La mort de Sarah Bernhardt plonge dans la douleur la France entière
L’illustre tragédienne rend le dernier soupir dans les bras de son fils Maurice, après avoir donné l’exemple d’un splendide courage – Une perte irréparable pour la scène
La mort de Sarah Bernhardt : Paris – La France pleure aujourd’hui, sa grande actrice, Sarah Bernhardt. Paris croit à peine que celle qui lui semblait presque immortelle soit trépassée. On n’exagère point en disant que, depuis la mort de Victor Hugo, la France n’a pas été plus profondément émue qu’elle l’est aujourd’hui.
Comme l’académicien de Flers le fait remarquer dans le Figaro, Sarah Bernhardt partage probablement avec Hugo et Pasteur la distinction d’être la personne la plus illustre du dernier siècle de l’histoire de France. La divine Sarah, comme on l’appelait, fut sans doute l’une des plus grandes propagandistes de l’art et de la littérature françaises.
Il était tout naturel que le public qui en faisait son idole et qui l’aimait tant, en retour, se soit rendu en foule, dans la soirée d’hier (26 mars 1923), auprès de la maison du boulevard Pereire, où la tragédienne vécut 38 ans. Après minuit, à la fermeture des théâtres, les artistes de la scène vinrent rendre hommage à leur célèbre camarade. Parmi les visiteurs, on remarquait Sacha Guitry, Cécile Sorel, Rachel Boyer et plusieurs autres étoiles.
Belle dans la mort
Le registre des visiteurs, à la maison de Sarah Bernhardt, contient déjà trois cents noms. S’y comprennent ceux de personnages officiels, de particuliers, d’hommes d’affaires et d’acteurs.
Mme Bernhardt repose sur son lit couvert de fleurs de sa prédilection. De grosses chandelles brûlent à ses côtés et à ses pieds. Sur la petite table, on voit un crucifix et un bénitier. La chambre mortuaire se déjà remplit de fleurs que des centaines de ses amis y ont apportées.
Sa petite fille fut la première à déposer près de la morte un bouquet de lilas. L’abbé Loutil, ami intime de la célèbre actrice depuis nombre d’années, a fait remarquer que la mort lui a redonné la beauté de sa jeunesse. En fait, son visage réfléchit une impression de paix.
Dernières volontés
À midi aujourd’hui, on n’était pas encore fixé quant aux funérailles, vu que le gouvernement peut décider d’en faire des obsèques d’État. De plus, il faut tenir compte des désirs de Mme Bernhardt. Elle les a consignés dans son testament.
La défunte a maintes fois déclaré qu’elle voudrait que l’on l’ensevelisse près de sa maison, à Belle-Isle. Il s’agit d’un endroit pittoresque sur les falaises qui donnent sur l’Atlantique. Cependant, on ne sait pas encore si l’on inhumera ses restes à l’endroit précité ou dans le caveau de la famille, au cimetière du Père Lachaise, à Paris.
À tout événement, il se déroulera une cérémonie impressionnante à Paris, jeudi ou vendredi. L’opinion populaire est fortement en faveur de faire des funérailles aux frais de la nation.