Ergotisme ou mal des ardents
C’est en 945 que sous le règne de Louis d’Outre-Mer, apparaît une cruelle épidémie, à laquelle on donne alors les noms divers de mal des ardents, mal sacré, feu de Saint-Antoine, mal des enfers ou encore feu de Saint-Michel.
L’historien français Henri Sauval (ou Sauvalle, 1623 – 1676) écrit que « quantité de monde, tant à Paris qu’aux environs périrent d’une maladie appelée feu sacré ou mal des ardents. Ce mal brûlait petit à petit et consumait sans qu’on y pût remédier ».
L’hagiographe Frodoard, qui se trouvait à Paris cette année-là, affirme que les nombreux Parisiens qui en sont atteints le doivent aux incursions normandes. En outre, Frodoard décrit le mal : En l’an 945, tomba sur les humains une peste de feu si âpre et si furieuse qu’elle brûlait les corps indistinctement, tant que tout était infect de maladie. Les vivants en étant frappés étaient consumés jusqu’à mourir. Les uns se sentaient pris aux pieds, les autres, aux mains, et, des ces extrémités, le mal gagnait le cœur. Jeunes et vieux, petits et grands, hommes et femmes étaient infectés de cette peste ».
« Ce mal, ajoutent les moines du Moyen Âge, commence par une sensation incommode aux pieds, une sorte de fourmillement; de là, le mal se porte aux mains et successivement à la tête. Les malades jettent des hauts cris et se plaignent d’un feu dévorant qui leur brûle les pieds et les mains. Des sueurs très abondantes ruissellent en même temps sur tout le corps. Quelques malades deviennent totalement aveugles ou voient les objets doubles.
*
Cette maladie dure deux, quatre, huit, quelquefois même douze semaines. Avec des intervalles de repos.
Ainsi, les malades sentent leurs pieds dévorés d’un feu intérieur qui s’achève ordinairement par une mort affreuse. Une partie d’entre eux sont en proie à des hallucinations, d’autres, la bave aux lèvres, gesticulent et prononcent des phrases incohérentes.
En cette année 945, le mal ardent enlève près du tiers de la population de Paris. Il réapparaîtra en 1130 et la chasse de sainte Geneviève, qui aura la réputation en 945 d’opérer des guérisons miraculeuses, sera alors apportée à Notre-Dame de Paris. Plus tard, pour la recevoir, une chapelle, dite de Sainte-Geneviève des Ardents sera construite.
Depuis le XIXe siècle, la plupart des médecins et pathologistes reconnaissent dans le mal des Ardents un ergotisme gangreneux. Certains le considèrent comme une sorte de peste avec « bubons, charbon et pétéchie ».
Ergotisme
Intoxication due à l’absorption de céréales panifiables parasitées par l’ergot.
Fréquente au Moyen Âge et jusqu’à la fin du Ier Empire, cette intoxication est devenue beaucoup plus rare au XIXe siècle, où l’on observa cependant de grandes épidémies en Russie et en Allemagne où cette affection fut l’objet d’importants travaux (Reformatsky, Heusinger, 1855 ; Heinemann, Siemens, Jahrmarker).
On doit une excellente revue générale et clinique de cette intoxication à Costedoat (An. Méd.Psych. 1933).
On distingue deux grandes formes cliniques : la forme gangréneuse et la forme nerveuse convulsive. Cette dernière s’accompagne fréquemment de troubles mentaux. (On l’a connaissait autrefois sous le nom de « Mal des ardents »).
Les accidents nerveux dans les formes aiguës durent de quelques jours à quelques semaines. La mortalité varie suivant la gravité de l’intoxication entre 5 et 75%.
Après quelques prodromes (vertiges, céphalées, constriction et surtout angoisse) éclate souvent un délire onirique aigu avec hallucinations intenses et terrifiantes, extrême agitation, impulsions, raptus, suicide. L’épidémie de Pont-Saint-Esprit, dans le Gard (juillet-août 1951), a confirmé l’acuité et la violence de ces réactions hallucinatoires.
Dans les cas aigus, non mortels, on observe souvent des séquelles plus ou moins prolongées : bradypsychie, stupeur, persistance de quelques thèmes délirants postoniriques.
On a pu relever quelques signes neurologiques objectifs ; modification des réflexes, troubles de la sensibilité. On a trouvé à l’autopsie de certains cas des lésions d’endartérite oblitérante cérébrale et des thromboses des petits vaisseaux, parfois aussi des dégénérescences cellulaires ou des altérations des cordons médullaires.
Ant. Porot.