Politique pétrolière du Québec

Où va la politique pétrolière du Québec ?

Pétromont : Le Québec ne produit pas un seul baril de pétrole. Mais il en utilise pour sa propre consommation et ses exportations en produits dérivés environ 600,000 barils par jour, soit le tiers de la consommation canadienne. C’est beaucoup plus : que la proportion de sa population comparée à celle du Canada. Le Québec a donc besoin, plus que toute autre province, d’une politique pétrolière réaliste. C’est dans cet esprit que les contribuables doivent juger la politique pétrolière de leur gouvernement.

Le gouvernement québécois a lancé officiellement mardi l’entreprise mixte Pétromont. un consortium formé de trois partenaires égaux, en principe: Gulf Canada, Union Carbide du Canada et Ethylec. Les deux premiers partenaires sont des filiales canadiennes de puissantes multinationales américaines.

Quant à Ethylec, c’est une filiale de la SGF (Société générale de financement), une société d’État québécoise. Le but de Pétromont est de relancer l’industrie pétrochimique du Québec dont la production d’éthylène est passée de 51 pour cent de la production canadienne en 1975 à 22 pour cent actuellement. La transformation du pétrole en éthylène, propylène, benzène, comme produits de base pour les plastiques, les peintures, les isolants, etc., engendre de nombreux emplois par la création d’industries fabriquant ces produits. C’est pourquoi le gouvernement a mis l’accent sur cet aspect en présentant son nouveau-né, Pétromont, qui était en gestation depuis plus d’un an.

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Cependant, les contribuables québécois ont le droit de poser certaines questions. Entre autres: combien leur coûtera la participation du gouvernement à l’entreprise mixte Pétromont? Et surtout: quelles sont les chances de succès d’une telle entreprise? Dans le court terme, soit d’ici à deux ans, il en coûtera $34 millions aux contribuables, puisque c’est le montant que leur gouvernement versera comme partenaire et actionnaire de l’u sine de la société Gulf à Varennes. La contribution de Gulf à Pétromont est précisément l’usine de Varennes et la contribution d’Union Carbide est son usine de Montréal-Est. En d’autres termes. Pétromont est, dans un premier temps, l’addition dev$34 millions de fonds publics à deux usines privées. C’est ce qu’il est convenu d’appeler une société mixte. Malheureusement, l’expérience a démontré que l’alliance du gouvernement et de l’entreprise privée n’était pas un gage infaillible de succès.

Le ministre de l’Industrie et du Commerce, M. Yves Duhaime, a) déclaré lors du lancement officiel de Pétromont que la participation du gouvernement était une police d’assurance pour Gulf et Union Carbide. Il ne pouvait dire plus juste. Ces sociétés privées n’ont en effet rien à perdre et tout à gagner puisque très souvent, pour ne pas dire toujours, dans de telles alliances les gouvernements épongent les déficits (pour conserver des emplois, pour sauver leur prestige, etc.) et les sociétés privées partagent les profits. À cet égard, le vice-président de Gulf a admis honnêtement que le succès de Pétromont reposait sur le prix qu’il paiera pour sa matière première, le pétrole, qui devra être inférieur non seulement au prix mondial mais au prix américain pour que ses produits soient concurrentiels.

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C’est d’ailleurs pourquoi l’industrie pétrochimique a glissé de Montréal à Sarnia et en Alberta.

Le gouvernement québécois ne peut donc artificiellement renverser cette tendance en investissant des millions de dollars dans des usines en perte de vitesse si le prix du pétrole à Montréal rend l’entreprise moins concurrentielle. Bien sûr, le gouvernement a confié à*sa société d’État SOQUIP (Société québécoise d’initiative pétrolière) la responsabilité d’obtenir du pétrole par des travaux d’explo ration hors du Québec. Le budget de SOQUIP sera augmenté à cette fin de quelque $88 millions au cours des cinq prochaines années. Si cette somme est fort lourde pour les contribuables, elles est pourtant infime pour une véritable prospection et exploitation pétrolière. Afin d’obtenir du pétrole en quantité suffisante pour le rendre rentable, c’est-à-dire à un prix pour rendre Pétromont concurrentiel par exemple, SOQUIP aurait besoin d’un budget de plusieurs milliards de dollars. C’est évidemment prohibitif pour le Québec.

Il faut en conclure que la politique pétrolière du Québec, autant que l’avenir de Pétromont, a des chances de succès dans la mesure où le Canada pourra devenir relativement autosuffisant en pétrole. Car c’est la seule façon d’obtenir du pétrole à des prix inférieurs aux prix mondiaux et d’être ainsi concurrentiel pour les produits qui en dérivent ou en sont grandement tributaires. Les citoyens peuvent alors se demander si la nouvelle mission de SOQUIP et la création de Pétromont ne sont pas davantage des mesures inspirées par des préoccupation social-démocrates que par des réalités économiques.

Par Ivan Guay, publié dans La Presse, le 4 octobre 1980.

Voir aussi :

Ancien terrain de Pétromont. Photo Archives Yves Tremblay, les Yeux du Ciel, publiée dans le quotidien La Presse, 4 février 1922.

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