Symposium sur l’enfant québécois

Symposium sur l’enfant québécois : On devrait l’intégrer à l’école dès l’âge de 3 ans, surtout en milieu défavorisé

La province a fait un effort extraordinaire, depuis 5 ans, pour intégrer au système scolaire public des classes maternelles pour les enfants de 5 ans.

(Il y a eu confusion dans un reportage de LA PRESSE, samedi, le 26 octobre 1968. Le chiffre de 2 p. 100 a été avancé comme représentant le pourcentage des enfants de 5 ans qui fréquentent la maternelle. Nos lecteurs auront compris qu’il s’agit des enfants de moins de S ans, inscrits dans des maternelles ou garderies privées. Pour les maternelles subventionnées par le ministère de l’Education,à l’usage des enfants de 5 ans, le chiffre est très élevé, pour une province qui s’est éveillée si tard au rôle de la maternelle dans la préparation à l’école. En 1968, 84 p. 100 des enfants de 5 ans au Québec fréquentent la maternelle. Ceux qui en sont privés sont les enfants qui demeurent dans des centres où la population n’est pas assez dense, ou encore des centres trop éloignés où l’on n’a pas réussi à importer des jardinières diplômées).

Les éducateurs se penchent maintenant sur le sort des enfants plus jeunes. Ils sont inquiets des échecs que l’école réserve aux enfants qui grandissent dans un milieu intellectuellement pauvre. Un milieu qui souvent les prive aussi affectivement.

Les parents dépassés

Les professeurs en éducation des universités du Québec, réunis samedi à l’université Sir George Williams pour discuter de cette inquiétude, ont posé clairement la question : quand la famille ne parvient pas à nourrir un enfant, dans tous les sens du mot, quand elle ne peut pas satisfaire ses besoins affectifs, ni son besoin de connaître, besoin qui ne fait que croître jusqu’à l’âge de 6 ans, qu’est-ce qu’on peut faire pour changer la situation ? Peut-on agir sur la famille, où n’est-i! pas plus simple de prendre l’enfant en charge, par l’intermédiaire de l’école ?

Les sociologues présents à ce colloque semblaient prendre pour acquis que, pour les adultes, la situation est si difficilement récupérable, qu’il vaut mieux s’attacher à sauver la génération montante.

La bourgeoisie avant tout ?

Mais une autre question se pose. Le système scolaire a été conçu par des gens de classe moyenne, pour véhiculer des valeurs de la classe moyenne. Ce sont clés gens de classe moyenne qui le font fonctionner, et qui ne se rendent
pas toujours compte que leurs valeurs ne sont pas les seules possibles.

Si tant d’enfants ne peuvent pas s’adapter à ces valeurs, ils transportent à l’école une toute autre façon d’être, peut-être est-ce l’école qu’il faut remettre en question. Et de façon beaucoup plus radicale qu’on ne le fait actuellement, avec la course aux méthodes nouvelles.

Comme le faisait remarquer une participante : « Qu’y a-t-il de si merveilleux à nos valeurs bourgeoises qu’il faille les imposer à tout le monde ? »

Situation urgente

« Nous savons tellement de choses, depuis si longtemps, et nous faisons tellement peu » a fait remarquer un sociologue au cours des discussions de samedi. À quoi on lui a répondu que tout ce bagage accessible aux professeurs d’université, surtout quand il est question de psychologie moderne, est bien peu accessible à ceux qui en ont le plus besoin, c’est-à-dire aux pères et mères de familles.

Plusieurs des groupes de discussion ont insisté, quand est venu le temps de faire des recommandations, pour que les parents soient mis dans le coup. Qu’ils soient informés de choses aussi simples que le fait que la famille ne suffit plus à un enfant de trois ans, et que’celui-ci aborde l’âge de la socialisation. Non seulement il faut une variété de classes pour fournir la vie de groupe aux enfants de 3 et de 4 ans, mais il faut que les parents soient convaincus que ces classes seront une bonne chose pour leurs enfants.

Il faudra lentement faire disparaître la conviction qu’ont beaucoup de parents que leur devoir est de couver les petits jusqu’à l’âge traditionnel de l’école.

Avec une conscience qui les honore, les professeurs d’université se sont d’abord adressé des recommandations à eux mêmes : que les universitaires soient sensibilisés au besoin de former un personnel compétent pour les enfants que l’on considère aujourd’hui comme des pré-scolaires. Pour être réalistes, ils ont fait la constatation suivante : si les enfants de 4 ans de la région de Montréal étaient intégrés aux écoles dès l’année prochaine, il faudrait prévoir 12,000 professeurs nouveaux, seulement pour ce groupe.

Collaboration indispensable

Des recommandations s’adressent aussi aux autres « ressources de la société » qui ont à réaliser l’urgence qu’il y a soit à préparer des enfants qui peuvent s’intégrer au système scolaire, soit à chambarder ce système.

Ces autres ressources sont : les centres de formation des maîtres, les agences sociales, Radio-Québec, Radio-Canada, l’Office du Film, la Compagnie des Jeunes Canadiens, etc… Il faudrait prévoir aussi une centrale pour comparer les expériences, les mettre en commun, poursuivre des recherches sur l’intérêt des jeunes enfants, sur leurs réactions aux méthodes audio-visuelles, à la radio, à la télévision, sur les possibilités des enfants handicapés, sur la formation d’assistantes-jardinières, peut-être par l’intermédiaire des CEGEP, etc …

Les organisateurs du symposium de samedi étaient M. Christopher Hawkins, président de l’APEUG (association des professeurs en éducation des universités du Québec), M. Marc Braham, professeur à Sir George Williams, et Mme Arlette Joffe, de l’Université de Montréal, qui a présenté au cours de la journée un travail sur les classes préscolaires dans les groupes ethniques minoritaires.

À l’heure du déjeuner, les congressistes ont entendu un exposé de M. Miallaret, président de l’Organisation mondiale d’éducation préscolaire.

(Cette nouvelle date du lundi, 28 octobre 1968).

Pour compléter la lecture :

Une jeune fille digitale. Illustration de Megan Jorgensen.

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