Un préfet condamné
Le préfet du pénitencier est condamné à un an d’emprisonnement
Un fait sans précédent dans nos annales judiciaires s’est produit ce matin, le 14 juin 1920, en la chambre 4 du palais de justice. Assigné à comparaître devant la Cour supérieure, le préfet du pénitencier de Saint-Vincent-de-Paul, Georges S. Malépart, ayant fait défaut d’obéir à une condamnation royale, a été condamné à un an d’emprisonnement pour mépris de cour par l’honorable juge Duclos.
Une règle nisi a été émanée contre lui et a moins qu’il ne démontre dans les huit jours fait et cause l’excusant de ne pas avoir obéi à l’autorité supérieure, il sera dûment conduit à la prison de Bordeaux pour y purger sa sentence.
Comme nous l’écrivions la semaine dernière l’affaire Labrie est destinée à faire époque dans l’histoire de notre droit. C’est le principe fondamental de la liberté individuelle qui est en jeu dans cette affaire. Me C.-C. Cabana, l’avocat des Labrie, fit émaner samedi dernier deux brefs d’Habeas corpus, enjoignant à Georges-S. Malépart, de produire devant la Cour supérieure les deux corps des frères Labrie pour là (sic!) et alors y faire voir la cause de leur détention et de la justifier à la satisfaction de cette honorable Cour. Les deux brefs étaient rapportables ce matin en la chambre 4 du palais de justice.
À l’heure ordinaire, l’intimé dûment appelé au milieu du silence général, ne répondit pas à l’appel de son nom. D’une voix brève et énergique, l’honorable juge Duclos fit alors inscrire au verso de chacune des requêtes le jugement suivant qu’il dicta au greffier.
L’intime appelé fait défaut et ne montrant pas cause pour que le requérant soit détenu, le bref d’habeas corpus est maintenu et le requérant est par les présentes libéré de prison.
Entre temps, Me J. Walsh déposait en Cour de pratique présidée par l’honorable juge Couderre, une déclaration ainsi libellée :
« En vertu du bref d’habeas corpus à moi signifié, je soussigné, G.-S. Malépart, préfet du pénitencier de Saint-Vincent de Paul, comté de Laval, ai l’honneur de faire rapport à l’honorable juge de la Cour supérieure du district de Montréal, qui Joseph Labrie, est détenu dans le pénitencier, à Saint-Vincent de Paul, en vertu du mandat ci-annexé et de plus, que le dit Joseph Labrie a été conduit dans le dit pénitencier en vertu du présent mandat d’emprisonnement et je déclare qu’il m’est impossible de produire la personne du dit Joseph Labrie par ordre du ministre de la Justice me disant qu’un juge de la Cour supérieure n’avait aucune juridiction de s’enquérir sur la validité de la conviction ou sentence sur habeas corpus. »
Une déclaration identique était aussi déposée pour Émile Labrie.
