Lettres des lecteurs

Rubrique « La parole est à nos lecteurs » du journal La Presse

Ce qui inquiétait et préoccupait les Québécois en octobre 1960…

Rubrique « La parole est à nos lecteurs » : Les lettres envoyées à la Presse pour publication sous cette rubrique doivent porter le nom et l’adresse de l’auteur, même si elles ne doivent paraître que sous un pseudonyme. La Presse se réserver le droit de ne pas publier les lettres de peu d’intérêt pour le public, injurieuses, abusant des personnalités ainsi que d’écourter ou même de rejeter les textes trop longs.

Améliorer la langue parlée

Monsieur le Rédacteur,

Partout, depuis quelques mois, il est question de moyens a prendre pour améliorer notre langue parler. « Partout”, excepte a CKAC, ou l’on travaille en sens contraire, semble-t-il, car on a confié récemment un programme du matin a quelqu’un qui estropie la langue française tant et plus. Et ce, à l’heure où dans les foyers les enfants sont réunis autour de la table pour le déjeuner, la radio est ouverte pour entendre les plus récentes nouvelles, les prévisions de la météo, la prière du matin a l’Oratoire.

Monsieur Pellerin n’a rien d’un comique ; il croit l’être, mais c’est toujours au détriment de la bonne prononciation, du bon parler français, car de l’esprit… il n’en a pas Quand donc allons-nous synchroniser nos efforts et ne pas anéantir d’une part les progrès réalisés d’autre part ?

Signée : Une Canadienne.

Patronage

Monsieur le Rédacteur,

D’aucuns pensent que depuis le 22 juin dernier tout a changé. Malheureusement, tel n’est pas le cas. Qu’un microbe rouge vienne remplacer un microbe bleu là où le mal existait déjà, cela ne change rien au foyer contaminé.

Ainsi, à propos des cours municipales, il a été annoncé officieusement par des organisateurs du parti libéral que les juges de toutes nos cours municipales seront remplacés par d’autres avocats… d’ici peu. Déjà, plusieurs ont reçu du procureur général de la province de Québec une lettre de révocation. Parmi les juges démis de leur fonction sans raison valable ou apparente, il y a des avocats bleus, mais aussi quelques indépendants et d autres de tendances libérales. Cela importe peu, la table est mise pour les amis de la crèche, la loi du talion est de rigueur dans les pays non civilisés. Le serait-elle encore ici ? Les abus du patronage étendent leurs tentacules à tous les milieux de vie.

Le mal est dans les racines de notre conscience collective et, pour l’extirper, il faut que le système change la où l’autorité civile la plus importante constitue le rempart de toutes nos institutions. Quand le poulain est galeux, ce n’est pas parce que le jockey rouge prend la place du jockey bleu qu’il y a changement. Le poulain reste galeux…

Ainsi, pour se mériter le respect de tous, l’autorité doit elle-même payer d’exemple. Il faudrait revaloriser la fonction publique du plus haut jusqu’au plus bas de l’échelle. D’importantes reformes, incluant une refonte générale des biches à confier à la Commission du Service civil, à Québec, s’imposent. Les cadres du Service civil doivent être élargis et tenir dans l’organisation normale du gouvernement une place prépondérante et stable où la compétence pourra s’épanouir.

Tous les emplois à caractère permanent, tels que ceux de procureurs de la Couronne, régistrateurs, émetteurs des permis pour les véhicules moteurs, juges de la cour municipale, etc. etc., devraient être soustraits au patronage. Ils ne l’ont pas été à date. Les fonctions publiques que les pseudo employés du gouvernement ont occupées dans le passé et occupent encore aujourd’hui (rouges ou bleus ou cailles ou canailles) relèvent du fonctionnarisme provincial. À ce titre, ces postes devraient être permanents et, dans certains cas, la nomination devenir inamovible, sous la juridiction d’une véritable Commission du Service civil.

Tant et aussi longtemps que notre système provincial ne sera pas constitué de façon a créer des emplois vraiment stables et rémunérateurs où la main d’œuvre compétente cherchera son profit, toute la province de Québec restera à la merci des profiteurs d’occasion, tels que les patronaux et les créchards.

La politique de grandeur du Québec exige sans rémission que des réformes semblables soient non seulement approuvées ou recommandées en haut lieu, mais mises à exécution le plus tôt possible : “Il est temps qu’ça change! » devons-nous répéter encore, aujourd’hui plus que jamais.

Signée : Fernand Champagne, Terrebonne.

Étrange silence

Monsieur le Rédacteur,

Je trouve étrange, et plusieurs l’auront remarqué comme moi, que dans le compte rendu du journal La Presse du 29 septembre courant, il ne soit pas fait mention de la présence d’aucun membre de la Société Historique de Montréal, lors du banquet offert a l’occasion du 25e anniversaire de la fondation de la Société des Dix.

Serait-ce un signe qu’il y aurait des rivalités parmi les historiens de notre ville ? S’il en était ainsi je serais complètement déçue parce que j’ai toujours pense que cette classe de personnages était au-dessus des préjugés de la nature humaine, mais je m’aperçois que c’est plutôt le contraire, et que la vraie charité n’existe que dans les manuels.

Signée : P. Hervieux, Montréal.

Le cauchemar des examens

Monsieur le Rédacteur,

J’ai difficilement survécu au marasme de 11e A en 1958-59, mais pas a celui de 12e en 59-60. Cinq échecs en sciences et maths, pas de diplôme. Mais, Bon Dieu, je me fiche de la chimie ; je me fiche de quoi je suis fait. Il me suffit de vivre pour être heureux, de vivre avec les Lettres, avec la Philosophie, avec notre français.

On ne me le permet pas cependant. On m’accule au mur, et soudain, on sublime ce mur. Il devient le vide, ce mur et je tombe dans un gouffre. Et on aime m’entendre hurler: on aime me faire descendre plus rapidement.

Après douze années d’étude, je suis devant un pauvre diplôme de 1DB qui ne m’aide en rien Et ou appelle ça de l’instruction.

Du moins certains, les plus gros, en ont le courage.

On fabrique tant de faux billets de dix dollars ces temps ci, pourquoi pas de faux diplômes ? Plusieurs diront, après m’avoir lu : « Il aurait dû étudier !” J’ai étudie. Mais ma pauvre tète n’en pouvait plus.

Tout se mêlait là-dedans. Le programme était varié, comme un menu dans un dîner de gastronomes en congrès. Les maths ne font pas bon ménage avec les Lettres. Et ça se querellait en dedans ! Et ça se déchirait !

N’était-ce que de moi, passe encore : Mais des génies sont forcés de rebrousser chemin, et perdre une année précieuse, sinon leur avenir. On commence à se faire vieux.

Évidemment, j’ai tort et les “prépareurs d’examens » et les “gens bien de l’instruction publique dans la province, de Québec » et tous les autres ont raison ! Évidemment.

Signée : Étudiant.

Locataires et propriétaires

Monsieur le Rédacteur,

Je voudrais apporter les réactions d’une « vénale propriétaire » en réponse à la lettre d’une personne qui a signé « N D. » et qui. selon toute vraisemblance, semble être liée de quelque façon a la Régie des Loyers.

Il est bien beau de faire l’histoire de la Régie en y donnant la même importance qu’elle a eue dans les pays surpeuplés et dans un pays neuf comme le nôtre où l’espace et les richesses devraient encourager la maison unifamiliale… mais passons !

Il est bien beau aussi d’essayer de déformer les statistiques et de monter ainsi en épingle la loi du plus fort parce qu’il y a plus de locataires que de propriétaires, quand la faute réside plutôt dans l’incurie et l’imprévoyance de nos gouvernements et du peuple qui les a élus et dont “ND” semble vouloir profiter malgré tout.

Il est beau encore de voir « N.D. » se faire fort d’apporter des chiffres en disant que le loyer est « à là sinon 1/2 des revenus du locataire ». Mais sait-il aussi que depuis 1939, le salaire de l’ouvrier a aussi doublé et même triplé dans plusieurs métiers ? De plus, « ND” daignera-t-il (puisqu’il semble aimer les statistiques) considérer que le pauvre locataire si exploité a tout de même trouve moyen de se payer une auto qu’il stationne parechoc à parechoc, le soir, le long des rues où se trouvent justement les logements contrôlés par la Régie ?

Et pourtant, “N.D.” se fait une conscience chrétienne, socialiste et démocratique en reprochant à certains propriétaires « leurs beaux voyages en Floride et en Europe » ! Il est réellement triste de constater comment certaines gens veulent jouir et goûter de toutes les libertés possibles mais ne les admettent pas pour d’autres ! Mais pourquoi essayer de combattre le sentiment d’égoïsme qui gangrène tant nos mœurs depuis quelques années !

Je m’aperçois qu’une propriétaire vénale et contribuable minoritaire est en train d’abuser de l’espace gratuit d’un journal; aussi, j’avertis tous mes congénères exploiteurs qu’ils sont bien téméraires de vouloir reconquérir leur droit de propriété (parlons donc des droits de l’homme !) lorsqu’on se rappelle toutes les régies imposées par des gouvernements portant des blasons de chrétiens pendant la guerre, pour ensuite les voir disparaître une a une excepté celle des loyers» parce qu’une telle proportion de votants pouvait se faire voter des subsides ou une telle autre, tellement forte par son union, pouvait obtenir des augmentations de prix ou de salaires !

Signée : Mme C. L.

Méthodes abusives

Monsieur le Rédacteur,

Ci-joint vous trouverez une réponse que m’a envoyée le département du Procureur général de la province.

J’ai lu dans plusieurs journaux des critiques formulées contre certaines municipalités.

Au dire de ces critiques, c’est le gouvernement de la province qui doit intervenir pour faire cesser certains abus a la loi des véhicules moteurs. Je fus donc très surpris de la réponse que j’ai reçue du procureur général. Je me suis demandé si je m’étais trompé d’adresse, mais aujourd’hui je ne suis guère plus avancé.

Des parents vivant à Winnipeg, au Manitoba, vinrent nous rendre visite vers la mi-août. Près de Montréal, le conducteur ne fit pas. par inadvertance, l’arrêt exigé par la signalisation routière (il n avait pas vu l’indication a l’intersection de deux grandes routes principales, aux abords de Dorion.

Un agent, accompagné d’un civil, les arrêta et exigea devant témoin la somme de $10. L' »inculpé » voulut offrir un chèque de voyageurs, mais le policier refusa, en ajoutant qu’il arrêterait la personne en question et que ça coûterait beaucoup plus cher, (Le numéro de l’auto-police, plaque matricule, etc., ont été donnés dans la plainte transmise au procureur général». Le voyageur, ne connaissant pas très bien les lois de la province, comme tout bon touriste, s’exécuta et versa ladite somme en argent. Il a pu ainsi poursuivre sa route. On m’a rapporté la chose: j’ai critiqué cette personne qui m’a répondu à peu près ceci : « Je sais que tout s’achète ici. C’est connu dans tout le Canada; c’est pour ça que j’ai payé et j’avais une peur bleue de ce qui pouvait m’arriver ».

N’y aurait-il pas moyen d’obtenir de notre gouvernement que cessent ces abus odieux, surtout au détriment des touristes ? Ça leur coûte déjà assez cher de faire un voyage sans que certains policiers leur imposent d’autres frais.

Signée : Albert Gravel.

Monsieur Albert Gravel,
Montréal 12, P.Q.

Monsieur,

Nous accusons réception de votre lettre du 6 courant concernant certains abus de la polies Municipale de Dorion, en rapport avec les infractions a la Loi des véhicules automobiles.

Nous regrettons d’avoir à vous dire que ce département n’a aucune juridiction pour intervenir. Nous vous suggérons donc d’adresser votre protestation aux autorités municipales, et nous n’avons pas d’objection a ce que vous leur disiez que c’est à notre suggestion que vous le faites.

Veuillez me croire,

Votre tout dévoué, l’Assistant procureur général adjoint, (signature illisible).

Une idée sans exécution est un songe (Saint-Simon, Mémoires). Photo de Megan Jorgensen.
Une idée sans exécution est un songe (Saint-Simon, Mémoires). Photo de Megan Jorgensen.

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