Un proprio du Plateau tente d’évincer ses locataires
Trois locataires du Plateau Mont-Royal vivent des moments difficiles avec leur propriétaire, qui désire rénover l’édifice où elles habitent tout en faisant fi de leur bail.
Leanne Marie Staples, Madeleine Lefebvre et Ersin Kafadar, qui habitent respectivement au 16, 20 et 22, boulevard Saint-Joseph Ouest, à Montréal, ont reçu le 8 mars un avis de l’administrateur de leur immeuble, la compagnie Brydere Realties, les avisant que le propriétaire avait l’intention de procéder à des rénovations majeures et que les trois locataires ne pouvaient habiter leur logement durant la période des travaux.
Quelques jours plus tard, l’administrateur, un certain H. Rose, a rencontré individuellement chacune des locataires pour leur demander de partir dans les plus brefs délais.
Mme Staples qui, comme les deux autres locataires de l’édifice de trois étages, a un bail, automatiquement reconduit au 1er juillet 2001, a expliqué hier que M. Rose leur a dit qu’elles devaient se trouver elles-mêmes un logis temporaire, sans toutefois leur promettre quelque compensation que ce soit.
Une seconde lettre adressée aux locataires, datée du 14 avril, leur demande à nouveau, sur un ton plus direct, de quitter les lieux temporairement, à défaut de le faire de façon permanente, afin de permettre la réalisation des travaux. Sinon, l’administrateur menace les locataires de prendre les moyens nécessaires pour les évincer.
Or, la Régie des loyers est catégorique : un propriétaire ne peut évincer sans compensation ses locataires soi-disant pour rénover, et résilier leur bail. La Régie recommande donc aux locataires d’ignorer la lettre de l’administrateur ou de faire parvenir une lettre recommandée demandant au propriétaire de se conformer à la loi. Ce dernier dispose alors d’une période de 10 jours pour répondre à ses locataires.
Toute cette histoire a commencé il y a un peu plus d’un mois, lorsque le propriétaire du triplex, qui est également propriétaire d’un édifice commercial voisin, a entrepris de démolir l’intérieur de l’édifice commercial afin de le rénover et de construire des logements de grand luxe. Chose curieuse, l’escalier menant à l’appartement de Mme Staples, qui est situé dans le triplex, passe par l’édifice voisin.
Le week-end dernier, deux manœuvres travaillant pour le propriétaire sont venus faire certains travaux dans l’édifice voisin et ont défoncé le mur de la cage d’escalier menant au logement de Mme Staples. Ils ont même enlevé la toiture au-dessus de son balcon.
Comme aucun permis de construction n’est affiché à l’extérieur de l’édifice, la locataire a communiqué avec les inspecteurs de la Ville de Montréal, qui lui ont confirmé qu’aucun permis n’avait été délivré pour les travaux.
Pour sa part, Mme Lefebvre a affirmé hier que M. Rose lui avait indiqué verbalement qu’il n’avait pas l’intention de se conformer à la loi et que si les locataires s’obstinaient à vouloir lui mettre des bâtons dans les roues, il ferait déclarer l’édifice inhabitable afin d’avoir le champ libre.
Les locataires ont appris que le propriétaire avait l’intention d’investir de 50 000 $ à 60 000 $ par logis et qu’il ne semblait visiblement pas intéressé à poursuivre la location des logements, à 310 $ par mois pour celui de Mme Staples et à 400 $ pour les deux autres. L’administrateur a d’ailleurs informé les locataires que leur loyer serait majoré dès la fin des rénovations, même si les baux sont valides jusqu’en juillet 2001.
Mme Kafadar a expliqué que l’administrateur leur avait d’abord dit qu’il désirait transformer les logements en condominiums, mais qu’il parlait maintenant de rénovation de logements, puisque des modifications aux règlements de zonage devaient être obtenues afin de convertir un logement existant en condo.
(Texte paru dans le journal La Presse, le 22 avril 2000).
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