Industrie forestière dans l’Outaouais

L’histoire de l’industrie forestière dans l’Outaouais au XIXe siècle

L’industrie forestière dans l’Outaouais, de plus en plus florissante, attirera un nombre accru de compagnies et d’individus bien établis, arrivant avec un capital financier intéressant. Dans certains cas, dont celui des frères Hamilton, c’est d’abord par le biais d’investissements ou de prêts que les premiers contacts avec la région s’établissent ; souvent, à défaut de non-respect des engagements de la part des débiteurs, ils décident de passer eux-mêmes à l’action. Dans d’autres cas, de grandes compagnies se présentent pour profiter du nouveau potentiel économique de la région.

Il en est ainsi de l’entreprise internationale Gilmour qui parviendra à obtenir des droits de coupe sur la rivière Gatineau au milieu des années 1840 et qui acquerra de Louis-Joseph Papineau les scieries et les droits de coupe dans la partie ouest de la seigneurie de la Petite-Nation. Cette entreprise se développe rapidement, surtout en acquérant des propriétés de la famille Wright, jusqu’à occuper l’avant-scène des producteurs de la vallée de l’Outaouais au milieu du XIXe siècle. D’autres entreprises d’envergure s’intéresseront à la région et, parmi celles-ci, il faut compter la William Price and Company de même que l’Atkinson, Usborne and Company qui, en 1845, sera propriétaire d’une scierie située aussi loin qu’à Portage-du-Fort.

Cette nouvelle importance des grandes entreprises dans l’industrie forestière se traduit par l’apparition de chantiers plus vastes après le milieu du siècle. Les recensements de l’époque font état non seulement d’une augmentation du nombre de chantiers, mais aussi d’un accroissement du nombre moyen de travailleurs dans chaque chantier.

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Toutefois, on ne peut se fier entièrement à ces données, car les recenseurs ne se rendent pas toujours, pour des raisons compréhensibles, visiter les chantiers les plus éloignés. Comme l’explique l’un d’eau, le recensement n’est pas facile en Outaouais : «  J’ai dû, raconte-t-il, embaucher un guide, traverser des rivières à gué, franchir des lacs et des montagnes. J’ai voyagé en tout 90 milles (145 kilomètres) et j’ai fait presque toute la route à pied. » On comprend donc que les recensements comportent de lacunes et c’est particulièrement le cas pour celui de 1852.

Toutefois, au milieu du XIXe siècle, il est évident que la tendance s’oriente vers la construction de chantiers de plus en plus grands. Au début des années 1850, moins du quart des chantiers de l’Outaouais comptent plus de 25 hommes ; en 1861, plus de trois chantiers sur cinq fonctionnent avec 25 hommes ou plus. En Mauricie, par contre, plus de sept chantiers sur dix emploient moins de 25 hommes. Évidemment, les plus gros chantiers sont habituellement sous la responsabilité des plus grands entrepreneurs : six sous celle des Gilmour et cinq sous celle des Hamilton. On ne sait si cette tendance se poursuit dans les décennies suivantes, mais ces grands chantiers deviennent sans aucun doute l’une des caractéristiques de la région outaouaise.

Malgré cette arrivée d’individus et de compagnies prospères, les petits entrepreneurs ne sont pas pour autant écartés du milieu forestier. S’ils sont souvent ignorés dans les recensements de l’époque, c’est que dans les documents officiels, on décrit la majorité des hommes comme des « fermiers ». En réalité, les petites entreprises continuent de se multiplier même dans les années 1840, alors que les grands entrepreneurs sont de plus en plus présents sur la scène régionale.

Industrie forestière dans l’Outaouais

Un indice de cette tendance se retrouve dans la distribution géographique des permis : en 1852, par exemple, le Bytown Office délivre 447 permis de coupe à 118 entreprises et certains de ces permis accordent de droits sur de petits lots de moins d’un kilomètre carré. D’autres, par contre, concernent de vastes étendues, dans des zones qui semblent illimitées. Le contrôle de plus du tiers des terres sous permis par Egan et les Gilmour témoigne de l’importance de ces derniers : les Gilmour obtiennent 63 permis, pour un total de 5 312 kilomètres carrés, alors que John Egan end Company en acquiert 71, pour un total de 5 253 kilomètres carrés.

Les quatre autres grandes entreprises regroupent les Hamilton, Joseph Aumond, John Supple et George B. Hall qui ensemble détiennent 224 permis pour 16 429 kilomètres carrés de territoire. Ensemble, ces six grandes compagnies contrôlent plus de la moitié de toutes les concessions allouées par le Bytown Office.

Constituant toujours une part importante de l’industrie forestière, les petits entrepreneurs réussissent à se frayer un chemin à travers les plus grands et ce, en concentrant leurs activités dans des secteurs spécifiques de la région, même s’ils se retrouvent généralement aussi ailleurs. Baxter Bowman, par exemple, s’implante solidement dans la vallée de la Lièvre au début des années 1820. Il y dirige de grandes exploitations agricoles aussi bien que d’imposantes scieries qui emploient une centaine d’hommes à la fin des années 1840. Il fait également des affaires sur la rivière du Lièvre, au nord de High Falls, et ouvre des chantiers le long de la rivière des Outaouais.

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(Histoire de l’Outaouais. Sous la direction de Chad Gaffield. André Cellard, Gérald Pelletier, Odette Vincent-Domey, Caroline Andrew, André Beaucage, Normand Fortier, Jean Hawrvey, Jean-Marc Soucy. Centre de la recherche de l’institut nation de la recherche scientifique, 1994).

Voir aussi :

Forêt dans l'Outaouais. Photo de Megan Jorgensen.
Forêt dans l’Outaouais. Photo de Megan Jorgensen.

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