Absence et carence d’autorité en psychiatrie
Absence
Variété de paroxysme épileptique caractérisée par une suspension brusque et passagère de la conscience, respectant les fonctions végétatives et le tonus d’attitude.
L’absence surprend le sujet au milieu de ses occupations ou de sa conversation, qu’il reprend généralement ensuite au point où il les avait laissées. Souvent il pâlit ; son regard est fixe, hébété ou parfois ses yeux se révulsent ; on peut observer du mâchonnement, de petits spasmes bucco- pharyngés ou palpébraux, un faible bredouillement ou même la poursuite d’une activité automatique ; mais il n’y a pas de chute ni de convulsions. L’accident ne dure que quelques secondes : il est parfois si bref qu’il peut passer inaperçu. La dissolution de la conscience, quoique très fugitive, paraît totale ; le vide de la pensée est absolu et une amnésie lacunaire aussi courte que le paroxysme lui-même en marquera ensuite la durée. Assez rarement la conscience est seulement obnubilée et permet la fixation de quelques souvenirs.
L’absence est la forme la plus typique du petit mal épileptique; elle existe seule ou alterne avec d’autres manifestations paroxystiques du petit mal ou du grand mal. Elle se traduit sur les tracés électro-encéphalographiques par des pointes-ondes bilatérales synchrones à 2,5 cycles/secondes ; dès la fin du paroxysme, en cas de petit mal isolé, le tracé redevient normal.
Il faut éviter de confondre les absences avec les « fausses absences temporales » (PAILLAS, GASTAUT et TAMALETJ traduisant la souffrance des structures temporales, uncinées ou périfalciformes (GASTAUT). Il s’agit d’accidents de durée beaucoup plus longue, pouvant comporter des phénomènes sensitifs, hallucinatoires et laissant subsister une activité automatique plus ou moins eupraxique (MARCHAND).
Ces accidents autrefois considérés comme des absences ont une traduction électro-encéphalographique bien différente : aplatissement des tracés dans la région temporale et apparition d’un rythme monomorphe durant le paroxysme et, même dans les périodes intercritiques, altérations du tracé qui peuvent être soit des pointes, soit des pointes-ondes, soit des ondes lentes.
Le traitement des absences utilise surtout (dans les années 1950) les dérivés de l’oxazolidine-dione (paradione, triméthadione, épidione), le méthyl-phényl-succinimide (lifène) et parfois l’acétazolamide (diamox). L’éphédrine, le phénylaminopropane (maxiton), la belladone, peuvent être des adjuvants utiles. Les barbiturates, que l’on a vu parfois transformer une épilepsie convulsive en petit mal, sont peu efficaces contre ce dernier : on les prescrira surtout en association avec les autres médications en cas d’accidents polymorphes et lorsque l’E.E.G. n’est pas en faveur d’un petit mal idiopathique.
J.-M. SUTTER.
Carence d’autorité
En psychopathologie infantile et juvénile, l’introduction de la notion de carence a surtout envisagé la carence affective avec ses conséquences, même lointaines (décrites souvent sous le nom « d’hopitalisme »). Mais il est une autre notion de carence presque aussi importante, celle de l’absence ou de l’insuffisance de l’autorité paternelle : cette dernière est, en effet, aussi indispensable à la formation de la personnalité de l’enfant et à sa bonne adaptation sociale que la carence affective.
Maurice Porot a bien établi et même réhabilité ce rôle du père dans la formation de la personnalité de l’enfant (L’enfant et les relations familiales, coll. Paideïa, Presses Universitaires de France, 2e, éd. Oarius, 1959 et Le père est-il encore nécessaire? In Rev. pratique de psychologie de la vie sociale et d’hygiène mentale, n.3, 1957, pp.83-92). « On tendait trop à refouler le rôle du père, dit-il, au rang d’éléments secondaires de la famille. Certains prétendaient qu’il n’avait aucun rôle à jouer avant l’âge de sept ans… Le rôle du père n’est pas absolument nul dans les premiers mois, mais il s’accroîtra en même temps que celui de la mère diminuera. Les deux rôles s’égaleront vers la septième année, puis décroîtront alors parallèlement jusqu’à ce que l’autonomie parfaite de l’enfant, but recherché, lui permette de substituer aux relations infantiles qu’il avait avec ses parents, des relations d’adulte à adulte. Et l’on peut dire que les parents n’ont vraiment réussi l’éducation d’un enfant, que s’ils lui ont appris à se passer d’eux.
L’autorité du père peut se manifester par « mère interposée » si l’on peut dire. In convient en effet que le père en toutes circonstances et en toutes hypothèses, quelle que soit son opinion personnelle, approuve aveuglément et soutienne sans aucune réticence les opinions et les décisions maternelles devant les enfants ; quitte à les discuter ensuite avec la mère en tête à tête.
« Lorsque l’intervention paternelle directe est nécessaire, elle doit, dans la mesure du possible, être nette, brève, ferme, immédiate et mesurée. Le « qui « aime bien châtie bien » populaire prouve bien qu’il n’y a pas de véritable autorité sans amour. Cet amour paternel peut tout de même se manifester autrement que dans l’exécution des actes d’autorité indispensables. Il a mille façons de se satisfaire.
« Le père abusif peut aussi commettre des excès, dont le plus honorable est le protectionnisme excessif. L’enfant est un adulte le jour où il accepte l’insécurité comme un risque normal. Un père a pour premier devoir d’apprendre à ses enfants, notamment à ses fils, le goût du risque. S’il lui appartient de veiller à ce que les dangers encourus soient proportionnés aux possibilités de réactions de l’enfant, il ne doit pas user de son autorité pour détruire en lui tout esprit d’initiative et d’audace.
« D’autres pères terrorisent leurs enfants par leurs excès verbaux, leur cruauté et même leur haine.
« Le fils, souvent sensible et hyperémotif, d’un père rigide se sent parfois impuissant à égaler ce père incompréhensif, qui a brillamment réussi dans la vie : citons le cas de l’écrivain Kafka qui a décrit de façon poignante dans sa Lettre à son père les bouleversements affectifs éprouvés en présence de ce père terrifiant. Il projetait de donner à son œuvre le titre général d’Essai d’évasion hors de la sphère paternelle.
« Les insuffisances d’autorité paternelles, qui sont certainement les plus fréquentes, sont souvent aussi lourdes de conséquences lointaines, même si leurs effets immédiats sont parfois moins visibles. Elles entraînent une structuration très imparfaite de la personnalité de la personnalité dont les conséquences sont nombreuses et graves. »
Sutter et Luccioni (S. M. P., séance du 29 avril 1957, anal. In A. M. P., 1957, p.897) ont bien étudié récemment ces carences d’autorité. Voici, d’après ces auteurs, les principales manifestations de la carence d’autorité paternelle : ce syndrome, quand il existe à l’état pur, sans ingérence constitutionnelle, se trahit d’une part par des traits affectant la structure de la personnalité et d’autre part par des traits concernant les relations du sujet avec le monde. Le caractère manque de fermeté, de constance, de résistance, avec indécision, incertitude en nonchalance, même devant le plaisir ou engouement capricieux. La conscience morale est pauvre, sans hiérarchie des valeurs, dont le conformisme étroit est accepté par routine ou par commodité. Les relations entre l’être et son milieu en sont perturbées par l’inconstance de la personnalité, qui ne sait se défendre ou s’organiser pour la lutte ou les contacts durables. Le sujet se livre parfois à des risques téméraires ou présente des attitudes de démission d’où résultent de nombreuses situations d’échec; il en résulte souvent un sentiment d’inquiétude ou d’insécurité créant des états névrotiques anxieux. En raison de cette instabilité, tout attachement profond est impossible, malgré parfois une affectivité de surface ou des élans généreux.
Un bon « signé » pour les auteurs en question est que le sujet envisage son suicide pour des motifs souvent insignifiants.
Lorsque s’ajoute à la carence d’autorité des déséquilibres constitutionnels ou des situations conflictuelles vitales, on pourra voir des accidents de névroses anxieuses auxquelles la carence d’autorité a préparé un terrain favorable à leur éclosion. Cette action prédisposante pourrait également s’étendre à certains états psychasthéniques, à d’autres névroses, en particulier : névroses préschizophréniques.
En résume, les trois éléments qui semblent aux auteurs ceux du syndrome de carence d’autorité sont : « La faiblesse du moi, l’organisation capricieuse, le sentiment d’insécurité ».
A. et M. Porot.
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