Le Berthier est la proie des flammes et coule dans le port
Le Berthier coule : Comme le traversier arrivait à Montréal de Sorel, le feu se déclare à bord et sort en tourbillons en arrière de la cheminée.
Le steamer Berthier de la compagnie Richelieu a été la proie des flammes, la nuit dernière (25 mai 1914). Les ravages ont été tels que le navire s’est enfoncé jusqu’au pont supérieur et flotte maintenant penché sur le flanc gauche, dans le bassin de la compagnie Richelieu, près de la rue Bonsecours.
Il était quelques minutes après dix heures, hier soir, quand l’incendie se déclarait à bord.
Le Berthier venait d’arriver de Sorel au quai Victoria avec cent trente-cinq passagers. Les amarres et les passerelles avaient été mises en place et les passagers commençaient à descendre quand tout à coup le gardien de nuit Levac vit s’élever une flamme sur le pont en arrière de la cheminée. Il avertit les officiers du bord, puis cria au constable DeBellefeuille qui était en fonction sur le quai de sonner une alarme.
Pas de panique
Les passagers ne furent nullement effrayés, mais se hâtant un peu finirent de descendre en bon ordre, sans qu’il se produisit le moindre commencement de panique.
Sur les entrefaites arrivaient les pompiers de la division Est, dirigés par le chef de district Giroux. Celui-ci jugea d’un coup d’œil que la situation était grave. Un peu en arrière du Berthier était amarré le Trois-Rivières, et de nombreux vaisseaux étaient échelonnés le long du quai qui entoure le bassin. Il y avait danger que les flammes, déjà ardentes sur le Berthier, se propageassent aux autres navires. Il sonna aussitôt une deuxième alarme et bientôt accouraient les chefs adjoints Saint-Pierre et Mann et les chefs de district Lussier et Favreau, avec une bonne partie de la brigade. Mais le travail n’était pas facile. Il fallait prendre l’eau aux bornes-fontaines de la rue des Commissaires. Sept pompes à vapeur furent échelonnées sur cette rue.
Un sauvetage
Les flammes s’élevaient déjà à une grande hauteur et se dirigeaient vers la poupe, quand tout à coup des cris retentirent dans la foule : «Des hommes sont à bord!».
En effet, on put distinguer sur le point, à l’arrière, des hommes enveloppés de fumée et qui appelaient au secours. Le chef adjoint Saint-Pierre et le chef de district Giroux organisèrent aussitôt le sauvetage. Avec l’aide de quelques pompiers, ils purent appuyer deux passerelles sur le quai et les soutenir au-dessus de l’eau.
Deux des hommes en danger, MM. Achille Mercier, commissaire du bord, et un autre employé nommé Roy, purent se sauver. Mais l’amarre en arrière du vaisseau s’était rompue, et le Berthier s’éloignait du quai. Déjà un pompier du nom de Beaulieu se préparait à se jeter à la nage pour aller porter secours au dernier homme à bord, quand le vent fit revenir le navire et bientôt celui-ci était sauvé comme ses compagnons.
Courage de retourner
Cependant Roy eut encore le courage de retourner par l’avant sur le Berthier pour sauver le boite à argent.
Afin de protéger le «Trois-Rivières», les officiers firent larguer les amarres. Ils ont entraîné le navire à quelque distance.
Bientôt arrivaient les remorqueurs Saint-Pierre et John Pratt. On a lancé de puissants jets d’eau de ces deux remorqueurs qui aidèrent puissamment au travail des pompiers. Mais le feu s’était à la fois propagé dans la cale et sur les ponts du Berthier. Le vaisseau se mit lentement à enfoncer en s’inclinant sur la gauche. Les flammes jaillissaient de partout. Enfin, au bout d’une heure, il flottait enseveli jusqu’au premier pont. Il semble que le navire est cassé en deux, mais c’est seulement l’arrière qui a été soulevé par la pression de l’eau.
Dès lors, l’incendie s’éteignit peu à peu.