Effroyable catastrophe

Effroyable catastrophe

Un violent incendie détruit le superbe bateau de la compagnie du Richelieu, le Montréal. Les pertes se chiffrent à plusieurs centaines de mille piastres.- Au cours du sinistre, la charpente d’un hangar de la compagnie Allan s’effondre. – Un mort, une centaine de blessés

Vers neuf heures samedi soir, le 7 mars 1903, une immense lueur envahissait le firmament, avertissant la population de la métropole qu’une grande conflagration venait de se déclarer quelque part. La rumeur se répandit d’abord que les bureaux de la compagnie G.N.W., rue Saint-François Xavier, étaient la proie des flammes, mais cette rumeur fut bientôt démentie. L’on apprit que le feu dévorait le nouveau steamer le Montréal, de la compagnie de navigation Richelieu et Ontario, auquel des ouvriers étaient à donner le dernier polissage, dans le bassin de la douane. Il se fit alors une immense poussée du côté des quais. Pendant quelques minutes, on vit surgir de tous côtés une foule effarée courant à perdre haleine vers un même point.

Les théâtres se vidèrent, les rues et les magasins furent bientôt déserts, et moins d’un quart d’heure après le commencement de l’incendie, une foule de 60 000 à 75 000 personnes était réunie sur les quais.

Ce fut une vraie lutte

On se poussait, on se bousculait, on s’écrasait pour conquérir une place d’où il fut possible de voir le spectacle grandiose qu’offrait la conflagration. Le mur de revêtement était couvert de monde sur presque toute sa longueur.

Des milliers de personnes avaient même franchi le mur de revêtement. Ils s’étaient aventurées sur la glace couvrant les quais, s’étaient juchées sur les carcasses d’entrepôts que les grandes compagnies de navigation Allan, Elder-Dempster, etc., laissaient sur les quais d’hiver.

Au plus fort de l’incendie, alors que le bateau n’était plus qu’un brasier ardent, que les flammes s’élevaient dans les airs à une hauteur considérable, que l’attention de tout le monde était captivée par la grandeur imposante du spectacle, alors que toute la foule, haletante saisie, pétrifiée, suivait avec passion les péripéties du drame, un craquement se fit entendre, un bruit assourdissant d’une maison qui s’écroule.

Il y eut un moment d’angoisse et de stupeur, puis des cris et des lamentations, des appels désespérés et des plaintes de mourants se mêlèrent au crépitement sinistre des flammes voraces dévorant avec rage les bois rares, les sculptures, les tapis, en un mot, toutes les richesses que renfermait le navire neuf.

La carcasse d’entrepôts de la compagnie Allan venait de s’écrouler et des centaines de personnes se débattaient dans la plus affreuse des situations. Ceux qui étaient grimpés sur l’entrepôt furent entraînés dans la chute des pièces de fer et de bois dont était faite la construction, et ceux qui se trouvaient en dessous furent écrasés sous les débris.

Le premier moment de panique passé, on se mit en devoir de porter secours aux blessés. Toutes les voitures d’ambulance et de patrouille furent immédiatement réunies sur les lieux, et alors commença le transport des blessés aux hôpitaux.

Des centaines de personnes n’ont reçu que de légères blessures et ont pu retourner seules chez elles, après avoir été pansées sommairement par les médecins présents. Les autres furent transportés dans les divers hôpitaux, où plusieurs sont actuellement en danger de mort.

Le nouveau Montréal devait être livré à la Compagnie de navigation Richelieu et Ontario en juin prochain. Il devait être le plus beau bateau de son genre, construit sur ce continent. La perte est pour les entrepreneurs qui ont, sur le navire, $ 350, 000 d’assurance. Telle est, en résumé, l’histoire de la grande catastrophe qui a jeté un crêpe de deuil sur Montréal, samedi soir.

Épilogue

Le terrible incendie et l’écrasement de l’entrepôt auraient pu avoir des conséquences beaucoup plus désastreuses, car si le nombre des blessés a été très élevé, il s’agissait surtout de blessures relativement mineures.

La seule victime de la catastrophe, au lendemain de celle-ci, était un jeune homme de 20 ans, employé du Grand Tronc, M. Nicola Florillo, qui subit une fracture du crâne en plus d’avoir la gorge broyée. Il s’agissait d’un immigré italien tout récemment arrivé au Canada, et auquel on ne connaissait pas de parenté à Montréal.

Selon M. Frank Kennedy, gardien du Montréal, l’incendie se serait déclaré dans l’entrepont et aurait été causé par une combustion spontanée de coton pressé imprégné de térébenthine et d’autres matières inflammables avec lesquels les peintres s’essuyaient les mains après leur travail. Le vaisseau devait être complètement terminé dans deux ou trois semaines.

M. J. Côté, gardien des barges des MM. Allan, est celui qui a sonné l’alarme. Il a remarqué que les flammes s’étaient déclarées à l’avant du navire pour la suite se propager à une vitesse inouïe.

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La catastrophe. Photo : © GrandQuebec.com.

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