La reine Wilhelmine de Hollande en visite officielle au Canada
La capitaine canadienne a reçu aujourd’hui la visite de la souveraine de Hollande – la foule à chaudement accueilli cette reine qui a connu les horreurs de la guerre actuelle – Un programme très chargé.
Ottawa, 11 août 1942. Pour la seconde fois en trois ans, la capitaine canadienne a reçu une reine. Arrivée à une heure cet après-midi, la reine Wilhelmine, de Hollande, a eu un accueil officiel qui évoqua d’emblée quelques-unes des phases les plus émouvantes de la visite de la reine Elizabeth d’Angleterre, à l’été de 1939.
Tandis que la souveraine britannique est venue dans la capitale canadienne quelques mois à peine avant la déclaration de la guerre la plus terrible de toute l’histoire, la reine des Pays-Bas nous est arrivée au moment le plus tragique de ce gigantesque conflit, alors que la révolution gronde aux Indes, que la Russie chancelle sous les coups forcenés des hordes nazies et que les armées d’Hitler occupent toujours la Hollande.
Le premier ministre du Canada, le très honorable Mackenzie King a souhaité la bienvenue officielle au nom de notre pays à la vénérable souveraine des Pays-Bas. Et Son excellence le comte d’Athlone, gouverneur général, l’a accueillie au nom du Roi. Son altesse la princesse Alice était au côté du vice-roi pour la réception de la reine de Hollande.
Afin d’écarter la foule qui se pressait de toutes parts dans la gare Union et à ses abords, des détachements de la Gendarmerie royale agissant comme cordons de police.
Et dès le moment où elle quitta le train qui l’amenait des États-Unis jusqu’à ce qu’elle fut montée dans la voiture vice-royale qui la conduisait à Rideau-Hall où elle séjournera pendant quelques jours, la reine Wilhelmine a été longuement acclamée par la population outaouaise.
La souveraine exilée n’aura pas un instant de répit durant son séjour dans la capitale canadienne.
En effet, elle reçoit au début de la soirée, à une conférence presse, les journalistes canadiens et étrangers. Puis on donnera plus tard, ce soir, un grand dîner à Rideau-Hall en l’honneur de la reine de Hollande, dîner qui sera suivi d’une réception officielle.
À 11 heures, demain matin, la reine Wilhelmine visitera l’aéroport et l’école d’aviation d’Uplands, situés en bordure de la capitale canadienne.
Puis, à 4 heures 30, demain après-midi, la souveraine des Pays-Bas recevra le major Carp et quatre soldats du camp d’entraînement militaire de Stratford, Ontario.
Finalement, à 5 heures de l’après-midi, elle visitera le parlement canadien.
Le programme de la visite de la reine Wilhelmine se terminera par un dîner donné à 8 heures, demain soir, au Rideau-Club, par le premier ministre Mackenzie King au nom du gouvernement du Canada.
La souveraine de Hollande était accompagnée de l’escorte suivante : la baronne Van Boetzelser dame d’honneur; de M. Jonkheer Georges Van Tets Van Goudrian, secrétaire principal; du général L.-H. Van Oyen, aide-de-camp; de l’honorable E.-N. Van Kleffens, ministre des Affaires étrangères de Hollande; du baron C.-W.-A. Van Haersolte, secrétaire privé de l’honorable Kleffens; de Mme Zoumekoff, chambrière de la reine; du capitaine Sesink et d’un autre officier de police.
La reine de Hollande reçoit les journalistes à Rideau Hall
La souveraine des Pays-Bas passe quelque jours au Canada, l’invitée du gouverneur-général et de la princesse Alice, sa cuisine – Sa Majesté parle en français aux Canadiens français.
La Reine Wilhelmine, de Hollande a donné, hier soir, sa première interview aux journalistes en près de 40 de règne sur le trône des Pays-Bas. Elle en a profité pour exprimer l’admiration la plus profonde de rôle que le Canada joue dans la guerre actuelle.
La conférence de presse avec la souveraine hollandaise eût lieu à Rideau-Hall, quelques heures après son arrivée dans la capitale canadienne. Elle venait directement des États-Unis où elle passe une partie de l’été à Lee, Massachusetts avec sa fille, la princesse Juliana, et ses petites-filles.
Aux 20 journalistes qui se tenaient à une distance respectueuse la souveraine hollandaise fut tout d’abord une déclaration préparée à l’avance et répondit ensuite à des questions que les journalistes canadiens lui avaient fait parvenir par écrit : dès avant sa venue à Ottawa.
D’une voix douce et lente, la Reine Wilhelmine relata brièvement les récits des souffrances de son peuple qui sont parvenus à ses oreilles.
Lorsqu’on lui dit que le Canada était impatient d’aider à soulager les souffrances de son peuple, elle se contenta de dire avec émotion : « Je le sais ». Puis elle ajouta que ce serait une tâche extrêmement difficile que de secourir les Hollandais parce que les vivres qu’on pourrait leur envoyer tomberaient certainement entre les mains des Allemands.
Elle affirma que les forces d’occupation japonaises dans les Indes Néerlandaises, étaient très dures pour ces peuples de l’Extrême Orient. « Il en résulte », dit-elle, que des combats locaux de guérilla se continuent encore. La loyauté de ces gens m’honore beaucoup, car ils veulent continuer à rester une partie intégrale du Royaume de Hollande. »
Elle n’a pas tari de louanges sur la réception enthousiaste qu’on lui a faite aux États-Unis non plus que sur l’effort de guerre américain.
À l’issue de la conférence de presse la Reine posa pour les photographes, en compagnie du gouverneur-général, le comte d’Athlone, et de la princesse Alice qui assistaient à l’interview avec les journalistes canadiens. Notons en passant que la princesse Alice est la cousine de la souveraine de Hollande.
Message en français
Parlant cinq minutes, hier soir, à toute la population canadienne sur un réseau radiophonique national, la Reine Wilhelmine s’est adressée directement pendant quelques minutes aux Canadiens français. S’exprimant en notre langue la souveraine des Pays Bas dit qu’elle croyait qu’il était impérieux de laisser un message urgent au « Canada-Français qui s’est uni à ses compatriotes du Canada- anglais dans la lutte contre l’ennemi commun. »
« Comme moi », déclara-t-elle aux Canadiens français. « vous savez que la liberté, la religion et tout ce qui nous est cher seront dans un danger morte aussi longtemps que le nazisme sous toutes ses formes n’aura pas disparu de la terre.
« Dans cette lutte immense, vous possédez l’immense avantage d’avoir conservé intégralement vos organismes de guerre. Quant au gouvernement de Hollande, il fait ce qu’il peut. Il travaille sans relâche à former de nouveaux soldats, de nouveaux marins, de nouveaux aviateurs.
Mais c’est à vous qu’il appartient d’apporter une immense contribution à la victoire qui sera la victoire du Canada tout aussi bien que celle du monde civilisé. »
Dans ses paroles en anglais, la Reine Wilhelmine rappela notamment que la Hollande occupée n’avait qu’un but unique : « Recouvrer sa liberté. ».
(12 août 1942).
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