
Outré de l’attitude du président du CTC, Laberge quitte la salle du congrès en claquant la porte
Toronto – La tension a de nouveau monté, hier soir, à la 7e assemblée biennale du Congrès du travail du Canada, alors que le président de la Fédération des travailleurs du Québec, fâché comme on ne l’a jamais vu, a claqué la porte de la salle des délibérations après avoir « railroade » (en français on pourrait traduire par « écrasé ») la délégation du Québec.
M. Laberge a dit que M. MacDonald était digne d’avoir une carte de membre « for a railroad union ». Il s’adressait à lui, sur une question de privilège après que l’assemblée eut d’abord adopté une question préalable mettant fin au débat sur la fameuse recommandation #32, et entériné ensuite la recommandation du comité exécutif du CTC, sans tenir compte des revendications de la FRQ, revendications contenues dans le rapport minoritaire de M. Gérard Rancourt, secrétaire de cette fédération, qui siégeait sur la commission qui a étudié les réformes à apporter aux statuts et aux structures du CTC.
Avant l’ajournement de la séance, à 5 h. hier après-midi, une quinzaine de délégués du Québec avaient accaparé les six microphone : mis à la disposition des participants à ce congrès, pour être certains que leurs points de vue seraient exprimés.
À la reprise de la séance, à 7 h.20 M. MacDonald a suggéré la façon de procéder suivante : ceux qui étaient contre la recommandation du comité exécutif (donc les délégués du Québec surtout) devaient se placer en ligne derrière les microphones numéros 1,3,5, soit ceux à droite de la salle, et ceux en faveur, derrière les microphones 2,4 et 6.
Cette suggestion a été approuvée par la majorité des délégués présents (dont le nombre, incidemment atteignait 1,653 hier), malgré la protestation des délégués du Québec qui comptent présentement près de 300 participants.
Tout allait bon train jusqu’à ce que M. William Mahoney, qui était sur l’estrade d’honneur, un vice-président du CTC et directeur canadien des métallurgistes unis d’Amérique, intervienne pour se prononcer contre le rapport de M. Rancourt et en faveur d’une centralisation des pouvoirs aux mains du CTC.
Seuls M. Louis Laberge, avant le souper, et après le souper MM. André Plante, président de l’Association des pompiers professionnels du Québec, André Thibaudeau, directeur québécois de Syndicat canadien de la fonction publique et Fernand Daoust, directeur du Québec du Syndicat international des travailleurs des industries pétrolière, chimique et atomique, avaient pris la parole pour tenter de démontrer que les fédérations provinciales devraient avoir des pouvoirs plus étendus pour leur permettre de faire face à leurs responsabilités.
Immédiatement après le discours de M. Mahoney por qui la lumière qui indique si un délégué a parlé plus de cinq minutes n’avait pas été utilisée, un délégué qui n’avait pas eu à se lever, avant l’ajournement à 5 h a posé la question préalable. La question préalable est une règle de procédure qui, quand elle est adoptée par la majorité d’une assemblée, met fin à toute discussion. La question préalable fut adoptée.
On passa donc immédiatement à la résolution principale, soit la recommandation du comité exécutif donc opposé aux vues de la FTQ, et la majorité vota favorablement.
M. Laberge intervint, invoquant une question de privilège pour dire à M. MacDonald qu’il avait écrasé la délégation du Québec, et fâché, il quitta aussitôt la salle.
Après un compromis, mardi, sur une question qui risquait d’amener un grave conflit CTC-FTQ, la FTQ venait d’essayer une défaite.
Tous les délégués étaient fort mécontents. Ils ont voulu imiter le geste de M. Laberge, mais on les a invités à demeurer dans la salle où se poursuivait l’assemblée. Les Jean Gérin-Lajoie, André Thibaudeau, Fernand Daoust et autres n’ont pas caché qu’ils étaient « écœurés » (c’est le terme que quelques uns d’entre eux ont utilisé) de la façon que M. MacDonald et les autres dirigeants du CTC agissaient.
(C’est arrivé le 8 mai 1968 à Toronto).

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