Émeute des étudiants de McGill
L’Université Laval et l’Hôtel de Ville pris d’assaut par les étudiants de l’Université McGill. Des étudiants du McGill préfèrent se battre au Canada plutôt que d’aller défendre le drapeau britannique en Afrique. Démonstrations hostiles devant les journaux français.
Au lieu d’aller affirmer leur loyauté au drapeau britannique en allant combattre aux côtés des Canadiens qui sont en mission militaire en Afrique, un groupe d’étudiants du McGill, auxquels s’étaient jointe une foule de désœuvrés, ont bruyamment fêté, ce matin, 1er mars 1900, l’entrée de lord Dundonald et de plusieurs régiments anglais dans Ladysmith.
Ils ont pris les journaux comme point de mire de leurs délirantes manifestations et, s’improvisant des drapeaux avec des bâtons et des mouchoirs, ils ont d’abord paradé sur l’avenue du collège McGill.
En passant devant les bureaux de nos confrères anglais, ils se sont emparés de bulletins annonçant la délivrance de Ladysmith, puis se sont ensuite dirigés vers le « Journal », sur la rue Saint-Jacques, criant « vive Roberts » et en chantant le « Rule Britannia ».
Ils arrachèrent ensuite les bulletins de tous les journaux français, les brisèrent et ont cherché à forcer les propriétaires d’arborer le drapeau anglais sur leurs édifices.
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Les manifestants ont eu recours a la violence. La police est arrivée trop tard pour l’empêcher.

Un peu plus tard, les étudiants envahissent l’hôtel de ville et réclament à grands cris qu’on arbore le drapeau britannique sur le Palais municipal. L’échevin Sadler qui était là s’adressa à la foule en ses termes : « Je comprends que vous désirez que le drapeau soit hissé sur l’hôtel de ville. Mais comme le maire est absent, je ne puis prendre sur moi de hisser le drapeau sans sa permission. Le maire, j’en suis convaincu, sera heureux de se rendre à votre désir ».
Le drapeau! Le drapeau! – vociférèrent les étudiants en chœur. Et, sans écouter les sages avis de l’échevin Sadler, le flot des étudiants se précipita dans les escaliers, vers la tour de l’édifice, et bientôt le drapeau flotta sur le Palais municipal. Les étudiants se retirèrent en chantant « Rule Britannia! God Save the Queen », et procédèrent au Palais de justice où eut lieu une démonstration semblable.
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Plus tard, un détachement d’étudiants envahissait les bureaux du maire. En fait, le premier magistrat de la ville les reçut avec beaucoup de courtoisie. Il se déclara heureux de la victoire des armes anglaises. Ensuite il accorda, à cette occasion, un demi congé aux employés civiques.
Ce fut au cri de « Vive Préfontaine », que les étudiants, en délire, se retirèrent pour se former en colonnes sur la rue Notre-Dame. Ils se rendent à l’Université Laval, située rue Saint-Denis, au nord de Sainte-Catherine. Accueillis par des boyaux d’arrosage, les étudiants de McGill passent une autre fois à la violence, forçant l’intervention des forces policières et du maire Préfontaine.
Les blessés ont été nombreux, chez les policiers et les étudiants.
On s’attend à de nouveaux affrontements.
(Publié dans La Presse, le 1 mars 1900).