Les tribunaux, chronique judiciaire

Chronique judiciaire du 23 juillet 1969, les tribunaux québécois n’ont pas de répit

Il aurait volé un « paquet de troubles »

Un jeune homme de 22 ans, Michel Joly, qui était accusé de vol d’auto, a réussi à apitoyer la cour elle-même, hier après-midi, en donnant des précisions sur l’objet de son piteux larcin.

Il précisa en effet que la voiture qu’il avait dérobée, une Corvair, ne se retrouvait même plus sur le marché, et que, d’autre part, l’exemplaire qu’il s’était approprié ne valait pas plus de $150, au grand maximum.

Comme quoi, son expression, c’est rien « qu’un paquet de troubles » qu’il avait volé. Et qui aurait pu lui causer tous les embêtements imaginables.

Pour ne pas ajouter à cela, le tribunal, lui, lui accorda une sentence suspendue.

Le mari sort de la piscine pour arrêter le cambrioleur

Léo Astroff, qui ne peut se décider à quitter le métier de cambrioleur en dépit de ses quatre vingt-trois ans bien sonnés, a été cité à son examen volontaire, hier après-midi, pour son dernier délit du genre, par le juge Jean Tellier.

Et cette fois encore, le vieillard presque aveugle, auquel aucune porte ne semble pouvoir résister, et aucune serrure assez solide, aura été un peu malchanceux dans son entreprise coutumière de s’approprier sans difficulté quelques objets de valeur.

Il y a deux semaines, il sonna à la porte d’un domicile de la rue Goyer, frappa ensuite pour être sûr qu’il n’y avait personne à l’intérieur. Puis, n’obtenant aucune réponse, il y alla de son petit jeu de la feuille de celluloïd. Son outil favori, sinon exclusif, depuis quarante-quatre ans exactement.

De l’intérieur, toutefois, la maîtresse de céans surveillait son manège par l’œil-de-bœuf de la porte d’entrée.

Lorsqu’elle fut sûre que le « petit vieux » était décidé à entrer sans sa permission expresse, elle s’en fut sur le balcon et appela son mari (un géant de plus de six pieds) qui se refaisait les muscles dans la piscine.

Le grand monsieur tout ruisselant était là en quelques secondes ; et il n’eut évidemment aucune difficulté à retenir l’octogénaire sur place, en attendant la police.

En cour, par ailleurs, le procureur de la Sûreté municipale, Me Maurice Laverdure, n’eut aucune difficulté à faire citer le prévenu à son procès, avec cette preuve quasiment faite sur mesure.

Pharmacien en possession de médicaments rejetés

Un pharmacien de Saint-Laurent, propriétaire de la pharmacie sise au Centre Médical Ste-Croix, sur le boulevard du même nom, a comparu en correctionnelle, hier après-midi, sous trois accusations différentes, en marge de la possession d’une grande quantité de médicaments contrôlés trouvés dans son domicile.

Et qui, selon le procureur-chef de la police fédérale, Maître Louis-Philippe Landry, auraient été impropres à la consommation, et même rejetés pour cette cause par la compagnie SKF, qui les avait produites.

Bien plus, il appert que c’est du dépotoir central de la ville de Montréal, rue Dickson, que les quinze livres d’amphétamine qu’il conservait dans une garde robe, seraient venues, par un « canal » que l’on ignore jusq’à maintenant.

Devant le juge Émile Trottier, le prévenu dans la quarantaine a toutefois nié sa culpabilité à toutes les accusations portées contre lui, et son procureur, Me André Delongchamps, a lui-même offert un dépôt de mille dollars pour assurer sa présence à son procès dans un cas, et à ses enquêtes préliminaires sous les deux autres accusations.

L’accusé, Ronald Savoie, est en effet accusé de n’avoir pas entré dans les livres de sa pharmacie cet afflux d’amphétamine presque phénoménal, d’avoir eu des produits conservés dans des conditions non hygiéniques, et de les avoir possédés dans le but d’en faire le trafic.

Pour sa part, Me Landry a convenu que ce dépôt semblait raisonnable, en soulignant que l’inculpé était au courant depuis plusieurs mois que l’on faisait enquête sur ses agissements, et qu’il ne s’était aucunement défilé au moment de son arrestation. Et le tout a été reporté au 30.

L’argent n’est pas entièrement dans les mines

Ceux qui croient que, pour faire fortune, il faut se diriger vers le nord, (vers l’Ontario, par exemple), n’ont pas consulté Roland Dubreuil, à ce sujet.

Jusqu’à ces derniers jours, ce jeune homme de 26 ans était employé de la mini Inco (extractrice d’or) à Sudbury, dans la province voisine.

Mais, samedi dernier, cette mine fermait ses portes, à la suite d’une grève, et le jeune homme rappliquait à Montréal, apparemment aussi « cassé » qu’une courroie de convoyeur. Lorsqu’elle est brisée, évidemment.

Arrivé ici, il ne prit toutefois pas de temps à récupérer ce qu’il n’avait pu amasser sous terre, là-bas.

Et, selon la police, il aurait avisé la première secrétaire du nord de la ville qui se dirigeait vers une banque avec un sac gonflé de $600, et le lui aurait prestement arraché.

Pour son malheur, toutefois, tous les garçons de quinze ans n’ont pas encore les yeux cachés derrière leurs chevaux.

Et deux jeunes lurons frais rasés se mirent à sa poursuite, des citoyens les aidèrent, la police arriva à la rescousse, et on trouva le prévenu tapi sous une auto, ayant déjà abandonné son sac depuis un moment.

Devant la cour, le prévenu nia toutefois sa culpabilité sur toute la ligne, et son procureur, Me Claude Melançon, obtint qu’il soit remis en liberté sous deux cautionnements de $950 jusqu’à son enquête.

En soulignant principalement que ses délits passés étaient décidément mineurs, et que celui dont il était accusé ne comportait aucun élément de violence.

Un fraudeur en tapis

Un individu de 47 ans, qui aurait gradué réclamant des délits mineurs aux fraudes réellement majeures, a comparu devant le juge Émile Trottier, hier après-midi, sous l’accusation d’avoir commis un autre de ces délits à la fois à Montréal, Saint-Georges de Beauce et à Saint-Ours.

Où qu’il ait été, en tout que le prévenu, aurait définitivement désiré avoir… quelque chose sous les pieds. Et préférablement quelque chose de moelleux.

Car c’est quelque $32,500 de tapis qu’il aurait ainsi obtenu frauduleusement d’une compagnie locale évidemment spécialisée dans les sous-pieds de prix.

Devant la cour, Ambroise de La Sobil, qui peut évidemment avoir des prétentions au grand confort, avec un tel nom, a nié toute culpabilité, et son enquête préliminaire reportée à mardi prochain, tout cautionnement lui a été refusé, entre-temps.

Car même si on sait qu’il aime marcher sur les tapis, on ne sait définitivement pas où se trouvera la prochaine carpette qu’il foulera, si on le laisse en liberté.

L'homme ingrat envers son semblable l'est envers Dieu. Photo de Megan Jorgensen.
L’homme ingrat envers son semblable l’est envers Dieu. Photo de Megan Jorgensen.

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