Le rôle de l’État dans le développement de la région de l’Outaouais au XIXe siècle
L’accélération du développement de la région débute dans les années 1820 et fait suite à la détermination du gouvernement britannique de peupler l’Amérique du Nord afin de soutenir la présence impériale sur le continent. Dans les années qui suivent la guerre de 1812, ces autorités croient qu’une telle population servirait, en cas d’hostilités avec les États-Unis, de barrière contre les incursions de l’ennemi et, en temps de pais, préviendrait l’empiétement d’intrus des États voisins.
Après le début du siècle, in n’est donc pas étonnant de constater que la politique officielle encourage plutôt l’arrivée d’immigrants britanniques à celle d’immigrants en provenance des États-Unis.
Avec la guerre de 1812, la frontière américaine n’est pas modifiée mais les nombreux combats témoignent de la vulnérabilité potentielle de l’Amérique du Nord britannique, surtout à l’ouest de Montréal. Dans l’espoir de s’assurer un moyen de transport entre Montréal et les communautés naissantes du Haut-Canada, les Britanniques construisent le canal Rideau et, même si les craintes d’affrontements militaires s’avèrent non fondées, le canal, ouvert en 1832, jouera un rôle majeur dans le développement de la région. La rivière Outaouais représente alors l’un des côtés d,une importante route commerciale triangulaire où les canaux permettent de relier Montréal à Kingston.
Ce triangle commercial conservera son importance jusqu’au moment de l’amélioration de la voie navigable du Saint-Laurent à la fin des années 1840, donnant alors à Montréal un accès direct au lac Onatrio. Mais le canal Rideau continuera tout de même de faciliter le commerce, surtout celui du bois de sciage. Avec la construction d’autres canaux plus petits le long de la rivière des Outaouais, il rendra la région de plus en plus accessible au monde extérieur, soit à la vallée du Saint-Laurent, aux États-Unis et à Grande-Bretagne. Cette amélioration des moyens de transport facilite l’arrivée de milliers de nouveaux colons qui affluent dans la région après les années 1820.
Les lieux de coupe
À la même époque, le gouvernement britannique commence à réduire les privilèges ayant auparavant favorisé le commerce du bois. Dans les années 1820 et plus spécialement à partir de 1842, des coupures tarifaires successives affaiblissent – jusqu’à l’abolition de tous les avantages en 1860 – la position privilégiée dont jouissaient les exportateurs dans la vallée de l’Outaouais sous le système colonial.
Bien que les principaux producteurs dénoncent cette politique avec amertume et prédisent l’effondrement de leur commerce, ces nouvelles initiatives gouvernementales visent à assurer à l’industrie forestière une plus grande stabilité et plus de sécurité dans une région où règnent fréquemment la confusion et les conflits au sujet des droits de coupe.
Dans le premier quart du XIXe siècle, on ne peut légalement couper du bois que sur les terres privées, sauf dans le cas de contrats passés avec la marine nationale qui touchent les terres de la Couronne. Toutefois, les lieux de coupe occasionnent beaucoup de confusion dans cette région peu peuplée et insuffisamment arpentée. De plus, en raison de systèmes juridiques différents entre le Haut et le Bas-Canada, les recours concernant les plaintes pour usurpation de territoire sont souvent compliqués et inutiles. Même les représentants gouvernementaux ne sont pas toujours clairs sur la façon d’agir en cas de coupe illégale sur les terres publiques.
Au début des années 1820, la politique de l’État consiste à saisir puis à vendre les trains de bois que l’on juge avoir été coupés illégalement. Des débats passionnés sur l’identification des lieux de coupe conduisent, après quelques années, les marchands à accuser le gouvernement de nuire au commerce du bois. Les saisies s’accentuent en 1824 et 1825 et l’on blâme alors les autorités gouvernementales qui « semblent dresser tous les obstacles possibles devant ce commerce ». Le gouvernement reconnaît bientôt que cette politique n’aide personne, même pas lui-même, et qu’elle incite à la violence.
En 1826, les lieutenants-gouverneurs du Haut et du Bas-Canada s’entendent pour adopter une nouvelle politique permettant de couper le bois sur tout territoire non arpenté de la vallée de l’Outaouais, à condition de payer les droits au gouvernement. Dans les décennies suivantes, cette approche sera révisée et l’introduction de limites de coupe marquera, pour le gouvernement, une période de plus grandes réglementation visant à réduire les obstacles au commerce en offrant plus de sécurité aux entrepreneurs engagés dans la vente de bois aux marchés intérieurs ou extérieurs.
Les producteurs seront encore mieux protégés avec la création de la province du Canada, en 1841, qui adoptera la même réglementation sur le commerce du bois des deux côtés des Outaouais. À partir de cette date, le Bytown Timber Office agit à titre de représentant du département des Terres de la Couronne pour toute la vallée de l’Outaouais, clarifiant par le fait même la situation légale de tous ceux qui sont engagés dans ce commerce. Ce bureau émet alors des permis de coupe dans des secteurs déterminés afin de contrôler l’expansion de l’industrie forestière.
(Histoire de l’Outaouais. Sous la direction de Chad Gaffield. André Cellard, Gérald Pelletier, Odette Vincent-Domey, Caroline Andrew, André Beaucage, Normand Fortier, Jean Hawrvey, Jean-Marc Soucy. Centre de la recherche de l’institut nation de la recherche scientifique, 1994).
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