Rien ne change dans ce monde : le premier ministre Trudeau demande plus de pouvoir, le Canada ne peut être neutre, le Canada dépend de son engagement monétaire. Détrompez-vous, c’est arrivé en décembre 1968
P. E. Trudeau demande un pouvoir abusif, tel est l’avis du chef de l’Opposition aux Communes, M. Robert Stanfield
Le chef de l’Opposition aux Communes, M. Robert Stanfield, a affirmé lundi, 16 de février 1968, qu’aucun gouvernement dans le monde libre ne possède le pouvoir qui est présentement sollicité par le gouvernement du Canada.
Dans une causerie au Canadian Club de Montréal, M. Stanfield a décrit ce pouvoir comme étant celui de « couper court au débats parlementaires avant même qu’ils commencent, d’établir la limite de durée d’un débat avant même qu’un moi soit prononcé, ou qu’une seule minute ait été consacrée à l’examen d’un projet de loi ».
« Le gouvernement libéral, a soutenu le chef de l’Opposition, recherche par son projet de réforme parlementaire le contrôle ultime de la Chambre des Communes qui est le pouvoir d’accorder ou de refuser d’avance un droit à la discussion».
Aucun gouvernement dans le monde libre ne possède le pouvoir qui est maintenant sollicité par le gouvernement du Canada ». a-t-il insisté.
Le chef conservateur a souligné que son parti est d’accord sur la majorité des éléments du projet de réforme parlementaire proposé par un comité parlementaire de tous les partis.
Cette réforme, a-t-il dit, sera sur une base plus fonctionnelle les affaires du parlement, établira la pratique de sessions annuelles, forcera le gouvernement de prévoir à l’avance son programme législatif et les mesures d’ordre financier qu’il pré voit présenter au cours d’une session.
« Nous avons fait quelque chemin pour améliorer la procédure parlementaire, a affirmé le chef conservateur, mais nous avons dû tracer la ligne de notre dés accord devant la tentative du gouvernement de frapper l’opposition dans son rôle essentiel ».
« Si la tâche de l’opposition d’examiner, de questionner et de restreindre à l’occasion le gouvernement est rendue impossible, a dit M. Stanfield, les citoyens du pays se retrouveront avec le droit démocratique de choisir à tous les quatre ans laquelle de deux tyranies les gouvernera jusqu’aux prochaines élections ».
M. Stanfield a affirmé que son parti va combattre jusqu’au bout pour les idées qu’il défend touchant la réforme parlementaire, même si cela nécessitait que les Communes siègent durant la période de Noël.
« Même si nous devons passer la Noël à Ottawa, a-t-il dit, ce sera du temps bien employé et si l’esprit de Noël prévaut, le gouvernement tiendra compte de nos objections majeures, et nous pourrons entrer dans la nouvelle année forts d’une ins titution nationale modernisée et plus efficace ».
Les communes entrent aujourd’hui dans la deuxième semaine des débats sur le projet de réforme parlementaire.
Le Canada ne peut être neutre
Le ministre des Affaires extérieures, M Mitchell Sharp, a déclaré dimanche, le 15 décembre 1968, que le Canada ne peut poursuivre une politique de stricte neutralité parce qu’il en coûterait trop cher pour maintenir un pouvoir défensif.
Interviewé au programme The Way It Is, sur le réseau anglais de Radio-Canada, M. Sharp a affirmé que l’alliance défensive que possédait actuellement le Canada était « supérieure » aux autres méthodes parce qu’elle permettait, au Canada d’être indépendant des États-Unis quand c’était nécessaire.
Il a déclaré que le premier ministre Trudeau avait tenté de soulever une discussion publique sur le rôle du Canada au sein de l’OTAN et qu’il faudrait décider au cours des prochains mois, de l’étendue de sa participation à cet organisme.
Nouvel accord canado-américain
Le Canada relève de son engagement monétaire
Lors de la visite qu’il doit faire aujourd’hui à Ottawa. M. Henry Fowler, secrétaire au Trésor américain sortant de charge, discutera probablement de nouveaux moyens de remédier aux problèmes monétaires internationaux qui sont devenus chroniques et d’un adoucissement ries échanges internationaux du Canada.
On croit comprendre que le moyen de s’attaquer aux crises chroniques financières, comme celle qui a frappé le franc. le mois dernier et le dollar canadien le printemps der nier, comporteraient un système qui contrebalancerait automatiquement les poussées rie pression sur le système monétaire international.
Le programme, qui a été discuté il y a trois semaines par les ministres des Finances occidentaux et par la suite par les banques centrales, prévoirait aussi des révisions périodiques de la parité des échanges afin qu’on puisse décider s’il faut changer certaines valeurs.
D’ici ce temps, on s’attend que le Canada soit libéré prochainement d’un engagement, d’une durée de cinq ans, de garder les réserves de dollars américains au-dessous d’une certaine limite.
Le plafond de $2,550,000, 000 des réserves monétaires internationales du Canada a été considéré par certaines autorités comme limitant, la liberté d’action du Canada dans le contrôle de son économie et principalement dans sa lutte contre l’inflation.
Plafond
Les autorités canadiennes et américaines négocient depuis plusieurs semaines sur la question et on avait prédit que le plafond pourrait être augmenté. On s’attend maintenant que le plafond sera éliminé complètement. Officiellement, la visite d’une journée de M. Fowley est effectuée à l’invitation du ministre canadien des Finances, M, Edgar Benson. Ce dernier aurait invité M. Fowler a faire une visite d’adieu au Canada avant que la nouvelle administration américaine entre en fonction le mois prochain, à Washington.
À la suite de son arrivée ce matin, M. Fowler devait déjeuner avec M. Louis Rasminsky, gouverneur de la Banque du Canada. et prendre le dîner ce soir en compagnie de. M. Benson.
Le programme destiné à empêcher les poussées de spéculation sur la monnaie internationale fait l’objet de discussions de la part du groupe des Dix, forme des États Unis, du Canada, du Japon. de la Grande-Bretagne, de la France, de l’Allemagne rie l’Ouest, de l’Italie, de la Hollande, de la Belgique et de la Suisse.
(Textes parus dans le journal Le Soleil, lundi, 16 décembre 1968).
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