Les Valises rouges

Les valises rouges : Deux Saguenéennes arrêtées à Rome avec 6,6 kg de héroïne

Les deux profs menaient une vie exemplaire

Deux enseignantes de la région du Saguenay, l’une de 56 ans et l’autre de 53, toutes deux honorables, dévouées, rangées et respectées de tous, ont été prises dans une affaire absolument invraisemblable hier (le 7 janvier 1986), à l’aéroport de Rome: elles ont été arrêtées avec deux valises à double fond remplies de 6,6 kg d’héroïne pure d’une valeur de 16,1$ millions sur le marché noir. Une quantité suffisante pour approvisionner les 5 mille héroïnomanes de Montréal durant un mois.

Micheline Lévesque, professeur de français à la polyvalente d’Arvida depuis 14 ans, et sa sœur Laurence, retraitée depuis un an, qui ont presque fait le tour du monde au cours des dernières années, revenaient cette fois-ci d’un voyage de trois semaines en Inde. Elles rentraient à Montréal après une halte en Italie lorsqu’elles sont tombées dans les griffes des douaniers dont l’attention a été attirée par des valises de plastique rouge qui semblaient anormalement épaisses.

Les deux femmes sont actuellement détenues à la prison romaine de Rebibbia où elles doivent être interrogées par un juge d’instruction. Le consul du Canada en Italie, qui attend toujours l’autorisation de les rencontrer, a toutefois promis de veiller à ce qu’elles aient de bonnes conditions de détention. On s’assurera aussi que les procédures soient accélérées, la justice italienne n’étant pas des plus expéditives. On se refuse cependant à fournir des détails sur cette affaire qui étonne tout le monde, surtout au Saguenay-Lac-Saint-Jean, où elles vivent depuis très longtemps.

Réactions

La nouvelle renverse le fils de Micheline Lévesque, Jean Roy, 21 ans. Il est étudiant en mécanique du bâtiment, Il vit seul avec sa mère dans une petite maison à Jonquière. « Ça ne se peut pas ! Ma mère a seulement fumé une Player’s Plain et bu de la tisane dans sa vie. Elle n’a même jamais reçu une contravention… » a-t-il dit au cours d’un entretien téléphonique, hier soir.

« Elle a même menacé de me mettre à la porte un jour que j’avais fumé un joint… », ajoute-t-il. Cela comme pour démontrer à quel point cette histoire de trafic d’héroïne est incroyable.

Depuis hier, il tourne et retourne les morceaux du puzzle dans l’espoir de trouver une réponse logique à tout cela. Mais les informations lui parviennent au compte-gouttes; elles arrivent seulement par les médias d’information, éparses et même contradictoires. « Honnêtement, je pense qu’elles ont été victimes d’un frame-up ».

Abasourdi lui aussi, Robert Roy, un oncle qui s’occupe de toutes les démarches nécessaires dans les circonstances, refuse de croire la version des autorités italiennes. Selon lui, les deux sœurs vivaient une existence paisible, partagée entre le travail et leur chalet au lac Saint-Jean.

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Leur seul luxe était ce voyage annuel qu’elles s’offraient durant la période des Fêtes. « On ne sait pas sur quel pied danser, s’il faut aller là-bas ou non, déléguer un avocat. Il n’y a que l’ambassade qui puisse nous aider. » La famille s’est même adressée directement au bureau de Joe Clark, secrétaire d’État aux Affaires extérieures du Canada.

Tout le monde s’accorde pour dire qu’elles n’avaient aucun souci financier. La plus âgée, Laurence, 56 ans, demeurait seule et profitait calmement de sa retraite après avoir fait carrière dans l’enseignement où elle avait accumulé des revenus intéressants. Quant à sa sœur Micheline, 53 ans, elle a élevé seule son garçon et sa fille (aujourd’hui âgée de 25 ans), après la rupture avec son mari, il y a 15 ans. Ce dernier s’est suicidé en 1983, laissant un héritage à la famille.

« Elles sont du genre intellectuel. Leurs loisirs se limitent à la lecture, aux mots croisés et aux voyages », précise Jean Roy qui a reçu une carte postale de sa mère, en provenance de New Delhi, dans laquelle elle affirmait que tout allait bien. « C’était toujours de voyages culturels. Avant l’Inde, il y a eu Israël, la Grèce, le Maroc, etc. ».

À la polyvalente

À la polyvalente d’Arvida, où Micheline Lévesque devait reprendre à 9 heures hier matin, on ne savait pas si l’on devait rire ou pleurer. Personne n’en croyait ses oreilles. Encore là, les sœurs Lévesque avaient une réputation sans tache. « Il faudrait que je fabule pour trouver une seule raison de croire qu’elles ont pu tremper dans le commerce de la drogue », déclare Yvon Perron, directeur de l’école, qui se même rend à la station de radio locale pour vérifier l’exactitude des faits qui venaient d’être lancés sur les ondes.

« Micheline est une prof dévouée, compétente qui s’implique dans toutes les activités de l’école. Et de plus, je ne connais pas de personne plus straight qu’elle… » Elle enseigne le français à quelque 120 élèves du Secondaire III.

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Un ami de longue date a aussi confirmé qu’elles menaient une vie exemplaire. On ne leur connaissait pas de mauvaises fréquentations. « Si elles fréquentaient des individus louches, tout le monde le saurait à Arvida », s’est-il exclamé en riant de bon cœur.

Le capitaine Gervais, de la police de Jonquière, affirme que ces femmes n’ont jamais eu affaire à la justice et que le mystère demeure entier.

Note de GrandQuebec.com : La justice a acquité les deux sœurs Lévesque en 1987. Déjà en juillet 1986, durant leur détention en Italie, elles ont commencé à rédiger l’histoire de leur plus grand voyage. Elles l’ont publié sous le titre « Les valises rouges« .

valises rouges
Couverture du livre Les valises rouges, écrit par Laurence et Micheline Lévesque et publié par la maison d’édition JCL en novembre 1987.

Voir aussi :

2 réflexions au sujet de “Les Valises rouges”

  1. Bonjour.

    J’ai suivi à l’époque cette curieuse affaire et l’évolution de ses protagonistes. Je m’intéresse beaucoup à l’actualité, tant politique que criminelle; à l’histoire aussi, la petite comme la grande.

    Ceci n’est pas un commentaire, mais plutôt une demande d’information. J’ignore si je m’adresse au bon endroit pour l’obtenir, mais j’essaie à tout hasard. Une demande de renseignements généraux. Je voudrais savoir ce qu’est devenue Sylvie Roy, la fille de Micheline, et mêlée de près à l’affaire. Après son extradition en 1992 en Italie à partir de la Belgique pour répondre à une accusation de trafic de drogue, plus rien. Les médias n’en n’ont plus parlé, du moins pas à ma connaisssance. Qu’est-il donc advenue d’elle? A -t-elle été condamanée en Italie, ou est-elle revenue au Québec? J’aimerais qu’on m’éclaire là-dessus.

    Je vous serais reconnaissant de me transmettre ces renseignements, si vous les avez. Si vous estimez le sujet trop délicat, oubliez ma demande. Mais au moins, faites-moi connaître votre réponse.

    Je vous remercie.

    Jean-François Delisle
    (514) 273-0162

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  2. Bonjour M. Delisle.

    Non, malheureusement, on n’a pas trouvé d’autres infos sur la destinée d’autres personnages impliqués dans cette histoire. Il se peut, la maison d’édition JCL qui a publié le livre Les Valises Rouges pourrait vous renseigner sur les détails. Bonne chance dans votre recherche!

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