À propos des bouffons : Les réactions du maire Houde devant l’article de Time
L’article mi-sympathique et mi-sarcastique que la revue Times a publié, dernièrement, sur la ville de Montréal et son maire, a suscité les commentaires les plus divers dans les cercles municipaux et parmi les amis de M. Houde. Comme nous n’avons pu rejoindre M. Houde, en fin de semaine, pour lui demander son impression personnelle, nous nous sommes adressé à un de ses secrétaires, M. Georges-F. Séguin, qui nous « a brossé la réaction » que cet article a produite dans les corridors de l’hôtel de ville.
M.Séguin a déclaré que M. Houde n’a pas l’air de s’en faire tellement pour ce papier écrit « probablement avec intention » et que, le jour où le représentant de « Time »nest allé le trouver pour l‘inteviewer, « notre premier magistrat s’attendait un peu à ce que cette revue américaine donnerait à Montréal et à lui-même ce genre de publicité. » M. Houde, ajoute M. Séguin, ne refuse jamais l’entrée aux journalistes, dans son bureau, et quand le représentant de Time s’est présenté chez lui, il l’a reçu avec le meilleur esprit au monde. M. Houde a renseigné son visiteur avec le désir qu’on lui connaît de procurer de la publicité à sa ville.
Et M. Séguin d’ajouter que, dans un sens, M. Houde n’a pas raté son coup puisque, de l’avis de ses compagnons de travail, cet article peut avoir pour résultats d’attirer les touristes, en masse, à Montréal. « Le touriste américain aime les endroits où l’on s’amuse bien, dit M. Séguin, et vous avez dû constater comme moi que Farticle en question a dépeint les endroits d’amusements à Montréal, sous un jour attirant, et plus encore.
Ce qui a moins plu à M. Séguin et à ses amis, dans cet article, c’est la note de sarcasme qui perce, de la première à la dernière ligne, particulièrement au passage où le rédacteur établit un contraste entre les « nightclubs » ou autres « laideurs » et les noms de saints donnés à des centaines de rues de la métropole.
M.Séguin et ses amis ne s’en prennent pas au représentant qui interviewe M. Houde, mais bien à ceux qui ont retapé l’article (rewriters) au bureau de Time.
« Nous sommes convaincus, dit M. Séguin, que ceux qui ont retapé l’article en question, l’ont fait avec des arrières pensées politiques. Ce n’est pas la première fois, souligne-t-il, que les gens de Time professent à l’endroit des Canadiens-français de la province de Québec des sentiments étranges.
M.Séguin avoue enfin que l’article en lui-même est très bien fait, qu’il est même amusant, mais qu’il commet certaines indiscrétions qui frisent l’exagération.
D’où viennent ces commentaires ?
Un hebdomadaire anglais du samedi reproduit une entrevue que son représentant aurait eue avec M. Houde au sujet de cet article aux mille interprétations. L’hebdomadaire en question fait dire, en résumé, à M. Houde, qu’il est blessé pour avoir été dépeint comme un bouffon par le Time et lui fait faire quantité de mises au point sur les passages qui concernent sa vie personnelle.
M.Séguin ne peut jurer de l’authenticité de cet article de l’hebdomadaire local pour n’avoir pas eu connaissances d’un entretien de son représentant avec M. Houde. « Je serais fort surpris, a-t-il dit, que M. Houde se serait montré offusqué jusqu’à ce point en présence d’un représentant de la presse. Le fait que M. Houde aurait fait des mises au point me semble beaucoup plus plausible que le reste ». M. Séguin déclare qu’il n’a jamais été question de l’histoire de bouffon entre lui et le maire de Montréal.
Il convient de reproduire ici la traduction de cet article, paru dans l’hebdomadaire anglais local, article qui a pour titre « Houde insists Time wrong. »
La voici :
« Son Honneur le maire Camillien Houde est blessé par la description de la dernière livraison du Time, qui le fait passer pour un bouffon.
J’imagine, aurait dit M.Houde, que la population doit trouver cela que la population doit trouver cela, très étrange que les Montréalais aient élu, à cinq reprises, un bouffon. Ils ont fait des bouffons, d’eux-mêmes », a dit le maire.
« Le maire a ajouté en souriant qu’il a probablement été insulté d’avoir été dépeint comme un bouffon, parce qu’il existe une certaine vérité dans cette description et que personne n’aime se faire dire la vérité, à son propre sujet. »
« Le maire Houde a souligné d’autres erreurs qui se sont glissées dans cet article de la section canadienne de la revue Time.
Il a déclaré qu’il lui arrivait de marcher de sa maison à l’hôtel de ville, quelques fois, mais « pas à 9 h. 30 du matin ».
« Il a dit qu’il n’avait que trois aides et qu’il ne considérait pas cela comme un état-major. Il a ajouté qu’il avait seulement deux téléphones, non pas trois, et qu’un des deux est plaqué de bronze, non pas plaqué d’or.
Le maire Houde a expliqué qu’il avait prononcé 89 discours, au cours du mois de mai et juin 1945, mais qu’il n’en avait jamais prononcé 68 durant le mois de juin dernier.
« Le patinage est peut-être mon sport favori, mais je ne me suis pas adonné du tout à ce sport, l’hiver dernier. J’ai seulement porté la ceinture fléchée. »
Il déclare qu’il n’est pas un buveur enragé de café et qu’il n’a séjourné quatre ans à Petwawa, mais seulement deux. Les autres années de son internement ont été passées dans le Nouveau-Brunswick.
« C’est seulement l’opinion de Time », a-t-il dit, faisant allusion au commentaire de la revue, sur le fait qu’il ne portait pas rancune au gouvernement fédéral pour son internement. M. Houde n’a pas été accueilli par « 10,000 citoyens en liesse », à la gare Windsor, mais à la gare Centrale du C.N.R.
Il a dit que cette publicité, mauvais pour lui. Tait bonne pour Montréal, en dépit de l’inexactitude de sa teneur.
(Cette nouvelle date du 5 août 1946).
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