
À l’Université de Columbia
Notes et souvenirs par Juilette Chabot (mai 1937)
Il est intéressant de séjourner est intéressant de séjourner dans une université étrangère ; on peut y étudier l’organisation générale, tout en y poursuivant un cours de spécialisation.
À ce double point de vue, Columbia offre des avantages bien particuliers. Après y avoir passé un certain temps, on en revient avec un désir toujours plus vif de voir enfin s’ériger et s’organiser d’une façon digne du peuple canadien-français l’UNIVERSITE DE MONTREAL, laquelle, selon l’expression même de son vice-recteur, deviendrait « un centre américain de culture et de civilisation française ».
Récemment, j’eus la bonne fortune de m’inscrire comme étudiante à l’École de Bibliothécaires de l’Université de Columbia. La plupart des Facultés offrent également avec avantage ces cours spéciaux de quelques mois, pendant lesquels on peut préparer certains degrés par différentes étapes.
Les cours d’été jouissent d’une vogue extraordinaire puisqu’ils attirent chaque année environ 10,000 étudiants de toutes les parties du monde.
Pour s’en convaincre, il suffit de fréquenter quelque peu la « Maison internationale ». Celle-là magnifiquement située sur le bord de la Rivière Hudson est un don « Rockefeller » et rappelle la « Cité universitaire de Paris ». La rencontre de ces étudiants étrangers donne un peu l’impression d’un long voyage ; on parle de tous les pays du monde, sans oublier le Canada français… Dès le premier jour de l’immatriculation, une activité fébrile règne partout à l’Université ou dans les environs. Les diverses résidences se peuplent, notamment : La Maison française, La Maison internationale, La Casa Italiana, La Deutsches Haus…
Vers la 116e rue, vous apercevez une soixantaine de « buildings » et tout autour d’immenses terrains de jeux et des immenses jets d’eau ; ce sont les Facultés, laboratoires et bibliothèques, en un mot, le vrai centre universitaire. Néanmoins, la médecine occupe un local en dehors de ce groupement puisqu’elle se trouve dans le centre médical où sont les hôpitaux et le « Rockefeller Institute of Médical Research ».
Pour l’inscription, chaque étudiant doit se présenter tout d’abord à la Faculté qui l’intéresse afin d’y faire approuver son programme d’études. En second lieu, il se dirige vers un édifice central ou University Hall. À cet endroit, le dossier de chacun des élèves est préparé à l’avance ; toutes les enquêtes préliminaires ont été faites dans les diverses institutions où l’étudiant est passé auparavant.
L’aspect de ces deux immenses bibliothèques est vraiment saisissant. Tandis que la première semble plus déserte, ne contenant d’ailleurs que des manuscrits précieux et ouvrages écrits dans les langues orientales, la seconde est littéralement envahie…

L’ancienne bibliothèque appelée « Low Library » où sont conservés les documents anciens et précieux, ainsi que les ouvrages écrits en langues orientales. Photographie de l’époque.
Ce splendide édifice construit selon le style de la Renaissance, contient près d’un million d’ouvrages de références à l’usage des étudiants de l’Université.
Le catalogue général de Columbia, placé à côté de celui de la Bibliothèque nationale de Washington occupe une salle centrale. Tout autour, sur les rayons ouverts, se dressent environ 20, 000 ouvrages de références, tels que dictionnaires, encyclopédies, bibliographies, annuaires statistiques, etc. Les autres ouvrages plus particuliers sont répartis dans une trentaine de bibliothèques spécialisées contenant livres, journaux, revues particulières à chaque science. En outre, une immense salle de périodiques renferme plus de mille revues d’intérêt général et publiées dans les diverses langues ; le tout est placé dans un ordre alphabétique strict.
Au sous-sol, Columbia possède une succursale de la grande bibliothèque publique de New-York. Toutefois, il est bien entendu que les étudiants ont accès à la bibliothèque centrale de la 42e rue possédant au-delà de deux millions de volumes. N’est-ce pas là une atmosphère intellectuelle des plus intéressantes et offrant des conditions de travail des plus avantageuses ?
L’École de Bibliothécaires – La « Library School » de l’Université de Columbia est merveilleusement bien organisée. Tout le cinquième étage de la Bibliothèque lui est destiné.
Dans ces immenses couloirs, il faut tout d’abord s’orienter : à l’ouest, se trouvent les bureaux de l’administration et les salles de réception ; au sud, s’échelonnent les classes où les élèves reçoivent les différents cours ; à l’est, ce sont les laboratoires où l’on classifie et catalogue les volumes ; au nord, la bibliothèque spécialisée où se font les recherches.
Cette dernière contient 21,000 ouvrages techniques sur la bibliographie, la bibliothéconomie, les catalogues d’achats, revue de livres 4 t près de deux mille périodiques et revues sur les matières qui s’y rapportent.
C’est là qu’il faut voir l’ardeur de certains bibliothécaires travaillant avec une activité dévorante ; plusieurs d’entre eux sont déjà très compétents, car ils se dirigent vers les degrés supérieurs
de la maîtrise ou du doctorat. La visite des bibliothèques est aussi fort intéressante. New-York est remarquablement favorisé sur ce point. Le distingué directeur de l’École, Dr C. C. Williamson, dans son dernier rapport de juin 1936, le rappelle en ces termes :
“New York City provides an almost ideal location for a library school. Here, in the first place, are to be found literally hundreds of libraries and library Systems of all types and sizes. Nearby suburban and rural communities complete the entire range of library services required for student observation and participation. It is also a great advantage for a library school to be located at the center of book production and distribution of the country. Librarians need likewise the acquaintance which they can get in New York of the work of progressive museums and other educational, and artistic activities add immeasurably to the advantages any librarian-in-training may realize from a period of residence in New York City… »
Aussi, depuis dix ans, des élèves y sont accourus de toutes les parties du monde. Du côté américain, tous les États, sauf un, envoyèrent des étudiants à cette école ; 23 pays y furent représentés, 32 étudiants étant venus de la Norvège, 21 du Canada et 13 de la Chine. N’est-ce pas là une preuve évidente que, partout et de plus en plus, on songe à l’efficacité d’une organisation scientifique des bibliothèques.
Il ne faudrait cependant pas passer sous silence le dévouement et la haute compétence des professeurs de cette Faculté. Ces maîtres possèdent, chacun dans sa sphère particulière, une technique impeccable basée tant sur la science que sur l’expérience.
De plus, ils portent un intérêt tout à fait particulier à chacun de leurs élèves. Au risque même de blesser l’humilité d’un certain bibliothécaire de l’Université d’Ottawa, étudiant à Columbia en juillet 1936, j’oserai dire qu’il a suscité l’admiration non seulement de ses camarades d’études mais encore de ses professeurs. Cette fois, c’est un Canadien français qui a brillé parmi les Américains, non seulement par son ardeur au travail, mais encore et surtout par une solide culture classique et une formation bien française.
Ce n’est pas sans raison que, récemment, les nôtres furent profondément blessés à la suite de certaines réflexions « personnelles » d’un professeur de journalisme à Columbia. En dépit même de cette ombre au tableau, on ne peut s’empêcher d’admirer une institution qui occupe un rang d’honneur parmi les trois plus grandes universités de l’Amérique du Nord.
Il est bien entendu que dans plusieurs sphères de l’activité intellectuelle, nous n’avons rien à envier à nos voisins des États-Unis. Cependant, on peut y puiser, avec avantages, certaines connaissances professionnelles des plus intéressantes et par là même servir la noble cause du « savoir » aucunement limitée à un pays, mais s’étendant à toute l’humanité pensante et agissante.

La nouvelle bibliothèque contenant au-delà d’un million d’ouvrages de références à l’usage des étudiants de l’Université de Columbia. Un étage supérieur est entièrement occupé par les classes et laboratoires destinés à l’École de Bibliothécaires, aux documents anciens et précieux, ainsi orientales. Photo de l’époque.
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