Les couleurs canadiennes flotteront aussi dans les airs
Le Sphérique de La Presse, cube 1200 mètres, peut enlever quatre passagers et est équipée en vue de longs voyages.
Ce reportage sur le Sphérique de La Presse a été publié dans l’édition du 30 janvier 1911, mais il a trait à des événements antérieurs.
L’aérostation est la science nouvelle qui a permis à l’homme de conquérir l’air de s’élancer comme les oiseaux, à la grande aventure, vers l’infini du ciel bleu. Cette science, comme d’autres, est redevable de beaucoup de ses progrès récents, à ces jeunes hommes audacieux et braves qui par entraînement sportif, ont reculé les bornes de l’activité humaine.
En ces derniers temps, les hommes de l’air se sont couverts de gloire. Tous les grands pays du Vieux-Monde, et les États-Unis après eux, ont institué des concours, en leur honneur. Seul le Canada n’avait encore rien fait pour cette science. La Presse se devait à elle même, par une initiative hardie et heureuse, de faire en sorte que le Canada ne se laissât distancier par aucun autre pays.
Il y a quelques semaines, La Presse envoyait donc à Paris un de ses collaborateurs, M. Émile Barlatier, rédacteur des sports mécaniques, avec mission de se procurer un ballon qui put porter haut et vaillamment, les couleurs canadiennes et françaises dans les prochains concours pour la conquête de l’air par l’homme, durant l’année qui commence.
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Mais pour être faite de bravoure, de sang-froid et d’adresse, l’aérostation repose sur l’observation, sur la connaissance des courants aériens, sur leur direction, leur force, leur consistance. C’est à l’ignorance du régime des vents qu’il faut principalement attribuer les échecs essuyés au Canada par les aéronautes.
Il fallait donc adjoindre au ballon les instruments de précision scientifique nécessaire à l’installation d’un poste complet d’observation météorologique, afin d’arriver, par une étude constante, à la connaissance parfaite des courants qui règnent dans les couches supérieures de l’atmosphère.
Le dernier courrier de France nous apporte les nouvelles les plus heureuses. M. Barlatier a rempli avec un plein succès la mission dont nous l’avions chargé. Il a pu acheter de l’Aéro-Club de France un ballon sphérique cubant 1200 mètres, pouvant enlever quatre passagers dans les airs et équipé en vue des voyages les plus longs, les plus mouvementés. Il a aussi fait l’acquisition d’un poste d’observation météorologique complet.
Ainsi qu’il convenait, l’Aéro-Club de France a donné à notre aérostat le nom de La Presse avant qu’il ne reçoive le baptême de l’air dans une ascension qui a eu en France un grand retentissement. Ajoutons que le poste d’observation météorologique de La Presse sera en communication constante avec le bureau météorologique de France et qu’il apportera ainsi sa contribution à l’étude du régime mondial des vents, aussi nécessaire aux aéronautes que l’est aux navigateurs la connaissance des courants marins.
La première ascension
Les journaux parisiens ont publié de cette ascension des comptes-rendus détaillés. M. Armand Massard, le rédacteur sportif de La Presse, de Paris, publie le récit particulièrement attachant que voici sous les titres:
Une ascension mouvementée. Enlevez le ballon. Le rédacteur sportif de La Presse monte à bord du ballon La Presse. Le départ de Saint-Cloud
Notre confrère de La Presse de Montréal (Canada), vint hier nous faire une visite et une proposition.
Ayant acheté pour le compte de son journal un ballon de 1200 mètres cubes, il nous conviait au baptême de l’air du sphérique La Presse. Nous ne pouvions manquer de participer à cette solennité sportive en l’honneur de notre excellent homonyme canadien.
Après un repas sommaire, pendant lequel s’effectuait le gonflement du ballon au parc aérostatique de Saint-Cloud, nous grimpâmes à quatre dans la nacelle, Barlatier, Louis Brouazin (de la Libre Parole), notre pilote et votre serviteur.
Lâchez tout
Pendant les préparatifs, Brouazin, vieux chauffard, interviewa anxieusement le pilote: Vous avez vos papiers? Votre permis de conduire? Celui-ci le rassura en lui exhibant son brevet de pilote de l’Aéro-Club de France.
Il était deux heures. Deux minutes après, nous filions à 55 kilomètres à l’heure, à 250 mètres de l’altitude, dans la direction nord – nord – est.
Tout va bien
Nous ne tardions pas à passer au-dessus de la forêt de Chantilly. Puis nous entrions dans une mer de nuages, à 673 mètres d’altitude. Le coup d’œil était véritablement grandiose, dans cet enveloppement d’ouate avec ses éclaircies lumineuses et ses soudains assombrissements.
Celui d’entre nous qui était chargé de faire le point, gêné par une excursion d’une demi-heure dans la brume intense supprimant les repères, dut bientôt renoncer à relever notre route sur la carte. Notre pilote, grisé, lui aussi, par la vitesse, recommanda à Brouazin et à moi de surveiller attentivement si nous apercevions la mer. Puis nous descendîmes, une grande ville était toute proche, on descendit encore. À 200 mètres, les mains en porte-voix, nous hurlâmes tous les quatre en cœur : OÙÙÙÙÙÙÙ SOOOOOOMMMES NOUS?
On ne nous entendait pas. Nous baissâmes encore de 50 mètres, et nous recommençâmes l’expérience. La voix porta. On nous répondit: Près de Noyon…
Pour compléter la lecture:
- Historique de la montgolfière au Québec
- Ballon de cigarettes
- Historique de la météorologie au Québec
- Première envolée d’un avion au Canada
- Premier congrès de l’air
- Service météorologique