Nadia à Montréal : un petit tour et puis s’en va…
Le retour de Nadia Comaneci a Montréal a commence hier par une nouvelle figure de gymnastique appelée la double pirouette avec queue de poisson, faux bond et sortie au plus vite.
À ce jeu-la, des juges lui auraient sûrement donné un 10.
La reine des Jeux Olympiques de I976, qui a maintenant 28 ans, a laisse sur leur faim une trentaine de journalistes et caméramans venus l’accueillir à l’aéroport de Dorval, faisant une apparition aussi courte que timide durant laquelle elle s’est bornée à quelques banalités d’usage.
« Je suis très heureuse de rentrer à Montréal, là où j’ai gagne ma première médaille olympique », a-t-elle déclaré dans un français correct, après avoir fait son entrée en compagnie de son gérant et compagnon, Constantin Panait, celui que les médias américains qualifient de façon amusante de «couvreur adultère».
Nadia Comaneci a fait quelques sourires et s’est immédiatement réfugiée dans les bureaux de la GRC de l’aéroport.
C’est tout.
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La «conférence de presse», toutefois, a donné amplement l’occasion de faire connaissance avec son cicérone montréalais, Alexandra Stefu. L’homme, ancien entraîneur de l’équipe roumaine junior de rugby, est aujourd’hui employé de la RIO. C’est lui qui a convaincu sa compatriote de venir «faire une visite» à Montréal.
«Elle arrive du Japon, elle a peur de la presse, elle est fatiguée et elle ne veut pas beaucoup de questions», a tout de go déclaré Stefu. Il avait pourtant convié la presse en début de journée. «Elle est ici pour faire des sourires, dire bonjour et c’est tout. J’ai promis de la protéger. Je ne veux pas donc qu’elle rencontre la presse sans que je l’aie préparée.»
Stefu, une véritable boule de nerfs qui a démontré une remarquable aptitude à parler vite tout en disant peu de choses, a toutefois promis qu’une autre rencontre avec sa protégée serait organisée, vraisemblablement demain.
La première question posée à Stefu a d’ailleurs donné le ton. «Aidez-moi, je vous aime», a-t-il déclaré aux journalistes. Après quoi il a cogné à la porte de la salle de conférences, signifiant à Comaneci qu’elle pouvait entrer.
Stefu est demeuré avec les journalistes après l’apparition-caméo de l’ancienne gymnaste, médaillée d’or à Montréal et d’argent à Moscou quatre ans plus tard. Malheureusement, la conversation avec Stefu n’a pas permis de s’en mettre beaucoup plus sous la dent.
– Laissez-moi vous poser la même question, a répondu Stefu au journaliste, secoué.
Après quelques ajustements de part et d’autre, qui ont notamment permis d’apprendre que Nadia était ici pour visiter la Vieille capitale, Stefu a indiqué qu’il espérait convaincre la gymnaste que le Québec était l’endroit idéal pour tout Roumain désireux de s’installer en Amérique du Nord.
«Elle aime déjà beaucoup le Québec», a déclaré Stefu, Il s’est dit pourtant incapable de prévoir la durée du séjour montréalais de Comaneci. «Je crois qu’il n’a pas d’endroit meilleur que le Québec pour les Roumains. On parle toujours des États-Unis comme terre d’accueil. Toutefois pourquoi ne parle-t-on pas aussi du Québec ?
«Ici, les Roumains s’adaptent, comprennent et finissent par se confondre aux gens. Nous sommes latins, nous aussi. Et je crois que Nadia peut produire beaucoup ici. si vous lui donnez la chance que tout ceci ait un dénouement normal, si je la promène dans les installations olympiques, où elle a connu du bonheur.
– «Il s’agit d’une visite pour le plaisir et pour établir des contacts.»
Stefu a décrit Comaneci comme une personne confuse et blessée par les événements récents. Il s’en notamment prend au reportage sur Comaneci récemment publié dans la revue américaine Life. «Cet article est ridicule! La personne qui l’a rédigé ne connaît rien de la vie des anciens athlètes sous Ceausescu.»
– Est-il vrai que Nadia considère une carrière d’entraîneur à Montréal?
L’article décrit Comaneci comme une boulimique, une menteuse, une opportuniste et une égoïste, en plus d’explorer sa relation avec Panait, un couvreur qui a indiqué avoir laissé une femme et quatre enfants en Roumanie, en aidant Comaneci à fuir leur pays.
(Texte paru dans le journal La Presse 1er mars 1990).