Pandémie en 2010?

Influenza : risque d’une pandémie d’ici dix ans

Au cours des quatre derniers mois, de septembre à décembre, le Québec n’a enregistré que 2626 cas positifs de grippe, alors qu’au Canada on en comptait un grand total de 20 944 cas.

Selon un porte-parole du Laboratoire canadien de lutte contre la maladie, Margot Gedueld, le phénomène n’a pas encore pris les proportions d’une épidémie comme en France, où on dénombre un million de cas, ou encore en Grande-Bretagne où l’on enregistre 300 cas par 100 000 habitants.

Les deux souches du virus de l’influenza qui circulent actuellement viennent de Sydney et de Pékin, les deux endroits où elles ont été isolées la première fois.

Le directeur du Bureau de la santé publique à Québec, le docteur Maurice Poulin, note que les données de Santé Canada ne sont pas complètes puisqu’elles ne sont basées que sur les informations recueillies dans les CLSC au Québec et par le service Infosanté, et excluent les cas diagnostiqués dans les cabinets privés de médecins. Les données permettent néanmoins de connaître les variations annuelles et l’incidence de la maladie.

« Si on compare la situation avec d’autres années, on réalise que le sommet du niveau d’activité grippale est arrivé un mois plus tôt qu’en 1999 alors que le phénomène se produit normalement à la fin de janvier ou au début de février. C’est ce qui explique l’engorgement des urgences d’hôpitaux car un très grand nombre de médecins en cabinets privés étaient en vacances », dit-t-il.

M. Poulin signale que le Québec se singularise par le nombre élevé, dans les statistiques canadiennes, des infections par le virus respiratoire syncytial, qui ne doit pas être confondu avec la grippe puisqu’il s’agit d’un gros rhume.

Pandémie dans 10 ans

Au moins trois fois par siècle, la planète est confrontée à des pandémies qui prennent des proportions mondiales et qui tuent des milliers de gens. La plus célèbre pandémie connue remonte à 1918, quand la grippe espagnole s’est propagée sur tous les continents, faisant au moins 50 000 morts.

Mme Gedueld note qu’il y a eu depuis ce temps deux autres pandémies, l’une en 1957 avec la grippe asiatique et l’autre en 1968 avec la grippe de Hong Kong. « Vraisemblablement, ce fléau devrait se manifester de nouveau d’ici dix à quinze ans », affirme-telle.

Le Dr Poulin signale qu’une pandémie se produit lorsque le virus de l’influenza subit une mutation majeure. Les organisations médicales ne sont pas en mesure de combattre un tel fléau car elles ne disposent pas du vaccin approprié, dont la production, à partir d’embryons de poules, requiert actuellement au moins trois mois.

« Nous comptons sur le succès des laboratoires de Biochem, qui expérimentent actuellement une nouvelle culture cellulaire qui permettrait de développer des vaccins à l’intérieur d’une période d’un mois et demi une fois que la souche du virus a été isolée », conclut-il.

Les épidémies de grippe dans le monde:

Grippe espagnole – 1918-1919; décès: 40 millions, origine: Inconnue (peut-être porcine); les plus touchés: adultes 20 à 50 ans.

Grippe asiatique: 1957, 1 million de morts, aviaire (volatiles), tous âges

Grippe de Hong Kong: 1968, 700 000 victimes, aviaire (volatiles), tous âges

Grippe russe: 1977, pas de données sur le nombre de victimes, origine inconnue, enfants et jeunes adultes.

L’Europe ne sait plus où coucher ses malades

La grippe, une infection fréquente mais qui est loin d’être toujours bénigne, a frappé fort cette année dans de nombreux pays européens, notamment en Europe du Nord et de l’Ouest, où plusieurs millions de personnes sont clouées au lit.

Dans les pays les plus touchés, on commence même à manquer de lits dans les hôpitaux. Ainsi en Grande-Bretagne, l’épidémie semble avoir pris de court le système de santé publique. Les appels se sont multipliés pour que le gouvernement utilise les lits disponibles en soins intensifs dans le secteur privé.

La pénurie a entraîné une polémique politique, et un responsable conservateur, le docteur Liam Fox, a même trouvé « ahurissant qu’une épidémie de grippe puisse avoir raison du système de santé de la cinquième puissance économique mondiale ». Les autorités sanitaires britanniques ont parlé pour la première fois samedi d’épidémie, avec 300 cas pour 100 000 habitants, la situation pouvant encore s’aggraver dans les jours qui viennent.

Aux Pays-Bas, le nombre de cas de grippe a fortement augmenté depuis le début de l’année. « L’épidémie frappe surtout l’est du pays », rapporte le directeur du Centre national de la grippe de Rotterdam, le Dr Ab Osterhaus qui cite le chiffre de 26 malades pour 10 000 habitants dans cette région contre 2 à 3 malades pour 10 000 en temps normal.

Le professeur Osterhaus, qui chiffre la durée de l’épidémie de 6 à 8 semaines, estime que « 10 à 20 % des Néerlandais souffrent actuellement de symptômes grippaux ». Dans l’ouest du pays où se trouvent les villes d’Amsterdam, La Haye et Rotterdam, le Centre national de la grippe a comptabilisé 19 malades pour 10 000 habitants.

Manque de lits

En Italie également, certaines régions manquent de lits. Plusieurs villes du nord de la péninsule, notamment Milan, Venise et Vérone, sont dans ce cas, la situation étant aggravée à Milan par un manque d’ambulances. Comme en Grande-Bretagne, des voix se sont élevées contre le manque de souplesse du système hospitalier, face à un phénomène qui n’est pas exceptionnel.

En France, la grippe a déjà touché plus d’un million de personnes. Encore n’a-t-on comptabilisé dans cette estimation que les personnes ayant plus de 39 degrés de fièvre. « On peut certainement multiplier ce chiffre par deux ou trois pour avoir le nombre réel de cas », selon un spécialiste de l’Institut Pasteur.

En Allemagne, l’épidémie ne semble pas plus grave que l’an dernier. « Il n’y aucun signe que la vague de grippe soit particulièrement dramatique », selon les autorités sanitaires. Le nombre de cas a cependant augmenté depuis le début de l’année, notamment en Bade-Wurtemberg, en Bavière et en Thuringe. « Près de 30 % des infections respiratoires dans ces régions concernent des infections par la grippe », selon le directeur du Centre national d’observation de la grippe, le Dr Rolf Heckler.

Les milieux médicaux belges ont confirmé en début de semaine dernière que la Belgique se trouve à présent dans l’épicentre de l’épidémie.

Les médecins généralistes craignent que l’épidémie, qui pourrait, en principe, encore se prolonger pendant six semaines environ, ne reprenne vigueur cette semaine à l’occasion de la rentrée des classes.

La péninsule ibérique ainsi que plusieurs pays des Balkans — Grèce, Croatie, Bosnie — semblent avoir échappé à l’épidémie, mais la Yougoslavie n’a pas été épargnée. L’épidémie qui sévit depuis deux semaines a perdu dimanche en intensité, selon les autorités médicales, mais une seconde vague n’est pas à exclure. Aucune estimation sur le nombre de personnes touchées dans l’ensemble du pays n’est donnée.

La semaine dernière à Belgrade, les estimations allaient de 40 000 à 100 000 personnes malades. En Albanie enfin, plus de 30 000 personnes sont touchées, principalement dans le sud ainsi que dans la capitale, Tirana, où les services d’urgence reçoivent en moyenne 100 malades par jour.

Tout va bien aux États-Unis

Les cas de grippe enregistrés aux États-Unis ces dernières semaines sont un peu plus élevés que la normale mais ne sont pas exceptionnels, a estimé hier le Centre de contrôle et de prévention des maladies (CDC) d’Atlanta.

« Aux États-Unis, la grippe sévit en général pendant les mois d’hiver, de fin décembre à mars », notent les CDC dans un communiqué. Dans la dernière semaine de décembre, les statistiques montrent que la grippe frappait alors 35 États et Washington DC à un niveau un peu supérieur à la normale.

Le nombre de morts causées par cette maladie et la pneumonie était également un peu au-dessus de la moyenne pour cette période de l’année.

La maladie est d’abord apparue en Californie et dans l’Arizona en décembre et ses effets ont commencé à se faire ressentir sur la côte Est en début d’année.

Les CDC soulignent que le virus de la grippe qui touche actuellement les États-Unis (A-Sydney) a été prédominant dans le pays depuis l’hiver 1997-98.

Les CDC avaient bien prévu que le virus qui frapperait cette année serait la souche A-Sydney et quelque 80 millions de doses de vaccin ont été produites pour la saison.

(Ces textes ont été publiés le 11 janvier 2000 dans le journal La Presse).

Voir aussi :

Proteste contre les masques à Laval. Photo de GrandQuebec.com.
Une protestation contre les masques à Laval. Photo de GrandQuebec.com.

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