécédents du nouveau venu et à la hantise d’une surprise pathologique.

Certains se forgent un idéal d’enfant type, qu’ils ne voient pas se réaliser, d’où des réactions de rigidité ou d’abdication qui ne favorisent pas la création du climat nécessaire au développement psycho-affectif de l’enfant qui a besoin à la fois d’amour et d’autorité, d’une atmosphère de tutelle bienveillante. Certains parents adoptifs manifestent des exigences abusives d’affection et de reconnaissance; parfois aussi se glisse la peur de ne pas être aimés comme des parents naturels ou la rancœur de la mère qui n’a pas accepté volontiers sa stérilité.

Enfin, beaucoup de parents qui ont adopté un enfant après la mort d’un enfant légitime ne recherchent qu’une compensation affective excusable en soi, mais qui peut être pernicieuse pour le nouvel entrant.

Dernière préoccupation qui hante l’esprit des adoptants : la révélation à l’enfant de sa véritable origine et de son caractère purement adoptif. Certains parents vivent dans une terreur constante de voir l’enfant apprendre sa véritable origine; ils ont peur d’être moins aimés ce qui alimente encore leur anxiété. Ils reculent toujours l’échéance de cette révélation. Cette angoisse de tous les instants ne peut pas ne pas transparaître dans leur attitude éducative. Et pourtant, quelques enfants à partir d’un certain âge ont comme le pressentiment qu’ils ne sont pas des enfants de la chair de leurs parents adoptifs. Certains en conçoivent un sentiment d’infériorité; d’autres l’apprendront pas des indiscrétions ou des brimades de petits camarades d’école et en seront humiliés; d’autres enfin l’apprendront par une pièce officielle demandée à l’occasion d’un examen ou d’un acte civil.

Plus la révélation sera tardive, plus elle risque d’être catastrophique et les psychiatres (Heuyer, Alliez) ont signalé des cas impressionnants de réactions d’opposition et des troubles sérieux du comportement. On a même signalé des cas de suicide.

C’est pourquoi il convient d’apprendre assez précocement aux enfants adoptés, vers 4 ou 5 ans par exemple, leur vraie situation au regard de leurs parents adoptifs, en soulignant qu’ils ont l’objet d’un choix et en insistant sur le rôle protecteur de la nouvelle mère, ce qui n’a jamais provoqué de réaction fâcheuse. On a élevé ainsi l’enfant dans sa qualité d’adopté « une des principales chances de réussite étant la confiance et le sentiment de sécurité ressentis par tous les membres de la famille. » (Cl. Launay).

Ajoutons en terminant qu’on a souligné la différence flagrante entre l’adoption faite par un ménage sain et uni et celle réalisée par des célibataires. Le pourcentage des échecs dans ce dernier cas était 3 à 5 fois plus élevé que dans le premier.

Ant. Porot.

La croissance de la personnalité se fait à partir de l'inconscient (Carl Gustav Jung). Peinture d'ElenaB.
La croissance de la personnalité se fait à partir de l’inconscient (Carl Gustav Jung). Image de Megan Jorgensen.

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