C’est la Johnsonmania à Manic
À la veille de l’inauguration du grand barrage
Manicouagan-5 est un barrage formidable, mais in n’est pas si facile d’accès qu’on le croit.
À preuve, les nombreux contretemps survenus hier (le 25 septembre 1968) au cours de la visite rigoureusement organisée du gouvernement québécois sur les chantiers de Manic-5 à l’occasion de l’inauguration officielle du barrage.
Trois ou quatre avions devaient amener à Manic les journalistes, hommes politiques, officiers de Hydro Québec et financiers tant du Québec que des États-Unis.
Seuls les journalistes ont pu atterrir à Manic à l’heure prévue. Le reste, hommes d’affaires, officiers gouvernementaux et hommes politiques n’arrivèrent que cinq ou six heures plus tard en raison du brouillard enveloppant Baie-Comeau.
Certains durent atterrir à Forestville et d’autres retourner à Montréal pour prendre des avions plus petits et susceptibles de s’adapter aux pistes d’atterrissage de l’endroit. Si bien que tout ce monde, environ ma moitié des 450 invités, ratèrent le dîner.
Ce contretemps, toutefois, fut transformé par un premier ministre québécois arrivé à l’heure grâce à un avion gouvernemental, en une magnifique occasion de rendre visite aux ouvriers des chantiers, à ceux qui ont mis la main aux trois millions de verges cubes de béton qui ont servi à construire Manic-5.
M. Daniel Johnson est allé à l’endroit tout désigné, la taverne de Manic-5, immense entrepôt-brasserie où, à leur naturel, les ouvriers consomment leur champagne à eux.
Mais ce fut finalement une visite plus politique que gouvernementale. Le gouvernement Johnson avait en effet invité à la cérémonie d’inauguration de Manic-5 les personnalités de l’ancien gouvernement libéral, soit Mm. Lesage et René Lévesque, ainsi que le député libéral du comté M. Pierre Maltais.
Ce dernier, d’une façon ou d’une autre, eut vent de la visite du chef du gouvernement à la taverne de Manic-5 et s’y rendit lui-même afin, peut-être que la seule main que les ouvriers pussent serrer ne soit pas uniquement celle d’un unioniste.
Le tout finit toutefois dans la plus parfaite cordialité, MM Johnson et Maltais s’asseyant à la même table en compagnie d’ouvriers de Manic-5 et disparaissant avec eux sous un amas de bouteilles de bière.
M. Paul Allard, ministre des Richesses naturelles et responsable de Hydro-Québec, s’est aussi attablé avec les ouvriers.
Le premier ministre a longuement plaisanté pour sa part avec ses compagnons de table. Il a été entouré évidemment des micros des journalistes radiophoniques. Ils lui ont laissé très peu de temps pour ingurgiter la bière qu’il avait lui-même commandé.
M. Johnson n’en a pas moins plaisanté à table avec les ouvriers, surtout au sujet de M. Trudeau. Quelqu’un lui demanda en effet, si, en venant ici se promener au milieu des «gens du peuple». Il ne tentait pas de lancer la «Johnsonmania».
M. Daniel Johnson répondit : C’est plutôt M. Trudeau qui m’imite. Mais vous voyez, je fais ça en homme, ensuite, je fais ça en homme marié, et, troisièmement, je n’ai encore embrasse personne. Non! Je fais ça depuis que je suis jeune avocat. J’allais alors prendre une verre de bière avec les gars. J’ai pas changé depuis, ce sont les autres qui ont changé.

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