Le Radeau L’Égaré touche terre après 88 jours sur l’océan
Le radeau L’Égaré II a fait ce matin, le 21 août 1956, une entrée triomphale sous un radieux soleil dans le port de Falmouth, près de la pointe des Cornouailles, en Angleterre.
L’embarcation était remorquée par deux chaloupes de sauvetage, celle du Lizard et de Falmouth, qui avaient conjugué leurs efforts pour haler jusqu’au port le radeau et ses trois occupants.
Tous les navires se trouvant dans le petit port ont salué de quelques coups de sirène l’arrivée des intrépides navigateurs. Sur les quais, plusieurs centaines de personnes, dont de nombreux estivants, s’étaient rassemblés pour les voir.
En abordant le radeau, les reporters trouvèrent un tas de linge sale sur lequel dormaient deux chats, l’un noir, baptisé «Poux», et l’autre gris, «Griton». Un peu partout gisaient des caisses vides attachées aux rendis par des cordes de chanvre. En plus, au sommet du mât flottaient encore trois drapeaux : celui à fleur de lys de Québec, l’Union Jack et le pavillon de la Nouvelle-Écosse.
Après l’inspection rapide de l’embarcation, les reporters soumirent les trois navigateurs qui les avaient regardés faire en souriant, à un barrage de questions posées dans un mélange de français et d’anglais.
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«Recommenceriez-vous ?» demanda l’un d’eux à Gaston Vanackère, 31 ans, dessinateur industriel dont le visage s’orne d’une grande barbe rousse.
« Non, certainement pas », répondit-il. « Cela n’a pas été trop désagréable, je suppose, sauf pendant les fortes tempêtes. Mais nous avons atteint notre but qui était de nous laisser entraîner à travers l’Atlantique par le Gulf Stream en nous servant le moins possible de la voile ».
Aussitôt après leur débarquement, les passagers de l’«Égaré II» se sont rendus directement au foyer du Marin, où on les a servi un copieux déjeuner. Une double portion d’œufs sur le plat, du bacon et des tomates farcies, suivie de toasts à la confiture. Les formalités d’immigration furent rapidement remplies.
Après un bain chaud, ils se rendirent chez un coiffeur pour se faire couper les cheveux et tailler la barbe. Ensuite, ils revinrent au foyer du Marin pour se reposer.
Interrogé sur ses projets d’avenir, Beaudout (29 ans) a dit : « Nous rentrerons à Montréal par paquebot, aussitôt que possible. Nous emporterons le radeau avec nous, car nous estimons qu’il doit être conservé ».
Le «capitaine» a précisé que la bonne entente avait régné à bord pendant la traversée. « Nous n’avons pas eu la moindre querelle, a-t-il dit, et la santé a été excellente ».
Quant à Marc Modena (27 ans), il s’est borné à déclarer : « Je suis fatigué, mais heureux ».

Voir aussi :
- La vie maritime (index thématique)